Suite de l'article du Monde du 25/10 décodant le discours de M. Le Pen.
#8 : L’immigration
Ce qu’elle
a dit : « La religion immigrationniste est une insulte à
la personne humaine, dont l’intégrité est toujours liée à une communauté
nationale, une langue, une culture »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire :
Voilà un sujet sur lequel la partition de Marine Le Pen n’est (presque) pas
implicite : l’immigration. La présidente du FN dénonce dans son
discours « la religion immigrationniste », qui « est
une insulte à la personne humaine, dont l’intégrité est toujours liée à une
communauté nationale, une langue, une culture ». De son point de vue,
l’immigré représente un péril pour l’identité individuelle et collective. « Ces
peuples », dit-elle de manière volontairement vague, « dont
la croyance, les mœurs, les pratiques ne sont pas les nôtres, n’ont pas
vocation à être en France ». Les laisser venir en France serait même
leur faire « une insulte », puisque la culture française
les empêcherait eux-mêmes de s’épanouir. « Elle dénonce le
communautarisme et y cède en même temps en se réclamant d’un communautarisme
majoritaire. Elle est dans une vision d’une communauté cloisonnée et
figée », note l’historien Grégoire Kauffmann, auteur du livre Le
Nouveau FN. Les vieux habits du populisme (Seuil, 112 pages, 11,80 euros).
Pas question, en revanche, de donner des détails sur ces « peuples » qui
seraient incompatibles avec les Français… « Elle est sur
l’euphémisation des éléments les plus clivants », relève M. Kauffmann.
En utilisant le terme de « religion »,
la fille de Jean-Marie Le Pen tente par ailleurs de disqualifier le discours de
ses opposants pour se ranger, elle, du côté de la raison. Ce qualificatif est
utilisé une autre fois quand elle évoque, dans une même volonté de dénigrement,
la « religion du multiculturalisme ».
AA : on ne peut être plus clair sur ceux qui sont visés.
Cela fait penser à Trump qui voulait refuser les immigrés musulmans. Il a dû
certes édulcorer, mais comme pour le FN, on ne doute pas des mesures qui
seraient mises en œuvre par l’un et l’autre s’ils étaient élus…Et il est vrai que
cela plait à une partie des Français et des Etatsuniens !
#9 : Le
multiculturalisme
Ce qu’elle
a dit : « Derrière le multiculturalisme et le
communautarisme sur le sol de notre patrie, vient la remise en cause de la
liberté, de toutes les libertés, celles notamment conquises par les femmes, à
quel prix ! Notre pays vit une période folle qui voit les droits des
femmes s’effacer, de plus en plus rapidement, derrière les victoires du
fondamentalisme ! »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire :
Le marinisme se distingue par certaines cohérences. En règle générale, la « société
multiculturelle » est synonyme de « société
multiconflictuelle ». Pour étayer ce propos, le Liban, contre-modèle
de l’extrême droite française depuis les années 1980, sert toujours
d’argumentaire. « Le Liban fut le triste exemple, la guerre civile
entre des communautés qui tôt ou tard découvrent qu’elles ne sont pas faites
pour vivre sans conflit, pour travailler, voter, se gouverner ensemble »,
explique Marine Le Pen dans son discours. D’où sa volonté de maintenir des
cloisons entre les civilisations : « Oui au multiculturalisme
au niveau de la planète, non au multiculturalisme dans un seul pays. »
Un différentialisme que la présidente du FN affirme
avec force, comme rarement ces dernières années. Son propos n’est pas
sans rappeler celui des tenants de la Nouvelle droite, qui, au cours des
décennies 1970-1980, ont contribué à renouveler le logiciel de la droite et de
l’extrême droite dans une logique élitiste et identitaire. « La
Nouvelle droite se place dans le refus de la fin de l’histoire. Son chef de
file Alain de Benoist postule que le monde périra s’il n’y a plus de
civilisations. Il parle d‘idéologies humaines », rappelle Jean-Yves
Camus, de la fondation Jean-Jaurès.
#10 : Les femmes
Ce qu’elle a dit : « Notre pays vit
une période folle qui voit les droits des femmes s’effacer, de plus en plus
rapidement, derrière les victoires du fondamentalisme ! Je dis aux
Françaises, et à tous ceux qui les aiment pour ce qu’elles sont, qu’elles
pourront compter sur moi ! »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire :
D’une pierre deux coups. Depuis les agressions du Nouvel An 2016, à Cologne,
Marine Le Pen a épousé la cause des femmes pour mieux dénoncer l’immigration et
l’« islamisme ». Une manière d’essayer de rattraper son retard
auprès de l’électorat féminin, tout en restant fidèle à ses fondamentaux. « Notre
pays vit une période folle qui voit les droits des femmes s’effacer, de plus en
plus rapidement, derrière les victoires du fondamentalisme ! Je dis aux
Françaises, et à tous ceux qui les aiment pour ce qu’elles sont, qu’elles
pourront compter sur moi ! », promet la candidate dans son
discours. Cette posture a été adoptée depuis plusieurs années par l’allié
néerlandais du FN, le PVV, parti farouchement anti-islam, qui prend la défense
des droits des homosexuels dans le même ordre d’idées.
La cause des femmes n’a rien de naturel au Front
national. Le 1er mai 2016, une partie des cadres et de la base frontiste
s’était offusquée lorsque la députée européenne Sophie Montel avait assuré
que la formation d’extrême droite défendait « la non-remise en
cause de l’avortement » et « le droit de la femme à
disposer de son corps ». Mme Le Pen elle-même utilisait encore, en
2012, l’expression d’avortements « de confort ».
AA : la participation de leaders du FN à la
dernière « Manif pour tous » est l’exemple même de l’attachement de
ce parti à ses racines : non à l’avortement et non aux homosexuels,
quoique pour ces derniers la pression de nombreux homosexuels en son sein (et,
notamment, autour d’elle) oblige MLP à naviguer prudemment…
#11 : Les réprouvés
Ce qu’elle a dit : « Il faut se
souvenir de toutes celles, de tous ceux qui ont combattu, qui ont parlé, qui
ont raconté, qui ont témoigné. Ils ont été les témoins de l’ombre, les héros
anonymes d’un combat pour la France aussi essentiel, aussi vital que peu
d’autres. »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire :
Le passage pourrait presque être interprété comme un hommage à Jean-Marie Le
Pen. Il rend grâce aux militants d’extrême droite des dernières décennies. Face
aux tenants de la « religion immigrationniste », Marine
Le Pen appelle à « se souvenir (…) des héros anonymes », « prophètes
d’un monde qui vient », que « la caricature » aurait
dépeint en « adeptes de l’exclusion, de la fermeture »,
en « nostalgiques d’un passé condamné ». L’extrême droite
s’est longtemps vécue – et pour certains se vit encore – comme une famille
de « réprouvés », ostracisée par la société et la classe
politique. Mme Le Pen, comme pouvait le faire son père avant elle, salue donc
ces militants, qui constituent à ses yeux l’avant-garde. Toutefois, une
différence est à noter par rapport au cofondateur du FN : dans l’esprit de
sa fille, la victoire culturelle a été remportée par son camp, qui aurait
dépeint le « réel » avant les autres. Nul besoin,
donc, de continuer à se voir comme un perdant magnifique.
AA : là encore, il ne faut pas se couper de ces
militants qui ont accompagné JM Le Pen dans la naissance du FN : racistes,
vichyssois, antisémites, anciens OAS… ils étaient le FN et ils restent très
actifs dans le parti, beaucoup se retrouvant plus chez Marion Maréchal-Le Pen
que chez sa tante, partisane de la « banalisation » du FN, pour
élargir sa clientèle…
A suivre