lundi 31 octobre 2016

Le hasard fait quelque fois bien les choses !

J'avais lu, jeudi dernier, sur Facebook le courrier d'un de mes "amis" à sa conseillère "Pôle emploi". Lettre pleine humour sur l’inefficacité de cet organisme…
Or, hier, je suis allé voir le dernier film, Palme d’or du dernier festival de Cannes, « Moi, Daniel Blake ». De suite, je vous en livre mon appréciation : si vous n’avez plus qu’un seul film à voir d’ici la fin de votre vie, allez-y, courrez-y même ! 
Le thème : « Daniel Blake, portrait d'un indigné décidé à se battre jusqu'à son dernier souffle. Combat inégal : d'un côté, un charpentier veuf et sexagénaire de Newcastle. De l'autre, une administration à demi privatisée, rendue folle et perverse par sa chasse aux prétendus « assistés »... Sur le papier, tout a l'air simple : Daniel Blake est trop malade pour travailler. C'est l'avis formel des médecins, après une crise cardiaque qui a bien failli lui être fatale. Mais, avec les sous-traitants de la sécu locale, ces « professionnels de santé » planqués derrière leurs discours d'automate et leur mauvaise foi, son cas se transforme en cauchemar. Après une série de questionnaires totalement inadaptés, le verdict tombe : si Daniel Blake a ses deux bras et ses deux jambes, c'est qu'il est valide. On lui refuse, donc, toute indemnité... Désormais sans ressources, il ne lui reste plus qu'une solution absurde, kafkaïenne : essayer de toucher l'allocation chômage, en prouvant qu'il cherche un travail... qu'on lui interdira d'exercer".

Vous avez reconnu cette société déshumanisée, technocratique, avide de rentabilité, de baisse des coûts, celle que beaucoup d'entre nous côtoient tous les jours, celle où les plus faibles et les plus démunis sont prêts à n'importe quoi pour rompre avec elle... 
Prenez quelques minutes, après avoir visionné le film, pour vous en remettre, l'émotion étant palpable même chez les plus endurcis...




Lettre ouverte à ma “conseillère” Pôle emploi : adieu !


Chère Madame ma conseillère,

Enfin, conseillère... c'est un bien grand mot, puisque je ne vous ai jamais vue, et que vous ne m'avez jamais conseillé. Nous aurions pu nous rencontrer le 3 novembre, puisque, suite à ma demande du 14 septembre, réitérée à deux reprises puisque restée sans réponse, vous avez fini par m'accorder un rendez-vous. A une date fixée unilatéralement. Lorsque vous allez chez le dentiste, c'est lui qui décide de la date sans vous demander votre avis ? Cette manière de faire est à l'image de Pôle emploi : inefficace.
Bref. Je ne viendrai pas le 3 novembre, car je commence un nouvel emploi le... 2 novembre. Eh oui, j'ai trouvé. Pas grâce à vos services et conseils, rassurez-vous.



En effet, j'ai été inscrit pendant trois ans chez Pôle emploi, tout d'abord pour créer une entreprise et bénéficier de l'Aide à la Reprise et Création d'Entreprise (ARCE). A mon premier rendez-vous, l'un de vos collègues m'a demandé ce que je souhaiterais faire si mon projet d'entreprise ne marchait pas... S'il avait lu quelques lignes de mon CV, qu'il avait sous le nez, il aurait vu que j'ai monté ou participé à monter sept entreprises. Qui sont toutes encore vivantes, et ont permis de créer plus d'une centaine d'emplois. Mais non, il fallait juste qu'il remplisse son formulaire, et mon projet ne rentrait pas dans les cases... Notre relation commençait bien. Puis, découragé, ayant notamment abandonné mon entreprise à cause des immenses difficultés posées aux entrepreneurs dans ce pays, causées par une administration tatillonne et paperassière, qui prétend appliquer des normes qu'elle-même ne comprend pas, je me suis réinscrit en tant que chercheur d'emploi. Que j'ai fini par trouver. Tout seul.
Il est l'heure de faire le bilan : en trois ans, Pôle emploi ne m'a servi à rien. RIEN. Si ce n'est me faire perdre de l'énergie et du temps. Et à faire des courriers pour justifier mon absence à des rendez-vous qui m'étaient fixés des dimanches ou pour lesquels on ne m'avait pas envoyé de convocation... Ah si, Pôle emploi m'a servi à toucher une aide pour créer mon entreprise, donc, puis l'Aide à la Recherche d'Emploi (ARE), qui m'a permis de vivre quelques mois, le temps de retrouver le cocon bien protégé du salariat. Oui, mais, verser cette ARE, l'Assedic le faisait très bien. Ce n'était pas la peine de fusionner avec l'ANPE si c'est pour produire la même ineptie bureaucratique sans effet sur la baisse du chômage.
Un jour,peut-être, on se rendra compte qu'une assurance, puisqu'il s'agit de cela, doit se contenter d'assurer contre le risque et d'indemniser. Et pas de penser qu'elle peut aussi aider les gens à trouver un emploi. J'ai cotisé pendant des années contre le risque chômage, j'ai donc, une fois au chômage, touché une allocation correspondant à la couverture de ce risque. Mais pour le reste, franchement... Gardez l'argent que vous dépensez à vos autres activités pour augmenter les allocations. Il sera mieux dépensé.
Je sais que vous, individuellement, vous n'êtes pas pour grand-chose à cette histoire. Oui, mais, quelqu'un a décidé que vous étiez mon interlocutrice au sein de Pôle emploi. Alors, je m'adresse à vous. Quitte à ce que vous fassiez suivre à qui de droit. J'ai épuisé les forces nécessaires pour savoir s'il y a quelqu'un dans votre organisme qui répond, parfois, aux interpellations.
Cordialement,
LB

dimanche 30 octobre 2016

Piqué sur Facebook...

Un peu d'humour, même non politique, cela ne fait pas de mal... Et puis, cela change des "affreux" du FN...

- Un ami était en mairie pour assiste à un mariage.
Le maire a prononcé une formule traditionnelle :" s'il y'a une personne qui s'oppose à ce mariage qu'elle se manifeste maintenant ou se taise à jamais".
Du fond de la salle, une femme enceinte s'est levée et à commencer à s’avancer dans l'allée, vers le maire, avec un enfant de 3 ans dans les bras.
Le marié transpirait, la mariée s'est évanouie.
Tous les cœurs battaient.
Arrivée devant le maire, elle dit: "quand on est derrière, on n’entend pas bien"...


- On se demande franchement de quoi les gens se plaignent en France...
Certes, le ticket de métro est à 4€ (NKM). Mais quand on vit dans un pays où le SMIC est à 1800€ nets (Benjamin Castaldi), où les pains au chocolat coûtent entre 10 et 15 centimes (Copé), où même un clochard peut mettre 1500€ de côté (Séguéla) et où un CDD peut être renouv… Non, un CDI peut être requalifié 3 fois… Non. Un CDD ne peut… (El Khomri), il n'y a vraiment pas de quoi aller perdre des globes oculaires en manif.
Même si, je le concède que : «c’est parfois difficile de finir le mois avec un salaire de 25000€» (Hanouna). Tout comme il est aussi dur de se faire réélire, de se faire renommer au pouvoir, de cumuler tout en continuant a vivre sous les ors de la république. En bref, beaucoup a dire sur les uns et les autres. 
Et pour terminer, arrêtez de vous foutre de la gueule de Copé, car vous seriez incapable de dire combien coûte une coupe de champagne au Fouquet's ...


- Un juif homosexuel new-yorkais visitait San Francisco et tomba en arrêt devant une synagogue sur le fronton de laquelle il était écrit : « réservée aux Juifs gays ». Intrigué, et comme c’était shabbat, il entra et décida d’assister à l’office. L’assistance était nombreuse, mais un homme lui sourit et l’invita, d’un regard engageant, à venir s’asseoir près de lui. Ce qu’il fit et pendant les minutes qui suivirent, l’homme se tourna vers lui à plusieurs reprises et lui sourit, lui faisant même un clin d’œil complice. Notre Juif new-yorkais était très émoustillé et, après moultes réflexions, décida de poser, délicatement, sa main sur la cuisse de ce voisin… 
A peine eut-il fait ce geste que 2 colosses noirs, portant un insigne « sécurité », l’empoignèrent et le jetèrent, sans ménagement, hors de la synagogue… « Mais je n’ai rien fait de mal, je n’ai fait que frôler de ma main mon sympathique voisin. Et ce n’est pas interdit pendant l’office, que je sache ! » hurla-t-il.
L’un des hommes de sécurité lui lança alors sur un ton sans réplique : « On ne touche pas à la femme du rabbin ! »

On comprend pourquoi M. Le Pen ne parle que rarement de son programme économique et social...

« Le programme économique du FN appauvrira en premier lieu les électeurs de celui-ci »
Chaque mesure du programme de Marine Le Pen, examinée une par une, serait en réalité néfaste pour ceux qui sont le plus tentés par le vote frontiste, explique l’économiste Olivier Pastré.
LE MONDE ECONOMIE | 25.10.2016 | Par Olivier Pastré (Professeur d’économie à l’université Paris-VIII)

La montée en puissance du Front national (FN) semble depuis quelques mois irrésistible et a de quoi inquiéter tous ceux qui croient en la démocratie. Face à cette menace, deux attitudes sont possibles.
La première consiste, dans les discussions de salon ou de cafétéria, à condamner de manière globale et indifférenciée le FN en se plaçant au niveau de la morale. Mais cette attitude est inefficace, voire contre-productive, car elle renforce, chez les indécis, le sentiment d’un ostracisme dont serait victime le parti de Marine Le Pen.
Une autre attitude paraît infiniment plus appropriée, même si elle est plus exigeante. Elle vise à engager le débat sur le terrain, non pas de la morale et du politique, mais de l’économie, afin de contrer pied à pied les arguments et les slogans du FN. Cette attitude est plus exigeante car elle nécessite plus de pédagogie et, surtout, plus de précision. L’idée de base de cette contre-offensive intellectuelle est simple, comme doit l’être toute ligne directrice pédagogique : démontrer que le programme économique du FN va nécessairement pénaliser en premier lieu ceux qui votent ou qui ont l’intention de voter pour ce parti.

Programme schizophrène
Pour atteindre ce but, il ne sert à rien de mettre en avant les innombrables incohérences du programme économique frontiste. Car ce programme est schizophrène : il promet à la fois la défense des PME, des artisans et des commerçants et la revalorisation massive du smic ; il prévoit en même temps des baisses d’impôt et une augmentation brutale des dépenses publiques. Mais cet angle d’attaque n’est pas le bon, car il reste trop général.
Pour être efficace pédagogiquement, il faut se centrer sur les trois principaux thèmes économiques frontistes – la sortie de l’euro, le protectionnisme et l’immigration –, afin de démontrer la contradiction entre les prescriptions du parti d’extrême droite et les intérêts de ses électeurs, issus en majorité des classes populaires et de la petite bourgeoisie.

Concernant la sortie de l’euro, on peut défendre ce projet à condition d’en accepter ses conséquences. Cela implique de se poser, et de poser au FN, toute une série de questions. Le « nouveau franc » plongeant immédiatement de 20% à 30 % face aux autres monnaies dans le meilleur des cas, qui cela avantagera-t-il ? Réponse : cela fera le bonheur de quelques patrons grands exportateurs et celui du CAC 40, mais ruinera définitivement toutes les PME qui vivent en consommant des produits importés donc plus chers – notamment l’énergie –, et qui ne pourront plus investir à l’étranger.
S’ajouteraient à cela : d’abord, une impossibilité absolue pour la France d’emprunter sur les marchés financiers pendant de nombreuses années ; ensuite, une explosion de la dette existante, qui devra être remboursée en euros avec des francs dévalués ; en outre, une mise en péril des banques françaises, qui empruntent en euros et qui ne pourront éviter la faillite qu’en répercutant l’envolée du coût de leur financement sur les PME et sur les citoyens, dont Marine Le Pen prétend défendre les intérêts ; enfin, une fuite des capitaux, qui ne fera qu’accentuer la baisse du franc.

La pédagogie, meilleure arme des démocrates
Passons au protectionnisme. La question à poser est double. D’une part, les exportations représentant 25 % du PIB, qu’adviendra-t-il des PME exportatrices qui se verront refuser l’accès aux marchés des pays que nous aurons « punis » en élevant nos droits de douane ? Réponse : elles déposeront leur bilan. D’autre part, quel impact sur le pouvoir d’achat des Français les plus modestes auront ces augmentations des droits de douane ? Réponse : une perte de revenu de plusieurs centaines d’euros par mois.
Reste, bien sûr, l’immigration et la préférence nationale. Outre le fait que toutes les évaluations économiques démontrent que l’immigration a un effet positif sur la croissance française, la question à poser est la suivante : qu’adviendra-t-il des PME qui produisent dans les secteurs les plus utilisateurs de main-d’œuvre immigrée, comme la restauration ou le BTP ? Réponse : elles mettront la clé sous la porte.

Je ne fais ici qu’esquisser trois débats au cœur du programme du FN. Il faut, bien sûr, approfondir ceux-ci et les nourrir d’éléments chiffrés incontestables, ce que n’aiment pas les thuriféraires du FN. Mais deux certitudes au moins demeurent. D’abord, que le programme économique du FN appauvrira en premier lieu les électeurs de celui-ci. Ensuite, que la pédagogie est la meilleure arme des démocrates. Nous ne pouvons pas nous laver les mains, tel Ponce Pilate, du débat sur et avec le FN. Non seulement il ne faut pas fuir ce débat, mais il faut aussi le rechercher.
C’est notre responsabilité de mener dès aujourd’hui ce combat d’idées, pour éviter que d’autres combats plus violents aient à être menés. Ce combat peut parfaitement être gagné si l’on parvient à convaincre ne serait-ce qu’une minorité d’électeurs, indécis mais de bonne foi. Je me suis livré à cet exercice dans les Bouches-du-Rhône, où les idées frontistes sont presque majoritairement partagées. Cette expérience m’a convaincu de la possibilité de faire pièce aux idées les plus dangereuses du FN avec l’arme de la pédagogie.



samedi 29 octobre 2016

La laïcité en grand danger (suite)

Dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat qui doit arbitrer entre 2 conceptions de la laïcité (http://alpernalain.blogspot.fr/2016/10/la-laicite-en-grand-danger.html), on observera l'attitude du tribunal administratif de Lille qui examinera, le 15 novembre prochain,  le recours porté par David Noël contre l'installation d'une crêche dans la mairie d'Hénin.
J'ai repris, ci-dessous, les arguments du conseiller municipal d'opposition héninois.

"Le Tribunal Administratif de Lille vient de m'informer que l'audience dans le cadre du recours que j'ai intenté contre la mairie d'Hénin-Beaumont contre l'installation d'une crèche de Noël dans le hall de la mairie aura lieu le 15 novembre prochain. 
Quelles que soient les circonvolutions de l'avocat de la mairie d'Hénin-Beaumont, chacun sait que :
1. Avant 2015, il n'y avait jamais eu de crèche de Noël dans le hall de la mairie d'Hénin-Beaumont, il n'existe aucune tradition d'installation de crèche de Noël dans notre hôtel de ville. 
2. La place d'une crèche de Noël, c'est dans une église ou à sa maison, pas dans une mairie. Tous ceux qui souhaitent admirer une crèche de Noël peuvent librement le faire à l'église, il n'est nul besoin qu'ils aillent à la mairie pour ça. 
3. La France est une République laïque dans laquelle l'Etat, les collectivités territoriales et les services publics doivent rester neutres. A Hénin-Beaumont, il y a des catholiques, des protestants, mais aussi des juifs, des musulmans et des athées qui ont le droit d'être respectés. Leurs impôts qui financent le budget communal n'ont pas à servir pour édifier ce qui est un emblème religieux.  
4. Considérer qu'une crèche de Noël, représentation figurée d'une scène de l'Evangile de Matthieu, relève d'une tradition culturelle et folklorique et pas de la religion est un argument à la fois absurde et insultant pour les croyants. 
5. Steeve Briois, Robert Ménard, Philippe de Villiers et leurs amis instrumentalisent un symbole religieux et violent la loi sur la laïcité de 1905 dans un but politique, celui d'affirmer les "racines chrétiennes de la France" menacées par le "grand remplacement" de l'immigration arabo-musulmane.  
Dans l'optique réactionnaire et maurrassienne qui est celle de ces élus d'extrême droite, la crèche de Noël n'est plus un symbole de fête, mais un symbole politique identitaire et xénophobe qui vise à diviser la population. 
6. Jusqu'à présent, le parlement a toujours refusé d'inscrire "les racines chrétiennes de la France" dans le préambule de la Constitution de la Ve République. Le parlement européen avait également rejeté la mention des "racines chrétiennes de l'Europe" dans le préambule du TCE rejeté en 2005. 
On ne comprendrait pas qu'une juridiction administrative, au nom d'une prétendue tradition festive et folklorique, fasse revenir par la fenêtre les "racines chrétiennes de la France" rejetées, à juste titre, par le Parlement. La France est une "république laïque", point barre, ce n'est pas une "république laïque aux racines chrétiennes". 
Nous saurons le 15 novembre quelle est l'analyse du rapporteur du Tribunal Administratif de Lille.  
D'ici-là, il y aura peut-être eu une décision du Conseil d'Etat. La plus haute juridiction administrative est très divisée comme en témoigne l'article du Figaro paru hier qui évoque des juges tétanisés à l'idée qu'une opinion publique chauffée à blanc par l'extrême droite identitaire puisse dire "Le Conseil d'Etat a autorisé le burkini, mais pas les crèches", argument utilisé par Steeve Briois lors du conseil municipal du 7 octobre dernier pour me faire passer pour un représentant de l'Anti-France... 
Sur ce dossier, une plainte a été déposée contre Steeve Briois, le co-administrateur de sa page facebook et plusieurs internautes frontistes qui m'ont injurié, qualifié de "traître à la France", d'"islamosocialope", d'"enculé d'intégriste laïque" entre autres joyeusetés et m'ont menacé de mort l'année dernière sans que Steeve Briois n'y trouve rien à redire. Une instruction est en cours. 
L'article 28 de la loi de 1905 est clair. Les juges du Conseil d'Etat doivent prendre leurs responsabilités, aller contre l'avis du rapporteur et rappeler que la laïcité qui nous protège et garantit la liberté de conscience de tous repose sur la stricte neutralité de l'Etat et des collectivités territoriales."

David NOËL

Le discours décrypté de M. Le Pen (5)

SU'ELLE A DIT

Suite et fin de cet article du Monde du 25/10 qui a analysé le discours de Fréjus du 17/9 de M. Le Pen.
Quand on décode ce discours, les tentatives de banalisation, de clientélisme et le recours aux fantasmes anciens sont tellement évidents que l'on se demande si le noyau dur du FN pourra encore supporter longtemps l'édulcoration de ses véritables attentes...  


#12 : Les références

Ce qu’elle a dit : « De Pékin à Brasilia et de N’Djamena à Calcutta, et aussi d’Alger à Montréal, cette France-là, la France de Victor Hugo et de Claude Lévi-Strauss, la France du général de Gaulle et d’André Malraux, était bien vivante et elle était attendue. »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire : René Girard, Claude Lévi-Strauss, André Malraux, Victor Hugo… Le Panthéon dressé par Marine Le Pen dans son discours ne répond en rien aux canons traditionnels des références du « camp » national. « Si elle avait voulu parler avec les mots du nationalisme, elle aurait pu citer Maurice Barrès par exemple, sur la querelle du cosmopolitisme. Mais elle préfère utiliser des références connues et acceptables, note Olivier Dard, spécialiste du nationalisme français. Elle est plus dans l’occupation d’un espace que dans une filiation idéologique. Il faut imaginer Charles Maurras faisant l’éloge de Victor Hugo… Elle n’a pas le souci de la cohérence idéologique. »
Le Front national aime brouiller les pistes pour essayer de rejeter l’étiquette d’extrême droite. Dans le passé, il n’a pas hésité à mettre Jaurès sur ses affiches ; Marine Le Pen à citer Raymond Aron à la télévision ; la section FN de Sciences Po à se baptiser du nom de Jean Moulin. Peu importe la cohérence historique, ni que d’anciens collaborateurs aient contribué à la fondation du Front national.
AA : un jour peut-être citera-t-elle… Marx !


 #13 : La posture gaullienne

Ce qu’elle a dit : « Qu’est-ce que la France si elle n’est pas la France libre, non alignée, toujours debout quand il s’agit d’affirmer la liberté des peuples à choisir leur destin ? »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire : Certaines références sont encore plus acceptables que les autres. Tout au long de son discours, Marine Le Pen file la métaphore de la « France libre » pour tenter de se placer dans les pas du général de Gaulle, une des rares personnalités politiques dont elle cite le nom. Dans son esprit, l’homme du 18-Juin est synonyme d’indépendance, de souveraineté et de grandeur. « Le moment est venu de remettre la France, libre, égale et souveraine, parmi les autres nations, elles-mêmes libres, égales et souveraines », lance-t-elle. Et de plaider pour une France « non-alignée » – sur les Etats-Unis, en particulier. Ces dernières années, les positions du FN sur la scène internationale collent souvent à celles de la Russie de Vladimir Poutine.
Mme Le Pen, dont le bras droit Florian Philippot se réclame du général, veut se tailler un costume gaullien depuis plusieurs années. Dans son discours de Fréjus, elle glisse des références implicites à l’ancien président de la République. Lorsqu’elle affirme que le multiculturalisme a « une apparence » – « le respect de toutes les différences » – et une « réalité » – « celui de les détruire toutes », son propos évoque celui du général de Gaulle à la suite du putsch des généraux à Alger, le 21 avril 1961. « Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers partisans, ambitieux et fanatiques », déclarait-il alors à la radio. Savoureux, quand on se rappelle que le Front national a été fondé par des partisans de l’Algérie française et d’anciens membres de l’OAS.


#14 : Un libéralisme national

Ce qu’elle a dit : « Pour que se lèvent à nouveau les forces du progrès, du renouveau, de la grandeur française, il faut à la fois que s’allègent à l’intérieur les contraintes et l’injustice fiscales, les contraintes réglementaires, juridiques, qui sanctionnent la réussite, qui découragent l’initiative et privilégient la rente sur l’investissement à risque, et que se renforcent à l’extérieur le principe de la préférence pour soi et de primauté de la Nation. »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire : Marine Le Pen prend dans ce discours un virage sémantique frappant. Elle plaide d’un côté pour que « s’allègent à l’intérieur [du pays] les contraintes et l’injustice fiscales, les contraintes réglementaires, juridiques, qui sanctionnent la réussite, qui découragent l’initiative » et de l’autre pour « que se renforcent à l’extérieur le principe de la préférence pour soi et de primauté de la nation ». Un décalque quasi-parfait de la position défendue par sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, réputée plus libérale.
Dans un autre passage de son discours, la présidente du FN déplore l’assistanat - sans utiliser le terme - en regrettant « l’enfermement malheureux dans l’assistance et même l’asservissement des uns et la spoliation des fruits du travail des autres ». Une manière de répondre aux critiques de la droite et de certains au sein de son camp qui voient dans son programme économique un avatar de la gauche. En défendant à la fois l’intervention de l’Etat et une plus grande liberté pour les entrepreneurs, la députée européenne tente de ratisser le plus largement possible, au risque du grand écart.
AA : à force de faire le grand écart… on se déchire !

#15 : Le « capitalisme national »
CE QU'ELLE A DIT
Ce qu’elle a dit : « Croissance régulière, monnaie nationale, égalité sociale, diffusées à tous les bénéfices du capitalisme national. » 
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire : Marine Le Pen assure s’opposer aux excès du libre-échange, pas au capitalisme en tant que tel. Dans son esprit, ce dernier doit être raisonné et au service des intérêts de la nation. La présidente du FN plaide dans son discours pour que les salariés « aient une plus large part » aux résultats des entreprises « en tant qu’associés en capital ». Il faut « que le succès de quelques-uns participe davantage au progrès de tous, qu’un capitalisme national entraîne mieux et davantage la France vers plus grand, plus riche, plus fort », estime-t-elle.
« Le capitalisme national tel que l’économiste Maurice Allais l’a pensé était praticable dans les années 1960-1970, mais plus dans les années 2010, estime Jean-Yves Camus, de la fondation Jean-Jaurès. L’économie n’était pas aussi financiarisée, il y avait un plan, les transferts de souveraineté n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui… Elle reste sur un modèle d’hier. » De fait, l’idée n’est pas neuve au sein du Front national. « C’est une reprise de Bruno Mégret [ancien numéro 2 du FN dans les années 1990]. On ne dit pas que les actionnaires doivent accumuler les dividendes mais que les Français doivent devenir copropriétaires des entreprises. Le programme pour les législatives de 1993 défendait déjà cela », rappelle l’historien Nicolas Lebourg.
AA : le grand écart, ce n’est pas seulement pour enjamber les uns et les autres à l’horizontale, mais aussi pour enjamber le passé et le présent, à la verticale ! Comment voulez-vous qu’elle ne se casse pas la figure !

 #16 : Le progrès

Ce qu’elle a dit : « Au-delà de nos différences, au-delà de nos histoires personnelles et de nos préférences partisanes, au-delà des formules et des politiques, nous avons la France en commun. »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire : Après avoir dépeint pendant près d’une heure un tableau sombre de la France, Marine Le Pen offre un dégagement qu’elle veut porteur d’espoir. La présidente du FN souhaite « que se lèvent à nouveau les forces du progrès, du renouveau, de la grandeur française » ; elle dit vouloir mener le combat pour « la liberté » et le « véritable progrès »« C’est la première fois que j’entends l’extrême droite investir le vocabulaire ’progressiste’», assure l’historien Nicolas Lebourg. Une nécessité pour essayer de rassembler au second tour de la présidentielle.
La conclusion de la candidate frontiste pourrait même être reprise au mot près lors de l’entre-deux tours. « Au-delà de nos différences, au-delà de nos histoires personnelles et de nos préférences partisanes, au-delà des formules et des politiques, nous avons la France en commun », affirme-t-elle, s’adressant à l’ensemble des Français.
Pour autant, l’optimisme - dimension essentielle pour qui veut entraîner une majorité derrière soi lors de ce type de scrutin - n’imprime pas encore son propos. « Les fondamentaux de son discours n’ont pas beaucoup évolué par rapport à celui qu’elle avait prononcé à Tours, en 2011, note Grégoire Kauffmann. Elle est dans une sorte d’autisme rhétorique, son propos est toujours anxiogène et catastrophiste. Au fond, ce discours n’est pas vraiment celui de la France apaisée. »

AA : d’ailleurs, « La France apaisée » qui fait sourire quand on suit la gestion quotidienne de l’actualité par le FN, passe au rayon des oubliettes. 







vendredi 28 octobre 2016

Le discours décrypté de M. Le Pen (4)

Suite de l'article du Monde du 25/10 décodant le discours de M. Le Pen.

#8 : L’immigration

Ce qu’elle a dit : « La religion immigrationniste est une insulte à la personne humaine, dont l’intégrité est toujours liée à une communauté nationale, une langue, une culture »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire : Voilà un sujet sur lequel la partition de Marine Le Pen n’est (presque) pas implicite : l’immigration. La présidente du FN dénonce dans son discours « la religion immigrationniste », qui « est une insulte à la personne humaine, dont l’intégrité est toujours liée à une communauté nationale, une langue, une culture ». De son point de vue, l’immigré représente un péril pour l’identité individuelle et collective. « Ces peuples », dit-elle de manière volontairement vague, « dont la croyance, les mœurs, les pratiques ne sont pas les nôtres, n’ont pas vocation à être en France ». Les laisser venir en France serait même leur faire « une insulte », puisque la culture française les empêcherait eux-mêmes de s’épanouir. « Elle dénonce le communautarisme et y cède en même temps en se réclamant d’un communautarisme majoritaire. Elle est dans une vision d’une communauté cloisonnée et figée », note l’historien Grégoire Kauffmann, auteur du livre Le Nouveau FN. Les vieux habits du populisme (Seuil, 112 pages, 11,80 euros). Pas question, en revanche, de donner des détails sur ces « peuples » qui seraient incompatibles avec les Français… « Elle est sur l’euphémisation des éléments les plus clivants », relève M. Kauffmann.
En utilisant le terme de « religion », la fille de Jean-Marie Le Pen tente par ailleurs de disqualifier le discours de ses opposants pour se ranger, elle, du côté de la raison. Ce qualificatif est utilisé une autre fois quand elle évoque, dans une même volonté de dénigrement, la « religion du multiculturalisme ».
AA : on ne peut être plus clair sur ceux qui sont visés. Cela fait penser à Trump qui voulait refuser les immigrés musulmans. Il a dû certes édulcorer, mais comme pour le FN, on ne doute pas des mesures qui seraient mises en œuvre par l’un et l’autre s’ils étaient élus…Et il est vrai que cela plait à une partie des Français et des Etatsuniens !

#9 : Le multiculturalisme

Ce qu’elle a dit : « Derrière le multiculturalisme et le communautarisme sur le sol de notre patrie, vient la remise en cause de la liberté, de toutes les libertés, celles notamment conquises par les femmes, à quel prix ! Notre pays vit une période folle qui voit les droits des femmes s’effacer, de plus en plus rapidement, derrière les victoires du fondamentalisme ! »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire : Le marinisme se distingue par certaines cohérences. En règle générale, la « société multiculturelle » est synonyme de « société multiconflictuelle ». Pour étayer ce propos, le Liban, contre-modèle de l’extrême droite française depuis les années 1980, sert toujours d’argumentaire. « Le Liban fut le triste exemple, la guerre civile entre des communautés qui tôt ou tard découvrent qu’elles ne sont pas faites pour vivre sans conflit, pour travailler, voter, se gouverner ensemble », explique Marine Le Pen dans son discours. D’où sa volonté de maintenir des cloisons entre les civilisations : « Oui au multiculturalisme au niveau de la planète, non au multiculturalisme dans un seul pays. »
Un différentialisme que la présidente du FN affirme avec force, comme rarement ces dernières années. Son propos n’est pas sans rappeler celui des tenants de la Nouvelle droite, qui, au cours des décennies 1970-1980, ont contribué à renouveler le logiciel de la droite et de l’extrême droite dans une logique élitiste et identitaire. « La Nouvelle droite se place dans le refus de la fin de l’histoire. Son chef de file Alain de Benoist postule que le monde périra s’il n’y a plus de civilisations. Il parle d‘idéologies humaines », rappelle Jean-Yves Camus, de la fondation Jean-Jaurès.

#10 : Les femmes

Ce qu’elle a dit : « Notre pays vit une période folle qui voit les droits des femmes s’effacer, de plus en plus rapidement, derrière les victoires du fondamentalisme ! Je dis aux Françaises, et à tous ceux qui les aiment pour ce qu’elles sont, qu’elles pourront compter sur moi !  »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire : D’une pierre deux coups. Depuis les agressions du Nouvel An 2016, à Cologne, Marine Le Pen a épousé la cause des femmes pour mieux dénoncer l’immigration et l’« islamisme ». Une manière d’essayer de rattraper son retard auprès de l’électorat féminin, tout en restant fidèle à ses fondamentaux. « Notre pays vit une période folle qui voit les droits des femmes s’effacer, de plus en plus rapidement, derrière les victoires du fondamentalisme ! Je dis aux Françaises, et à tous ceux qui les aiment pour ce qu’elles sont, qu’elles pourront compter sur moi ! », promet la candidate dans son discours. Cette posture a été adoptée depuis plusieurs années par l’allié néerlandais du FN, le PVV, parti farouchement anti-islam, qui prend la défense des droits des homosexuels dans le même ordre d’idées.
La cause des femmes n’a rien de naturel au Front national. Le 1er mai 2016, une partie des cadres et de la base frontiste s’était offusquée lorsque la députée européenne Sophie Montel avait assuré que la formation d’extrême droite défendait « la non-remise en cause de l’avortement » et « le droit de la femme à disposer de son corps ». Mme Le Pen elle-même utilisait encore, en 2012, l’expression d’avortements « de confort ».
AA : la participation de leaders du FN à la dernière « Manif pour tous » est l’exemple même de l’attachement de ce parti à ses racines : non à l’avortement et non aux homosexuels, quoique pour ces derniers la pression de nombreux homosexuels en son sein (et, notamment, autour d’elle) oblige MLP à naviguer prudemment…  


#11 : Les réprouvés

Ce qu’elle a dit : « Il faut se souvenir de toutes celles, de tous ceux qui ont combattu, qui ont parlé, qui ont raconté, qui ont témoigné. Ils ont été les témoins de l’ombre, les héros anonymes d’un combat pour la France aussi essentiel, aussi vital que peu d’autres. »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire : Le passage pourrait presque être interprété comme un hommage à Jean-Marie Le Pen. Il rend grâce aux militants d’extrême droite des dernières décennies. Face aux tenants de la « religion immigrationniste », Marine Le Pen appelle à « se souvenir (…) des héros anonymes »« prophètes d’un monde qui vient », que « la caricature » aurait dépeint en « adeptes de l’exclusion, de la fermeture », en « nostalgiques d’un passé condamné ». L’extrême droite s’est longtemps vécue – et pour certains se vit encore – comme une famille de « réprouvés », ostracisée par la société et la classe politique. Mme Le Pen, comme pouvait le faire son père avant elle, salue donc ces militants, qui constituent à ses yeux l’avant-garde. Toutefois, une différence est à noter par rapport au cofondateur du FN : dans l’esprit de sa fille, la victoire culturelle a été remportée par son camp, qui aurait dépeint le « réel » avant les autres. Nul besoin, donc, de continuer à se voir comme un perdant magnifique.
AA : là encore, il ne faut pas se couper de ces militants qui ont accompagné JM Le Pen dans la naissance du FN : racistes, vichyssois, antisémites, anciens OAS… ils étaient le FN et ils restent très actifs dans le parti, beaucoup se retrouvant plus chez Marion Maréchal-Le Pen que chez sa tante, partisane de la « banalisation » du FN, pour élargir sa clientèle…


A suivre

jeudi 27 octobre 2016

Le discours décrypté de M. Le Pen (3)

Suite de l'article du Monde du 25/10 analysant le discours de Fréjus (17/9) de M. Le Pen. 

Il y a 2 types de "fans" du FN :

- ceux qui en écoutant ou lisant ce discours n'y voient que du feu dans ce langage plus ou moins codé...
- ceux qui comprennent et manipulent les précédents pour les conforter dans leur ignorance...


#4 : Un ennemi intérieur

Ce qu'elle a dit : « Nous, citoyens français, nous, peuple français, ne décidons plus de notre destin. Nos lois ne sont plus nos lois, nos codes et nos mœurs ne sont plus nos codes et nos mœurs, et la politique de la France est trop souvent dictée de l’étranger. »
CE QUE ÇA VEUT DIRE
Ce que cela veut dire :  L’extrême droite a pour coutume de désigner deux ennemis : intérieur (le Parti communiste, par exemple) et extérieur (l’Union soviétique, dans le même ordre d’idée). Ici, Marine Le Pen pointe de manière allusive un ennemi intérieur, que l’on perçoit comme étant le résultat de l’immigration : il n’est pas « de France », n’aurait pas ses « codes », ses « mots », commettrait des « crimes » et mettrait à mal « l’intégrité du territoire »« Elle procède par allusions et périphrases pour dépeindre sous un visage effrayant, car mystérieux, des ennemis jamais nommés : des populations non autochtones, qui sont assimilées à des criminels, analyse Cécile Alduy, professeur à Stanford et auteure avec Stéphane Wahnich de Marine Le Pen prise aux mots (Seuil, 2015). L’ennemi est aussi dangereux que fuyant. »
AA : "et la politique de la France est trop souvent dictée de l’étranger." Il s'agit de Bruxelles, bien sûr.

#5 : L’islam, un absent très présent

Ce qu'elle a dit :« Est présent sur notre sol autre chose que des criminels, sont présents des ennemis qui entendent faire régner des lois, des mœurs, une idéologie politico-religieuse, venus de l’extérieur. »

Ce que cela veut dire : Tout au long de ce discours, Marine Le Pen joue sur l’implicite. Aucun adversaire politique n’est nommé. Pas plus qu’une religion ou une idéologie. Lors de la précédente université d’été du FN, à Marseille, le 8 septembre 2015, la présidente du parti d’extrême droite avait promis de mettre l’« islam radical à genoux ». Cette fois, les mots « islam » ou « islamisme » ne sont pas prononcés. Une manière de ne pas désigner un bouc-émissaire, en apparence. Tout juste dénonce-t-elle la présence« sur notre sol » d’« ennemis (…) venus de l’extérieur » pour servir une « idéologie politico-religieuse ». En clair, de djihadistes, qui seraient présents sur le territoire français du fait d’une immigration non contrôlée – ce qui occulte le fait que certains d’entre eux sont français depuis leur naissance. « Ne pas nommer signifie qu’il n’y a pas besoin de décodeur, cela va de soi, note l’historien Olivier Dard, professeur à l’université Paris-IV et spécialiste du nationalisme français. Son discours est compréhensible par tout le monde, c’est symptomatique de la lepénisation des esprits. » Le propos de la présidente du FN était plus transparent, à Tours, en 2011 : « L’Europe n’est pas un califat, la France n’est pas un califat, elle ne l’a jamais été, elle ne le sera jamais. » En 1988, Jean-Marie Le Pen jouait de son côté au prophète sur le sujet : « Dans vingt ans, la France sera une république islamique. »
AA : preuve que la banalisation du FN n'a pas réussi... Mais, a contrario, la "lepenisation des esprits" a réussi, puisqu'il n'est plus la peine de "nommer" pour être compris...

#6 : La trahison des élites

Ce qu'elle a dit : « Je ne désignerai pas un ennemi extérieur, ni même un parti de l’étranger, ce serait trop facile et trop réducteur. La complaisance est dans nos têtes, elle est dans nos petits arrangements avec l’intérêt national, et elle est dans l’abdication devant un système qui livre tout bien commun, tout projet collectif, aux appétits individuels. »

Ce que cela veut dire : Dans son discours, Marine Le Pen assure ne pas vouloir désigner un « ennemi extérieur » ou un « parti de l’étranger » – une pente sur laquelle l’extrême droite s’aventure régulièrement pour expliquer le « déclin » français. De manière étonnante, elle utilise même le « nous » pour pointer des erreurs collectives : « Nous avons cru… » ; « Nous avons trop cédé… » ; « Nous avons accepté… », etc. « Elle développe l’idée que nous sommes responsables de notre propre décadence. Elle rompt avec la théorie du bouc-émissaire classique à l’extrême droite », note Jean-Yves Camus, de la fondation Jean-Jaurès.
Cette posture ne l’empêche pas, pour autant, de vilipender quelques minutes plus tard ces « élus » qui auraient trahi le peuple français en signant « des traités qui aliènent la liberté de la nation, qui placent ses lois, sa justice et ses mœurs sous contrôle étranger ». Les responsables sont désignés – les élites, qui ont cédé le pouvoir à « Washington, Berlin ou Bruxelles » – et l’adversaire est tout trouvé, l’Union européenne. Comme l’ensemble des organisations supranationales, cette dernière voudrait« en finir avec les peuples, les frontières et les nations ». Dans la rhétorique mariniste, l’UE remplace petit à petit l’URSS comme ennemi extérieur. La présidente du FN a répété ces derniers mois qu’elle voulait faire tomber le « mur de Bruxelles » et a estimé que le « destin de l’UE ressemble de plus en plus à celui de l’Union soviétique ».

 #7 : Le patriotisme économique

Ce qu'elle a dit : « C’est Alstom aujourd’hui qu’il faudrait abandonner ! Alstom, fleuron de notre technologie industrielle, leader incontesté de son marché, que l’on voudrait abandonner parce qu’on ne prend même plus la peine d’acheter ses produits ! »

Ce que cela veut dire :  Marine Le Pen a toujours défendu l’intervention de l’Etat dans l’économie, quitte à s’attirer des critiques dans son camp et au sein de la droite. Une vraie rupture avec son père, qui était marqué par le logiciel libéral. Là, la présidente du FN se désole à l’idée que l’on puisse « abandonner » Alstom, « fleuron de notre technologie industrielle ». En défendant l’industrie française coûte que coûte, elle se démarque de certains de ses probables concurrents lors de l’élection présidentielle, Alain Juppé en tête. Comme le rappelle l’historien Nicolas Lebourg, l’ancien premier ministre se disait prêt, quand il était à Matignon, en 1996, à revendre la société Thomson au chinois Daewoo pour 1 franc symbolique. « Ça ne vaut rien… », expliquait-il alors à la télévision.
Dans son discours de Fréjus, Mme Le Pen assume sa ligne. « Il faut reprendre l’examen des privatisations hasardeuses », estime-t-elle. Une manière de garder sous contrôle une économie qui, dans son esprit, est « indissociable de la nation ». Et doit servir son projet d’une société homogène.
AA : nous voilà, sinon en pleine nationalisation, mais en reprise en mains de l'économie par l'Etat, comme au bon vieux temps de l'URSS ! A rebours de la politique libérale de ce cher Poutine...