Peut-on encore sauver le Développement Durable? (2)

Les difficultés auxquelles se heurte le développement durable (voir les réflexions d'hier) montrent bien que la mise en place du concept est lent. Pour illustrer davantage le chemin qui nous reste à parcourir, je ferai, ci-dessous, un exercice de prospective dans certains secteurs d'activités. Ce ne sont pas des élucubrations écologistes, mais bien des réflexions sur notre devenir, prenant en compte la nécessaire raréfaction de nos ressources naturelles. Après avoir exploité la nature, jusqu'à l'absurde parfois, comment continuer à vivre heureux, dans un monde où règneraient justice sociale et juste répartition des moyens. Comment adapter nos modes de vie dans les 50 ans qui viennent?

1- Sans être économiste, nous voyons bien que nous évoluons vers des sociétés qui devront tenir compte de ce qui suit:

- la production de masse, et le gaspillage qui s'en suit, sera remplacée par des productions de qualité, dont les manufactures se situeront au plus près possible des lieux de consommation. Cela, bien entendu, du fait du coût de plus en plus élevé du transport et de la pénurie des matières premières et notamment de celles provenant des produits pétroliers. Donc relocalisation des productions industrielles;

 - produits de qualité et donc de durée de vie plus longue. Ce qui signifie que l'usage devra en être partagé. Songeons ainsi aux produits de consommation courante, tels que les autos, les machines à laver qui serviront à plusieurs foyers. Cela signifie aussi que plus la durée de vie des produits sera longue, plus ils seront chers, et plus ce qui prévaudra sera la maintenance de ces produits. Et donc une multitude d'activités de service. On achètera non plus seulement un bien, mais des services qui l'accompagnent, également.

- moins de production de masse, et, donc, nous continuerons inéluctablement, comme cela est le cas, depuis longtemps, à partager le travail et à réduire nos activités professionnelles pour nous consacrer aux loisirs et à l'acquisition permanente de connaissances. Cela d'autant plus que l'allongement de la durée de la vie et les progrès de la santé nous laisseront de plus en plus de temps disponible. Cela signifie donc une meilleure redistribution des revenus et notamment une fiscalité plus juste, des revenus minimum et des plafonds de rémunération.Ce que certains appellent un monde plus juste.

2- Du fait de coûts de transports plus onéreux (voir ci-après), il nous faut envisager des villes différentes. Pour éviter trop de déplacements, la notion de ville moyenne doit prévaloir. Ainsi, les commerces seront de retour dans les villes: dans les centres, mais aussi dans les quartiers qui redeviendront des lieux de vie..

Ce retour vers la ville nécessitera que les transports soient adaptés: voitures partagées, transport collectif, piétonisation accrue (avec adaptation des lieux de commerce aux conditions atmosphériques).

Les conditions énergétiques nouvelles (moins de gaspillage, préférence aux énergies renouvelables) conduiront à des habitats en conséquence: densification (meilleure utilisation des espaces fonciers), mais réappropriation de la nature en ville (jardins partagés, potagers collectifs, avec renforcement du lien social).

La communication entre villes moyennes sera assurée par des transports collectifs qui seront peut-être plus lents, mais nos sociétés futures privilégieront la qualité de vie au stress actuel.

3- Nous l'avons évoqué: les transports de demain vont évoluer. Ainsi les déplacements vers les lieux de travail seront raccourcis, du fait de la relocalisation industrielle dans des unités plus petites privilégiant la qualité.et le bien-être des salariés. ..Les nouveaux modes de carburation des véhicules vont limiter les déplacements. Les transports à l'intérieur de l'Europe se feront souvent en train (qui, à lui seul, est une source d'emplois non négligeable, non seulement pour les produire, mais aussi du fait de la qualité des services nécessaires). Reste le problème des transports aériens de plus en plus chers, mais dont la nécessité va aller croissante, du fait de l'allongement des temps de loisirs et de la nécessaire ouverture vers le monde extérieur.

4- Renversement incroyable de l'activité agricole! Du fait de l'obligation de revenir à des circuits courts, de notre exigence de consommer des produits de qualité, de retour à une certaine qualité de vie, il est fort probable que nous allons assister à un retour vers la terre, vers les campagnes et donc à un exode urbain! Ce retour sera l'occasion de nombreuses créations d'emplois et les paysans reviendront à leur antique rôle d'entretien des paysages, mis à mal par des années d'urbanisation et de mitage des espaces, tueur de la biodiversité.

On pourrait même assister à l'avènement de productions maraichères autour des villes, facilitant l'approvisionnement, en circuit court, des populations urbaines.

Cette description d'une Société nouvelle privilégiant la qualité de la vie est en germe, dès aujourd'hui. Les coûts de l'énergie, le chômage, la prise de conscience de l'injustice sociale et fiscale, l'exigence de meilleure santé, la soif de connaissances sont annonciateurs de cette révolution lente. C'est cela le développement durable: c'est aux individus certes, mais également aux politiques, dans leur décisions quotidiennes, de redresser ce mouvement inéluctable, entravé qu'il est, aujourd'hui, par des intérêts privés égoïstes.

Après ce bref survol, je ne voudrai pas passer sous silence les 2 contraintes ou exigences suivantes, que nous aurons l'occasion d'examiner plus particulièrement:

- l'exigence d'une vie collective meilleure (le développement durable) ne doit pas faire oublier que cet objectif est également valable pour les pays du monde moins favorisés que les nôtres. A vrai dire , nous ne nous développerons pas de la façon indiquée, si nous ne partageons pas avec les autres notre volonté d'une meilleure vie;

- tout cela (y compris le partage mondialisé d'un monde meilleur) n'est possible que si des instances mondiales de régulation, une gouvernance mondiale, émergent. Certains pensent que nous en sommes encore loin. Malgré les guerres, les pénuries en eau et en alimentation, les pandémies, etc...des progrès ont été faits. Certes, ils sont trop lents...Serons-nous capables de relever le défi des 50 prochaines années?