Six heures d'audience!

J'ai été cité en tant que témoin par l'hebdo" Les Inrocks", poursuivi en diffamation par la Fédération socialiste du Pas-de-Calais pour l'article suivant: http: //blogs.lesinrocks.com/enquetes/2011/12/11/nord-pas-de-calais-la-bombe-judiciaire-qui-menace-le-ps/

L'audience a eu lieu hier à la 17ème Chambre Correctionnelle du TGI de Paris, spécialisée dans les délits de diffamation et dura...6 heures!

Le plaignant (PS 62) estimait que le fait de le citer comme ayant mis en place un système de financement occulte était diffamatoire.
Le journal mettait en avant la liberté de la presse et un travail sérieux de la part des 2 réputés grands reporters (Benoit Collombat et David Servenay) faisant la part entre ce que leur avaient confié plusieurs protagonistes et témoins et la lecture des rapports de la CRC, pour finalement conclure à ce qui, à leurs yeux, était un système spécifique au Pas-de-Calais.

Nous étions 4 témoins cités par la défense: Pierre Ferrari, Laurent Bocquet, Gérard Dalongeville et moi-même. Catherine Génisson, 1ère Secrétaire Fédérale, avait fait citer son prédécesseur, Serge Janquin et le 1er Secrétaire adjoint et surtout Trésorier, Laurent Duporge. Arnaud Montebourg et Stella Duneufjardin, indisponibles, avaient adressé leurs témoignages écrits.

Nous fûmes confinés pendant 2 heures (et même près de 4H pour certains, comme PF) dans une salle ad hoc pour ne pas être influencés par l'exposé des faits. Inutile de décrire l'ambiance entre nous pendant ce temps passé ensemble, tous les 6 (puis à 5, à 4...), dans 20 m2...

Pendant ce temps-là, chaque partie donna son point de vue et quelques petits problèmes de procédure retardèrent l'audition des témoins. Le premier à être appelé fut G.Dalongeville. Je ne l'ai, bien sûr, pas entendu, mais il me fut rapporté qu'il fut mesuré, mettant en avant ce qu'il rapporte dans son livre, à savoir les différentes façons permettant, selon lui, de récolter l'argent destiné au "financement du Parti" (je rappelle qu'il ne se sent aucunement concerné par le système, chargeant son ex-premier adjoint!). Nord-Eclair a publié, ce matin, en pages régionales, un compte-rendu reprenant largement cette déposition (je le mettrai en ligne dans les heures qui viennent). Dans sa plaidoirie, Maître Bodelot affirma que Dalongeville ne pouvait être crédible pour 4 raisons: mauvais gestionnaire, ses soit-disant aveux sont la contre-partie d'une libération de prison, il a contrevenu au contrôle judiciaire, il a déshonoré la République...

Ce fut mon tour, ensuite. Je répondis au Président du Tribunal, qui m'interrogeait à ce sujet, que j'étais incapable de prouver un quelconque financement parallèle, même si, comme beaucoup, je connaissais les rumeurs et les cas présumés d'enrichissement personnel (j'en profitai pour rappeler que GD avait omis de préciser, dans son livre, pourquoi il était mis en examen, d'une part et, d'autre part, avait fait 8 mois de détention préventive, ce qui est rarissime dans ce domaine). Par contre, j'expliquai que j'avais prévenu Martine Aubry, D. Percheron, S. Janquin et Catherine Génisson, dès 2006, des dérives du maire d'HB et que je considérai que le PS avait couvert GD: en cela, mes propos avaient été fidèlement rapportés par les Inrocks et les journalistes avaient bien fait leur travail quand ils me citaient sur le point que le PS était au courant des turpitudes dalongeviliennes, avant que les choses ne se précipitent en avril 2009.

Pierre Ferrari précisa également d'emblée qu'il n'avait aucun élément pour confirmer l'éventuel existence d'un financement illégal. Il raconta dans quel mépris l'avait tenu le PS 62 en 2008 et 2009, supposant que l'on ne voulait pas qu'il mette son nez dans les affaires...

Laurent Bocquet fit passer son émotion quand il évoqua les véritables scènes de racket et de banditisme dont il fut victime et parfaitement racontées dans les Inrocks. Il précisa, à la demande du Président, que les sommes qui lui furent soutirées n'étaient pas destinées au PS.
Serge Janquin dit que, convaincu de l'honnêteté de son parti, il avait lui-même demandé la constitution de la commission d'enquête interne du PS. Mais on ne trouverait rien...L'avocat des Inrocks en profita alors pour lire la lettre d'Arnaud Montebourg, signalant qu'il avait fourni au Procureur les informations portées à sa connaissance, par des élus et des militants, sur la Soginorpa, Adevia, CFR ainsi que sur la gestion du PS 62. Lui avait donc des infos que n'avait pas l'ancien 1er Secrétaire, lui fit remarquer, ironiquement, Maitre Adler. Cette déclaration de Montebourg devrait faire du bruit dans le cadre de la campagne actuelle...

Laurent Duporge confirma bien que les comptes de la Fédé étaient irréprochables, ce dont on se doutait...

Vint le temps des plaidoiries:

Maître Bodelot (avocat du PS, du Monde et de la Ligue des Droits de l'Homme) précisera que le délit de diffamation était bien constitué, personne n'ayant apporté la preuve d'un financement occulte du PS. Le seul qui disait en avoir, est sujet à caution par son comportement et les chefs d'inculpation qui pèsent sur lui...(présomption d'innocence écornée par le ténor du barreau?). En termes juridiques, cela signifie que l'hebdo n'a pas apporté de preuve ("offres de preuve non valables") et qu'il n'a pas su mettre sa "bonne foi" en avant, qui sont les 2 éléments qui permettent d'échapper ("exciper" en terme juridique) au délit caractérisé de la diffamation.

Il demanda 50 000 euros pour le préjudice subi par le PS 62 et la publication du jugement dans 3 journaux.

Les avocats (Maitres Forestier et Adler) des Inrocks s'étonnèrent qu'aucun autre organe de presse n'ait été poursuivi (notamment le Point...), que le PS n'ait pas fait citer les personnes incriminées dans l'article (Percheron, Bosko, Kucheida...), ces dernières n'ayant même pas porté plainte, ce qui peut laisser penser que certains faits relatés n'étaient pas complètement faux. "Il s'agit bien d'un scandale" et "on est bien dans un système", ce qui justifie la dénonciation des journalistes. Ils rappelèrent le témoignage de Stella Duneufjardin qui parlait d'une "caisse noire" à la section socialiste de Courrières. Ils précisèrent que les journalistes avaient manifestement fait oeuvre de retenue en utilisant des guillemets, le conditionnel et en citant les interlocuteurs...

Le jugement est mis en délibéré au 9 mai (entre les présidentielles et les législatives...)