Jean-François Caron est élu au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais depuis 1992, où il préside le groupe Europe Ecologie, et maire de Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais), fonction dans laquelle il a succédé à son père, socialiste.
Il réagit aux propos tenus par la présidente du Front nationale lors d'une conférence de presse à Lille, mercredi 14 décembre, réclamant "une opération main propre" sur le Nord -Pas-de-Calais, en référence aux accusations de malversations qui pèsent sur la fédération socialiste du département.
Marine Le Pen parle d'un "système mafieux" mis en place par les socialistes dans le Pas-de-Calais. Qu'en pensez-vous ?
Mafieux, je n'ai pas d'éléments pour le dire. Je rappelle que nous n'en sommes qu'au stade de l'enquête préliminaire et que la présomption d'innocence s'impose. C'est à la justice de faire son travail. Mais un système, oui.
Quel système?
Ce système s'est construit dans le bassin minier, il y a un siècle, autour des mines de charbon. Dans les années 1970, le PS s'est lancé dans une reconquête du territoire où les communistes s'étaient imposés après la guerre. Une nouvelle génération d'élus, cultivée, brillante, managée par Daniel Percheron, émerge alors dans la "fédé". Jean-Pierre Kucheida [président PS de la fédération du Pas-de-Calais et maire de Liévin, soupçonné de corruption], Jacques Mellick ou Albert Facon sont de ceux-là.
Que défendent alors les socialistes ?
Le PS va contribuer à la mutation du territoire. C'est l'époque de l'implantation des grandes usines, comme Renault à Douai [Nord], de la naissance de l'intercommunalité, à laquelle le PC, conservateur, est très hostile. Le PS finit par mettre la main sur les grands leviers de la transformation du territoire, notamment les grands bailleurs sociaux ou la fameuse SEM d'aménagement Adevia, opérateur unique sur le Pas-de-Calais. Tout à coup, ce ne sont plus les Houillères, mais les élus qui contrôlent tout.
Il y a aussi l'héritage du "guesdisme" dont se revendique M. Kucheida…
Pas seulement. Le système des Houillères est un exemple pur de "société encadrée", quasi militaire. Comme la mine est un univers très dangereux, il faut une hiérarchie forte. Les cités minières, où le logement est gratuit, sont là pour "tenir les gens", de la maternité à l'école.
Le socialisme du Pas-de-Calais s'est modelé sur ce système paternaliste. Les théories de Jules Guesde [1845-1922] ont rencontré cette culture de la délégation et cette logique d'encadrement. D'ailleurs, si le Front national séduit depuis vingt ans, c'est aussi parce qu'il s'inscrit dans cette même culture de prise en charge.
Les élus socialistes se sont-ils grisés de leur pouvoir ?
Dans ce système, des gens ont franchi les limites. C'est le cas de Jacques Mellick [ex-député-maire de Béthune], condamné, ou Gérard Dalongeville [ex-maire PS d'Hénin-Beaumont, mis en examen en 2009 pour 'détournement de fonds publics'], un temps incarcéré, qui dénonce aujourd'hui ses anciens camarades. Dans un système sous contrôle, ceux qui ont été écartés "balancent". Du coup, il existe un risque réel d'emballement, dont Arnaud Montebourg se sert de manière personnelle, comme Marine Le Pen.
Alliés des socialistes à la région, qu'avez-vous dénoncé ?
Beaucoup de choses, mais dans les enceintes démocratiques. Le 14 avril, en séance plénière, notre groupe avait interpellé la région sur le rapport de la chambre régionale des comptes. Nous avions relevé que, à notre connaissance, le procureur de la République de Lille, de Douai, ainsi que la brigade financière étaient saisis des faits.
Mme Le Pen a communiqué à la presse des pièces cotées du dossier d'instruction. Qu'en pensez-vous ?
Le néofascisme s'invente ici, dans le Nord - Pas-de-Calais.
Propos recueillis par Ariane Chemin
Dans son interview sur BFM, JPK dit que les loyers des logement sont modiques, 350 euros en moyenne...
RépondreSupprimerN'est ce pas aussi une façon de "tenir les gens" comme le faisait la société des houillères jadis ?