11e circonscritpion du Pas-de-Calais : une part de rêve après les années de plomb ?

La Voix du Nord 5/6/2012

Dans l'Héninois, l'air des campagnes est toujours un peu plus vivifiant qu'ailleurs. La preuve paroxystique lors de ces législatives où le duel Mélenchon - Le Pen sous le regard impavide du socialiste Philippe Kemel bat des records d'hyper- médiatisation. On en oublierait presque que, derrière cet enjeu de pouvoir sur la 11e circonscription du Pas-de-Calais, il y a un territoire en grande souffrance. Radioscopie.

Entre Mélantois et campagne arrageoise, l'actuelle 11e circonscription (fruit, via d'habiles coups de bistouri, d'une greffe entre les ex-11e et 14e) est représentative du tissu urbain ultradensifié du bassin minier. Avec 130 000 habitants pour 14 communes (dont 27 000 à Hénin-Beaumont et 18 000 à Carvin), cette entité électorale colle presque pile poil à la géographie de la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin, le village de Bois-Bernard en moins et la moitié de Méricourt en plus.

Hier, le charbon était incontestablement l'or noir local. Qui façonna le paysage, l'architecture urbaine mais aussi les mentalités. De ces années de labeur souterrain, de Carvin à Hénin-Beaumont, et de Leforest à Méricourt, ne restent aujourd'hui que des sentinelles métalliques et « schistiques », un habitat unique de cités-jardins, corons et camus... et une quasi-mythologie. La fée charbon ayant commencé à perdre ses pouvoirs dès la fin des années 60, il a fallu penser reconversion.

Saignée

À Hénin-Liétard, c'est par le tour de passe-passe d'une fusion-absorption avec le village voisin de Beaumont que la vie économique pourra connaître un second souffle. Les zones de la Peupleraie puis du Pommier attireront quelques fleurons de l'équipement automobile (Faurecia), de l'agroalimentaire (Bourgoin, puis Moy Park), sans compter le bagagiste Samsonite ou le spécialiste de l'impression textile, Sublistatic. À Noyelles-Godault, c'est la fonderie Metaleurop qui nourrit toute la partie orientale du bassin de vie, alors que, de l'autre côté, les Cokes de Drocourt sont une vraie ville dans la ville.

Vers Carvin, c'est au sud de la commune, sur la zone du Château, devenue aujourd'hui tentaculaire sous la houlette communautaire, que la renaissance économique survient dans les années 80.

Une reconversion qui a entamé ce nouveau siècle dans la souffrance avec une série de fermetures impressionnantes, des Cokes de Drocourt à Metaleurop en passant par Sublistatic et Samsonite. Soit, en quelques années, plus de 2 300 emplois sur le carreau et la naissance dans l'Héninois d'un concept dont la population se serait bien passée, celle de patrons voyous.

Une saignée qui laisse aujourd'hui encore un territoire exsangue car, parmi les 14 communes de la 11e circonscription du Pas-de-Calais, les chiffres du chômage affolent les compteurs avec un niveau moyen au-dessus des 20 %.

Pour juguler cette spirale infernale, plusieurs dispositifs ont vu le jour. Ainsi, après la traumatisante disparition de la fonderie Metaleurop Nord, un contrat de site négocié avec l'État a permis l'éclosion de l'Ecopôle-Agora, géré par le groupe Sita, et devant dégager 450 emplois dédiés au recyclage.

La communauté d'agglomération a également pris la problématique de l'emploi à bras-le-corps, sa compétence économique ayant fait naître, à Rouvroy, le Parc de la Chênaie, à Drocourt, la zone Picasso ou à Courrières, celle du Chauffour.

Un hub stratégique

Autre atout de ce territoire que la zone Delta 3, entre Dourges, Oignies et Hénin. En bordure d'autoroute A1 et du canal de la Deule, 300  ha combinent un terminal de transport multimodal, 330 000 m² d'entrepôts logistiques, un centre de services tertiaire et un centre de formation logistique avec 1 200 emplois à la clé.

Une logistique qui est hyperprésente sur ce secteur tout comme la grande distribution avec, à Noyelles-Godault et Hénin, le plus grand centre commercial au nord de Paris... mais aussi, à Beaumont, le centre « Maison plus » bâti autour du vaisseau amiral Ikea.

Et demain pourrait être sous le signe de la mutation. Verte tout d'abord avec le Parc des îles en train de prospérer sur les décombres de l'ancienne cokerie de Drocourt, un parc que Daniel Percheron voit comme le futur Central Park du bassin minier. Un futur qui se rêve aussi en HQE sur le pourtour du terril Sainte-Henriette où de nouveaux quartiers à l'architecture audacieuse et de l'hôtellerie de luxe sortiront de terre fin 2013. Avant cela, le Métaphone, salle de spectacle au concept ludique et révolutionnaire, aura vu le jour sur le carreau du 9/9 bis d'Oignies. Mais le fantasme ultime est de faire d'Hénin un hub de communication incluant, à terme, le RER cadencé devant relier Lille, le terminus du tramway bassin minier et même une halte TGV. Mais là, on n'est plus tourné vers demain mais déjà vers après-demain...

PASCAL WALLART