Daniel Percheron : un homme de l’ombre (4)

1-2-3 Vers le congrès de Rennes (1982-1990)

L’emprise des leaders sur leurs sections comme à Béthune (Mellick), Bruay (Wacheux), Liévin (Kucheida) Lens (Delelis), Arras (Fatous) et Boulogne (Lengagne) et sur les intercommunalités leur permettent de faire désigner le candidat choisi aux différentes élections. De même au moment des choix de congrès, Percheron et ses acolytes font choisir la motion qui leur semble la plus indiquée. Ainsi ils vont choisir majoritairement la motion Fabius pour le Congrès de Rennes de 1990, contre le courant Delebarre/Jospin soutenu par les « résistants » ex-mollétistes (Delelis et Fatous). Il faut dire que Percheron a su persuader, en 1985, Fabius (alors Ministre de l’Industrie) de débloquer d'importants fonds d'industrialisation pour le bassin minier, après la phase noire du gouvernement Mauroy qui avait programmé l’arrêt définitif de l’extraction charbonnière dans la région. La création, en mai 1984, de pôles de conversion à Calais et dans le bassin minier, d'un fonds d'industrialisation du bassin minier (FIBM) doté de 100 millions de francs par an sur cinq ans et présidé par Jacques Mellick, le triplement de la dotation de Charbonnages de France à sa société de conversion (SOFIREM) qui fonde pour se faire une filiale propre à la région minière (FINORPA) ont été perçus par les élus comme les premières mesures favorables dont bénéficiait leur département depuis 1981.

Elles sont suivies, en octobre 1985, par ce qui sera présenté comme “un plan Fabius pour le Nord-Pas-de-Calais”, lequel prévoit la prise en charge dégressive par l'État d'une partie des charges sociales afférentes aux nouveaux emplois créés dans les zones les plus critiques de la région et l'installation de nombreuses filières d'enseignement technique (BTS, IUT, Bac professionnel). Pourtant, au départ, DP appelle à la synthèse et le 21 novembre 1989, il signe même un appel commun avec le secrétaire fédéral du Nord Bernard Roman, pour qu'une synthèse ait lieu avant le congrès.

Les dirigeants du PS 62 vont profiter de la bataille pour enfoncer le clou : novembre, tous les élus du bassin minier réunis à Lens dans le cadre de l'Association des communes minières, demandent publiquement au gouvernement le transfert du patrimoine immobilier des logements des Houillères à une société d'économie mixte. Enfin le Conseil général unanime vote un appel en faveur de la création d'une université dans le Pas-de-Calais. Dans la foulée, Jospin et Rocard (1er Ministre) accède à ces demandes (Université du Pas-de-Calais autonome et réhabilitation du patrimoine immobilier des mineurs)

Malgré la synthèse réclamée, la préparation du Congrès de Rennes donnera lieu à des pratiques répréhensibles : le nombre de cartes augmente de 400 à Liévin, 250 à Béthune, un banquet républicain de 8000 personnes à Béthune, sous la présidence de L. Fabius, sous prétexte de célébrer le 70 ème anniversaire du Congrès de Tours. La motion Fabius l’emporte très largement.

Cet engagement massif de Daniel Percheron et des principaux élus en faveur de Laurent Fabius laissera des traces puisque les signataires de la motion Jospin refusent désormais de siéger au secrétariat fédéral et que Marcel Wacheux, député rocardien, démissionne du PS en avril 1991 après avoir été écarté de la présidence de la nouvelle société chargée de gérer le patrimoine des Houillères (SACOMI) au profit de Jean-Pierre Kucheida, au nom de l'appartenance de courant... Pour la première fois, deux des règles sur lesquelles était fondé le consensus fédéral sont enfreintes: la participation de tous au secrétariat fédéral et la prépondérance de la priorité à l'élu de “grade le plus élevé” sur les logiques de courant. Ces règles avaient été la marque « Percheron ».

Difficile de faire survivre ce parti dont Percheron avait voulu faire un parti de masse, fraternel et accueillant, ouvrier et chargé d'histoire, démocratique et militant.

A suivre