mardi 19 mai 2009

Le retour

En ce 5 juin 2030, il déambulait dans cette rue Elie Gruyelle et n'en croyait pas ses yeux: plus de 20 ans qu'il n'était pas revenu et cette rue, si fantomatique naguère, était emplie de vie.

Trois jours qu'il était sorti de prison et GD (nous indiquerons seulement ses initiales afin de préserver son anonymat) ne s'était toujours pas fait à la réalité. Mais, ce jour, dans Hénin-Beaumont, il lui semblait qu'une fée avait, de sa baguette magique , transformé la rue du désespoir en rue de l'espoir. Des façades refaites, laissant souvent apparaître la brique locale, des vitrines aguichant le chaland, des trottoirs élargis, dont le macadam avait laissé place à un revêtement absorbant, des voitures électriques cheminant au milieu des vélos, il ne reconnaissait pas cette rue qui portait le nom d'un de ses prédécesseurs: il en profita pour sortir son
phonordine, ouvrit le GPS et constata, mi-attristé, mi-compréhensif, qu'aucune rue ne portait son nom; une recherche rapide sur l'appareil lui indiqua qu'il était bien le seul ancien maire à ne pas rester dans la mémoire des Héninois...A cet instant, le tramway qu'il n'avait pas vu arriver, manqua de l'accrocher et il ne dut son sauvetage qu'à l'anticipation d'un monsieur âgé: il le remercia et il fut tout surpris de reconnaître une personne qui avait travaillé avec lui, du temps où il était directeur de cabinet du maire de l'époque, et qui devint un adversaire politique acharné. Mais ce dernier ne le reconnut pas: sa barbe avait disparu et son grisonnement le rendait méconnaissable. Tant mieux, il ne tenait pas à ce qu'on sache sa présence. Son ex-opposant lui sourit, toujours aussi affable, s'enquit de son état, et le salua.

Il continua son chemin, fut heureux que les personnes, assises sur les bancs, devisant entre elles, ne lui prêtent attention, et se reposa quelques instants à l'ombre d'un palmier. Son regard enveloppa la rue dans son ensemble et il s'aperçut alors qu'elle était bordée de pleins de palmiers comme dans une ville du midi. Il comprit alors ce qu'avait produit ce fameux changement climatique: ses 20 ans d'incarcération l'avaient en quelque sorte sorti du monde réel, même s'il regardait de temps en temps l'immense écran de télevision fixé sur le mur de sa cellule: mais, souvent, il se réfugiait dans les films de ses 20 ans, ceux des années quatre-vingt-dix du siècle dernier.

Il reconnut le petit parc public qui ressemblait, maintenant, plus à un jardin botanique: un groupe d'enfants écoutaient les explications de leur maître qui leur parlait de biodiversité, de nécessité de préserver la nature, d'avenir incertain de la planète...Et soudain son regard se fixa sur une grand-mère, devant un landeau et qui promenait son regard des enfants vers lui: se put-il qu'elle l'ait reconnu? Après tout, elle était un peu plus âgée que lui, et ils s'étaient souvent rencontrés, non seulement comme élus municipaux, mais également lorsqu'elle était Directrice d'école. Leurs regards se croisèrent un instant, puis elle fixa, à nouveau, les enfants, fronçant les sourcils, pour mieux se souvenir.

Il fit demi-tour rapidement avant qu'elle ne recouvrit la mémoire, se dépêcha et fut interloqué de voir que le fameux souterrain qui menait vers le Boulevard Schweitzer avait été remplacé par un rond-point abondamment planté. A proximité, il héla un taxi collectif et grande fut sa surprise, quand il demanda si le véhicule se rendait au Centre Commercial, de se voir répondre: "vous voulez dire au Parc?". Le boulevard, qu'il avait connu bordé de locaux commerciaux plus ou moins délabrés, et de panneaux publicitaires disparates, accrocheurs et sans âme, était devenu une large allée, bordée de haies et d'arbustes, qui sous ce soleil de printemps, offrait aux promeneurs et aux cyclistes, un peu d'ombre. La nature devenait de plus en plus dense, et à l'endroit où il s'attendait à voir surgir le centre commercial, tout un village en bois se lovait dans un véritable havre de paix. La circulation étant interdite dans ce parc résidentiel, le taxi le déposa à l'entrée, près d'autres véhicules indiqués comme "autopartage", et de vélos. Les enfants gambadaient, les chiens se reposaient sous un tilleul et notre visiteur se demanda où les gens pouvaient bien faire leurs courses et ce qu'ils faisaient maintenant le samedi, sans centre commercial où se promener.


A suivre

10 commentaires:

  1. En 2030 la rue gruyelle n'est pas devenue la rue alpern ? en hommage au maire héroique de 2009 à 2020 ?

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  2. Pas mal du tout votre article. Il ouvre la possibilité d'imaginer beaucoup de choses. je ne sais pas si le 5 juin 2030 tombe un vendredi, mais on peut imaginer que GD traverse le marché du centre ville qui se tient désormais à l'endroit où se trouvait le pitoyable Ilôt Carnot. Cette zone centrale a complètement été repensée, ouverte sur le coeur de ville et transformée en AGORA avec à son centre un très beau marché couvert. Il croise ensuite des touristes anglais qui, venant de visiter le Louvre Lens, en profite pour découvrir HB avant de reprendre un train rapide pour Lille à Ste Henriette... et .... puis .... puis ....

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  3. punaise, yen a qui ne doivent pas fumer que la moquette ... n'est-ce pas Msieur Alpern ?

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  4. Il ne manquerai plus qu'un musée soit érigé en l'honneur de Jean Luc: on y trouverai quelques spécimens disparus de cerisier, de tigres blancs,de requins marteaux empaillés, etc,etc...(liste non exhaustive ouverte à tous les partis, histoire que M Alpern ait TOUT PLEIN de commentaires qui feront avancer le Schmilblick)

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  5. Dans le musée de Jean-Luc, un hymne passerait en boucle: "C'est nous les gars de la marine ..." (air connu)

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  6. Bien sûr, il s'agit d'imaginer notre ville dans 20 ans, et il n'y a pas besoin de fumer pour rêver et bâtir l'avenir.
    A Anonyme de 7H13: on a du discuter ensemble...


    Merci à toutes les contributions qui, non seulement, vont permettre de m'aider à terminer cette belle histoire, mais également à alimenter les projets.

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  7. C'est une très bonne idée pour illustrer les changements sur une longue période mais Dalongeville ne prendra jamais 20 ans.

    1) En France, les peines sont non cumulables. Il ne sera condamné que sur la base du délit le plus important qu'il a commis (puni au maximum d'une peine de 5 ans d'emprisonnement).

    2) S'il est justement condamné (sans passe droit ni acharnement), il prendra trois ans.

    3) Avec les diverses remises de peine, il ne fera que 18 mois.

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  8. A Anonyme de 14H39

    Bien sûr, les 20 ans sont juste pour les besoins de la cause...

    Néanmoins, si la corruption (même passive) et le détournement de fonds publics sont punis d'une peine de réclusion de 10 ans, le faux en écriture publique par une personne dépositaire de l'autorité publique est punissable de 15 ans de réclusion...et en admettant que ces infractions soient reconnues, il y a comme vous le dites: confusion des peines, seule la peine la plus grave étant appliquée.

    Bien sûr, ce ne sont que des maximums et les remises de peine aidant...il sortira plus tôt. N'oublions pas non plus que le temps que l'affaire soit en passe d'être jugée et si il y a appel...

    Donc, pour mon histoire: "après quelques années de prison, GD mit du temps avant de s'aventurer à HB"!

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  9. 2030, ou à peu près , c'était bien le numéro de l'habitation hébergeant des résistants , il leur a fallu 8 ans pour chasser l'ennemi , enfin c'est pas tout à fait fini. La france , a mis 5 ans entre 39 et 45 , certes , mais à Hénin les miliciens et collabos étaient trop nombreux , chez les municipaux , à la fédé PS , à la tête des élus de la région ,évidemment en mairie et à la cahc , et la liste est longue , mais donc , je pense que pour eux , en hommage , un mémorial de la résistance politique et démocratique au No environ 2030, ne devrait pas être oublié , pour eux merci

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  10. Alpern, ho!! comment on se fait piéger , l'habitation de cette future rue Alpern , se situe en fait au 307 de l'ancienne rue Elie Gruyelle , pan sur le bec de celui qui la situait au 330, à l'anonyme de 15h40

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