"Le PS dans un bassin miné".

Le Canard Enchaîné du 6 juin 2012.

L'ancien bastion socialiste du Pas-de-Calais est devenu un bourbier pour le PS. A Hénin-Beaumont, où Marine le Pen a obtenu 42% des suffrages (1) lors de la Présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a fait un tabac, selon les sondages, dès le lendemain de son parachutage et il devancerait au 1er tour le candidat socialiste. Sur les marchés, les militants PS ont du bleu à l'âme. Dans les villes sinistrées du bassin minier, le chômage dépasse souvent les 20% et la misère est prégnante. Et, depuis plusieurs années, les vieux militants ont vu certains de leur dirigeants plonger les mains dans le pot de confiture.

Les corons puent

En 2009, le maire d'Hénin-Beaumont, Gérard Dalongeville, était poursuivi pour détournement de fond publics, incarcéré puis révoqué par le Préfet. Sa chute a provoqué un grand déballage public, qui a conduit à la mise en examen (2) de Jean-Pierre Kucheida, député-maire de Liévin. Celui-ci, on le sait, vient d'être exclu du PS. Du coup, il se répand dans la presse contre la "tsarine Aubry" et l'"escroc Montebourg".

Bien avant ces glorieux épisodes, la circonscription d'Hénin-Beaumont  avait été minée par les séquelles des municipales de 2001. A Carvin, une burlesque coalition PS-UMP, emmenée par le socialiste Philippe Kemel, avait éjecté la maire communiste sortante, Odette Dauchet. Peu de temps après, le numéro 2 de la liste, un UMP bon teint devenu adjoint aux finances, avait été embauché par le conseil régional, à majorité socialiste.

Et le feuilleton se poursuit aujourd'hui, avec un combat fratricide entre camarades socialistes. Le scrutin interne, censé désigner le candidat PS aux législatives, s'est déroulé de façon  assez pittoresque. Philippe Kemel était en lice, face au député sortant Albert Facon et à Jean-Pierre Corbisez. Mais, dans les jours précédant le vote, la liste des adhérents inscrits dans la ville de Carvin, dont Kemel est le maire, a plus que doublé, bondissant de 140 à 293 encartés. Parmi ces militants de la dernière heure figuraient des électeurs   inscrits plusieurs fois, des membres de la section de la ville voisine d'Oignies, quelques habitants clairement de droite et, surtout, quantité de communistes encartés au PS à l'insu de leur plein gré. Sans oublier quelques morts, qui n'avaient pas davantage été consultés.

Elus enfin sans enveloppes

Le jour du scrutin, les bulletins de vote étaient déposés sur la table, mais sans enveloppes, et aucun isoloir n'avait été aménagé. Philippe Kemel, présent derrière cette table, ne pouvait donc rien ignorer du choix de ses ouailles, réelles ou supposées. Rien que de très normal, précise au "Canard" le maire-candidat: " Dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais, on a toujours eu l'habitude de voter sans enveloppes. Kemel admet la présence de quelques faux adhérents PS sur la liste de sa ville. Mais leur nombre "se limite à cinq ou six". Il finit aussi par concéder que les noms des membres du comité de soutien à la municipalité ont pu être glissés par inadvertance sur cette liste électorale.

Bilan: une petite centaine de bulletins provenant de ces inscrits supplémentaires est venue grossir le score de Philippe Kemel. Or ce proche de Martine Aubry ne l'a emporté que de 65 voix contre son rival hollandiste, Jean-Pierre Corbisez. Jean-Luc Mélenchon a fait son miel de cette affaire, affirmant le 16 mai sur la Chaîne Parlementaire, que cette élection interne avait été "trichée". Et déjà les dépouilles du PS excitent les convoitises du Front de Gauche (3)

Alain Guédé

AA:

(1) Hum! Sur la circonscription, elle a fait plus de 10 points de moins!

(2) Non, JPK n'a pas (encore) été mis en examen...

(3) A part la 11ème (Hénin) et la 3ème (Lens), dans aucune circonscription du bassin minier, le Front de Gauche ne menace le PS...