dimanche 27 mars 2011

L'agenda 21 met du vert dans le quotidien (2)

Le Monde Magazine 25/3/2011


Devant une salle comble, cinq ans après la mise en place de la démarche, Vincent Delahaye, maire centre droit de Massy (Essonne), étale son bilan. Depuis les quinze ruches installées "et leurs milliers de nouvelles Massicoises", jusqu'à l'éclairage public : "- 8 % en dépenses d'énergie, soit 17 000 euros d'économies !" Ses mots-clés : "projets partagés", "initiatives", "nos envies communes", "civilité" ne suffisent pourtant pas totalement à masquer la difficulté qu'il y a à faire vivre le consensus et la discussion. On trouve, dans ces réunions publiques, toujours un dingue au premier rang qui aimerait qu'on mange les pigeons pour s'en débarrasser, un écolo-poujadiste dont la réunion de copropriété et le trajet à vélo sont les seuls baromètres et un maire qui, comme partout, vous expliquera qu'entre l'environnement et lui, c'est une histoire d'amour qui remonte à l'Antiquité.

LE SYNDROME DU CAPTEUR SOLAIRE
"On n'avance pas de façon foudroyante en tout, convient Catherine Lafeuille, responsable convaincue du projet agenda 21 à la mairie de Massy, mais chaque année nous montons le curseur. Toutes les constructions sont désormais évaluées en performance énergétique, nous n'utilisons plus aucun produit phytosanitaire dans les espaces verts, nous avons installé 86 containers enterrés pour remplacer les vide-ordures et nous soutenons des entreprises d'insertion, par exemple pour la récupération d'ordinateurs, qui sont reconfigurés pour être revendus 100 euros aux habitants nécessiteux. Bien sûr, nous avons plus de mal avec les transports qui ne sont pas une compétence communale, ou en ce qui concerne l'implication des entreprises et des bailleurs sociaux… Mais ce n'est que le début. Tous ces microprojets, mis bout à bout, induisent de vrais changements."
"Je dois dire qu'en novembre au Congrès des maires de France, j'ai été frappé par le monde présent à la table ronde sur le développement durable. Pour autant, j'ai bien peur que tout cela ne soit avant tout du marketing", s'inquiète Jean-François Caron, maire Vert de Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais), dont les innovations environnementales dans les plaines de l'Artois font figure d'exemple.
"Attention à l'exercice de style qui sert d'alibi, attention aux contrefaçons et aux effets d'affichage ! 95 % des élus restent sur des schémas assez lourds. On réfléchit aux robinets, aux ampoules, pas sur le modèle de croissance." C'est ce qu'il appelle "le syndrome du capteur solaire" : je construis un gymnase, je mets quatre générateurs photovoltaïques sur le toit et je fais la couverture de mon bulletin municipal pour montrer que j'ai fait un geste pour la planète.


Député et maire d'Orléans, aujourd'hui rapporteur du Grenelle 2 et président de la commission du développement durable à l'Assemblée, Serge Grouard en convient : "Le risque, c'est que ça devienne la tarte à la crème. L'autre écueil étant l'inertie des services : si vous n'êtes pas en permanence en train de mettre la pression, la machine revient à sa marche originale." C'est en 2004 que Serge Grouard a établi un agenda 21 à Orléans, misant sur la participation, mettant en place des ateliers jusque dans les foyers sociaux.
Sept ans après, le député UMP déchante : "On peine à voir les plus jeunes, les moins de 30 ans. On retombe toujours sur les mêmes gens. Et puis, le forum citoyen que nous avons créé, s'il continue de fonctionner – il s'y dit des choses intéressantes –, a tendance désormais à être instrumentalisé politiquement. Certains y viennent pour faire de la retape, pour vous discréditer. Cela peut devenir très stérile. Du coup, des gens s'en vont, et je les comprends…" L'opposition à Grouard ne dit pas autre chose.

Laurent Carpentier

A suivre

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