mercredi 18.05.2011 - La Voix du Nord
«Je me rends compte que M. Bouche... est visiblement à l'origine d'une tentative de détournement de fonds publics...»
Les troubles relations entre la Ville et la SARL Tilloy étaient, depuis de nombreuses années une entêtante énigme héninoise... Un dossier évoqué par les enquêteurs, lors du « fructueux » second jour de garde à vue de Gérard Dalongeville...
PAR PASCAL WALLART
Créée le 7 novembre 2006, cette société a, comme par hasard, pour actionnaires principaux les gérants des deux sociétés de gardiennage, ayant bénéficié de favoritisme et de fausses factures, évoqués dans le chapitre précédent. Une dizaine de jours après sa création, déjà acquéreur d'un terrain municipal rue du Tilloy, elle devient propriétaire d'une salle municipale de la rue Jules-Ferry qui portait jusqu'alors le nom de salle Saint-Pierre. Un marché conclu pour la somme de 509 380 E dont les acquéreurs règlent immédiatement 100 000 E. Le problème est que, deux ans et demi après cette session, la SARL Tilloy n'a toujours pas versé le solde, l'adjoint aux finances, Claude Chopin, et celui à l'urbanisme, Philippe Demarquilly, étant intervenus pour donner du temps aux acquéreurs. Une légèreté, alors que les finances de la ville étaient exsangues, que pointera du doigt la chambre régionale des comptes (AA: voir ci-dessous l'extrait du rapport de la CRC à ce sujet)... Ces 409 000 E auraient en effet été les bienvenus pour remettre à flot les finances locales. « Nous avons demandé une hypothèque au profit de la ville au Trésor public. Le notaire a quant à lui débuté la procédure par le biais d'une mise en demeure... », se défend le maire. Sans préciser pourquoi la Ville n'a pas été plus offensive sur ce dossier pour lequel la SARL Tilloy n'aura joué que les intermédiaires puisqu'un aménageur privé avait fait connaître son intérêt pour le site...(AA: on aimerait savoir où en est cette affaire...Est-elle suivie en Mairie?).
Un maire qui vacille un peu plus lorsque l'officier de police commence à sortir l'impressionnante liasse de factures Deberdt, témoignant d'une ribambelle de marchés pour lesquels la société de son ami Jean-Marc Bouche (AA: société créée en 1982 dont l'activité officielle est: commerce de gros (commerce interentreprises) d'appareils sanitaires et de produits de décoration) était jugée comme incontournable quitte à, une fois de plus, bafouer la loi des marchés publics. Là aussi le maire plaide non coupable : « Je prends acte toutefois que visiblement j'ai été mis à l'écart de nombreuses choses en dépit de ma qualité de premier magistrat de la ville. Je peux comprendre vos interrogations mais je ne veux pas payer pour des choses que je n'ai pas commises. »
Facture après facture indiquant qu'à chaque fois, Deberdt était loin d'être le mieux disant et que la société sallauminoise intervenait dans des domaines qui n'étaient pas les siens (AA: exemple bien connu: les réverbères), G. Dalongeville joue la stupéfaction et l'ignorance. « Ce sont les services de la mairie et les autres élus qui ont travaillé avec M. Bouche et pas moi ! » assène le maire. « Autrement dit, ce n'est pas vous mais les autres ? » rétorque, amusé, l'enquêteur. Gérard Dalongeville ne se démonte pas : « C'est exact ! » Sauf que le policier évoque alors un voyage en Tunisie réglé par Deberdt auquel aurait participé le maire et sa famille. « Je n'ai jamais bénéficié d'avantages de cette société , commente le maire. C'est M. Bouche qui avait fait des recherches sur cette destination et qui me les a communiquées, sur ma demande. Je n'ai pas d'autre commentaire à faire ! » L'officier rajoute une étape à la fusée en évoquant la société ICS (AA: Eurl créée le 1/10/2006 par un dénommé Jean Bouche né le 2/8/59 alors que Jean-Marc Bouche est né le 8/2/59, les sièges des 2 sociétés étant à la même adresse à Sallaumines. Bizarre ces 2 personnes nés à presque 6 mois d'intervalle...Activité déclarée d'ICS International Consulting SCE : Conseil pour les affaires et autres conseils de gestion) montée par M. Bouche qui aura vu nombre de ses factures (remboursements hôteliers, frais de déplacements, location de calèche) rejetée par le Trésorier municipal pour cause d'objet fictif. Des relations avec la Ville d'autant plus suspectes qu'ICS a présenté un certain nombre de factures en 2006, suite à une convention passée en août, alors que la société ne sera officiellement immatriculée qu'en septembre 2007 ! « Il y a donc tentative de détournement de fonds publics ! » affirme l'enquêteur face à un Gérard Dalongeville impavide : « Je me rends compte que M. Bouche est visiblement à l'origine d'une tentative de détournement de fonds publics commise au préjudice de la mairie et qu'il a bénéficié pour ce fait de complicité voire de coaction au sein du personnel de la mairie et vraisemblablement de M. Chopin puisque ce dernier a relancé à plusieurs reprises le mandatement de ces factures non causées. Je maintiens toutefois être étranger à cette affaire ! » On connaît la chanson. (AA: tout au long de ces articles de presse, on a pu noter que GD rejetait toutes les malversations sur d'autres. Il sera intéressant de voir ce que ces "autres" ont pu raconter aux policiers...Comme le dit un journaliste sportif: "ils n'iront pas passer leurs vacances ensemble" et dans le cas présent: "ils n'iront plus...")
À suivre
CRC: Terrain et immeuble du secteur du Tilloy
La ville a cédé à une société, dont les représentants légaux sont les mêmes que ceux de l’un des principaux fournisseurs de la ville, un terrain et un immeuble bâti sur le secteur dit du Tilloy, par acte du 17 novembre 2006, pour une somme de 509 380 € (soit 20 € le m²).
L’acte de vente prévoyait un paiement comptant de 100 K€ (qui a été encaissé par le comptable) et un paiement différé du solde au plus tard le 30 juin 2007. Cependant, l’élu chargé des affaires immobilières de la ville a accordé par simple courrier du 10 août 2007 à la société un nouveau délai de paiement, en contradiction avec l’acte notarié.
Des procédures de recouvrement contentieuses ont été tentées par le comptable, sans succès : la société est en effet par nature peu solvable au regard de sa surface financière. Depuis lors, aucun règlement n’est survenu, la Mairie n’engageant pas non plus de procédure volontariste visant au recouvrement des sommes dues par exemple en menaçant d’annuler la vente. Le terrain et l’immeuble sont donc cédés, mais non payés.
Sur le fond, les documents internes et les échanges avec les services de la ville font état d’une condition suspensive, non portée à l’acte notarié, de la vente : le paiement du solde n’intervient pas tant que la société acquéreuse n’a pas obtenu la vente de ces biens à un promoteur immobilier, qui a le projet de réaliser un important projet immobilier de plus de 200 logements sur la parcelle.
Il s’avère qu’un permis de construire signé par l’adjoint à l’urbanisme a été accordé en juin 2007 pour ce projet au promoteur immobilier, alors même que la société n’était pas propriétaire des terrains support du permis de construire. Ce permis a fait l’objet d’une procédure contentieuse, ce qui a différé le lancement de l’opération. Un nouveau permis a été délivré le 31 mars 2008. Depuis lors, le dossier n’a pas évolué.
La ville aurait pu traiter directement la cession du terrain avec le promoteur immobilier concerné, car celui-ci est directement solvable et, la destination du terrain étant déjà connue et avalisée, le recours à un intermédiaire (qui se rémunérera au passage) paraît inutile.
Finalement, la ville est ainsi privée de plus de 400 K€ depuis un an et demi, en ayant accordé sans fondement des facilités de paiement et sans mettre en oeuvre les mesures requises de recouvrement, ou tout simplement d’annulation de la vente, afin de trouver acquéreur plus solvable.
La chambre prend note que, par courrier du 6 juin 2009, l’adjoint aux affaires générales, ordonnateur, a indiqué au nom de la commune vouloir prendre des dispositions pour faire annuler la vente à la société en cause.
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