Le blog de Françoise Fressoz, éditorialiste au Monde
22 avril 2012
Tous ces sondages qui accordent entre 55 % et 57% des intentions de vote à François Hollande au second tour de l’élection présidentielle méritent qu’on s’y arrête. Ce sont eux en effet qui font peser sur la fin de cette campagne de premier tour un climat un peu surréaliste.
Tout semble déjà joué au point qu’on se demande si on n’est pas en retard d’un métro, si nos horloges sont vraiment à l’heure, si dimanche on sera encore le 22 avril et pas déjà le 6 mai.
Les ralliés de la dernière heure se pressent aux portes du pouvoir, les socialistes se répartissent les postes, les écologistes affirment qu’ils veulent en être, Jean- Luc Mélenchon assure qu’il n’en sera pas. On se pince pour être sûr de ne pas rêver !
Alors de deux choses l’une, ou bien l’industrie du sondage dans son ensemble se trompe lourdement et on le saura vite, ou bien l’on assiste à une vraie révolution, à la fois silencieuse et profonde : le sacre du président normal, autrement dit la fin d’une illusion française. Celle de la toute puissance présidentielle, incarnée jusqu’à l’extrême par Nicolas Sarkozy, qui achève son quinquennat en ayant beaucoup donné de sa personne et de son énergie mais pour se retrouver en grande solitude et avec une perte de cap somme toute peu rassurante.
On cherche en vain dans le projet du candidat socialiste ce qui pourrait prolonger cette illusion. François Hollande joue jusqu’à l’extrême les passes murailles. Il a bien invoqué "le rêve français" mais n’a pas mis beaucoup d’énergie à le nourrir. Il a soigneusement dosé ses promesses pour redonner un sentiment de justice sans se faire engloutir dans l’abysse des déficits.
Il a joué de ce point de vue l’anti-Mitterrand de 1981, qui demeure pour tout le reste son grand modèle.
En promettre le moins possible et aussi apaiser, rassurer, rassembler à la façon d’un Père Queuille. Tels sont les ressorts du hollandisme, tout entier résumés dans ce slogan si fade de "président normal", qui tranche non seulement avec la présidence à ressort de Nicolas Sarkozy mais aussi avec toute une culture de l’affrontement à gauche que Jean- Luc Mélenchon s’emploie à ressusciter.
Il faut croire que les Français sont prêts à cette révolution de la normalité car l’antisarkozysme ne peut pas expliquer à lui seul les scores de sénateur qu’on prête à François Hollande.
Il y a bel et bien une aspiration française à une autre gouvernance. Encore s’agit-il de lui donner un contenu alors que tous les corps intermédiaires – parlements, élus locaux, syndicats – ont été comme "karchérisés" par la méthode Sarkozy .
Ce sera tout l’enjeu de l’entre-deux-tours.
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