Bruxelles-Hal-Vilvorde, une région hybride qui risque de faire exploser le pays
LE MONDE | 24.04.10 |
HV : trois lettres qui résument les malheurs de la Belgique et symbolisent un montage institutionnel d'une infinie complexité, qui, aujourd'hui, touche sans doute à ses limites extrêmes. BHV, comme Bruxelles-Hal-Vilvorde. Un arrondissement judiciaire et une circonscription électorale qui réunit les 19 municipalités formant la région de Bruxelles et 35 communes du Brabant flamand.
Une structure que certains (flamands surtout) décrivent comme hybride, à cheval sur Bruxelles bilingue et la Flandre unilingue - et désireuse que tous les points de son territoire le deviennent. D'autres (francophones surtout) voient plutôt BHV comme le dernier trait d'union au sein d'une Belgique qui, depuis 1970, a confié, par vagues successives, des pouvoirs très étendus à ses régions : la Flandre, la Wallonie et - plus tard - Bruxelles. Une Belgique divisée par bien d'autres choses : la langue, la culture, l'économie, la politique (la gauche domine en Wallonie, la droite en Flandre).
En 1963, le monde politique commence à réformer l'Etat unitaire, né 133 ans plus tôt, de la volonté des grandes puissances. Un Etat longtemps dominé par les francophones et progressivement confronté aux revendications linguistiques, culturelles, puis politiques et économiques du "mouvement flamand", une structure qui traverse tous les grands courants politiques.
C'est en 1963 qu'est tracée la "frontière linguistique", ligne fictive divisant le territoire en deux. Bruxelles est dans une situation paradoxale : très majoritairement francophone, elle est géographiquement située en Flandre. A sa périphérie - sur le sol flamand, donc - va progressivement s'installer une population francophone qui se voit garantir des droits : celui d'être jugée dans sa langue et de voter pour des candidats francophones bruxellois. Six municipalités sont, en outre, dotées d'un statut spécial : les francophones y sont progressivement devenus majoritaires et y acquièrent des "facilités", dont, surtout, le droit d'obtenir - sur demande - des documents administratifs dans leur langue.
"PRIVILÈGES"
Au fil du temps et des réformes institutionnelles, le "cas" BHV est devenu de plus en plus insupportable aux yeux d'une Flandre politique, partagée entre fédéralistes, autonomistes et séparatistes. Le premier courant perdant progressivement du terrain au profit des deux autres qui, ensemble, drainent aujourd'hui quelque 40 % de l'électorat.
La persistance de l'arrondissement bilingue a acquis une puissance symbolique. Il est vu comme l'endroit où des francophones refusent l'assimilation, l'usage du néerlandais, et tentent de maintenir des "privilèges" des temps passés. Ces populations, souvent aisées, qui ont fait grimper les prix de l'immobilier, sont perçues comme les héritières de l'élite qui a dominé, et parfois méprisé, le "petit peuple" flamand.
Le cas de trois bourgmestres (maires) francophones de communes "à facilités" est devenu le véritable point de crispation. Élus démocratiquement en 2006, ils n'ont pas été nommés par la région flamande, qui leur reproche d'avoir distribué des convocations en français aux électeurs... francophones.
L'affaire va ressouder des partis francophones plus divisés qu'il n'y paraît sur le sort de BHV. Et pousser des partis flamands unanimes à voter, en novembre 2007, la scission de l'arrondissement. C'était en commission de la Chambre. Et c'est le même texte que certains voulaient faire adopter, jeudi 22 avril, en séance publique. Bloc flamand contre bloc francophone. Du jamais-vu dans l'histoire du royaume.
D'où l'idée que BHV est bel et bien "la" bombe qui pourrait, un jour, faire exploser le pays du roi Albert II. Un pays qui, s'il survit, n'échappera pas à de nouvelles réformes institutionnelles. Parce que la Flandre les veut.
En 1963, le monde politique commence à réformer l'Etat unitaire, né 133 ans plus tôt, de la volonté des grandes puissances. Un Etat longtemps dominé par les francophones et progressivement confronté aux revendications linguistiques, culturelles, puis politiques et économiques du "mouvement flamand", une structure qui traverse tous les grands courants politiques.
C'est en 1963 qu'est tracée la "frontière linguistique", ligne fictive divisant le territoire en deux. Bruxelles est dans une situation paradoxale : très majoritairement francophone, elle est géographiquement située en Flandre. A sa périphérie - sur le sol flamand, donc - va progressivement s'installer une population francophone qui se voit garantir des droits : celui d'être jugée dans sa langue et de voter pour des candidats francophones bruxellois. Six municipalités sont, en outre, dotées d'un statut spécial : les francophones y sont progressivement devenus majoritaires et y acquièrent des "facilités", dont, surtout, le droit d'obtenir - sur demande - des documents administratifs dans leur langue.
"PRIVILÈGES"
Au fil du temps et des réformes institutionnelles, le "cas" BHV est devenu de plus en plus insupportable aux yeux d'une Flandre politique, partagée entre fédéralistes, autonomistes et séparatistes. Le premier courant perdant progressivement du terrain au profit des deux autres qui, ensemble, drainent aujourd'hui quelque 40 % de l'électorat.
La persistance de l'arrondissement bilingue a acquis une puissance symbolique. Il est vu comme l'endroit où des francophones refusent l'assimilation, l'usage du néerlandais, et tentent de maintenir des "privilèges" des temps passés. Ces populations, souvent aisées, qui ont fait grimper les prix de l'immobilier, sont perçues comme les héritières de l'élite qui a dominé, et parfois méprisé, le "petit peuple" flamand.
Le cas de trois bourgmestres (maires) francophones de communes "à facilités" est devenu le véritable point de crispation. Élus démocratiquement en 2006, ils n'ont pas été nommés par la région flamande, qui leur reproche d'avoir distribué des convocations en français aux électeurs... francophones.
L'affaire va ressouder des partis francophones plus divisés qu'il n'y paraît sur le sort de BHV. Et pousser des partis flamands unanimes à voter, en novembre 2007, la scission de l'arrondissement. C'était en commission de la Chambre. Et c'est le même texte que certains voulaient faire adopter, jeudi 22 avril, en séance publique. Bloc flamand contre bloc francophone. Du jamais-vu dans l'histoire du royaume.
D'où l'idée que BHV est bel et bien "la" bombe qui pourrait, un jour, faire exploser le pays du roi Albert II. Un pays qui, s'il survit, n'échappera pas à de nouvelles réformes institutionnelles. Parce que la Flandre les veut.
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