Football et politique

Fruit des circonstances et autres hasards des calendriers politiques et footballistiques, certaines rencontres du dernier Championnat d'Europe de football ne manquèrent pas de susciter des commentaires humoristiques, mais non dénués de sens, l'humour étant une façon détachée de se confronter aux réalités.

Ainsi en fut-il du match Allemagne-Grèce, en quarts de finale le 22 juin...Le pays hellène, critiqué de toutes parts pour sa gestion politique et sa quasi-faillite économique subséquente, affronta l'Allemagne, ce pays admiré et fustigé, à la fois, pour sa rigueur de gestion: ruiné et dépecé en 1945, le pays devint rapidement un exemple de gestion rigoureuse. Mieux encore il digéra la réunification avec la partie orientale en y investissant des centaines de milliards de marks et réussit l'exploit d'être encore plus forte qu'avant. Cette Allemagne d'aujourd'hui ne se prive pas de critiquer la gabegie grecque, les tromperies vis-à-vis d'une Union européenne trop laxiste. C'est l'Allemagne qui inspira la rigueur imposée par les organismes internationaux à la Grèce en échange d'une aide pour la sortir de la faillite et du retour à la drachme, sans parler de la punition ultime: l'expulsion de l'Europe. Le match eut lieu à Gdansk, autre symbole fort de la construction européenne, puisque c'est de là que Lech Walesa et ses amis commencèrent leur combat, fortement médiatisé, pour abattre le régime communiste polonais...La Pologne, meilleure élève actuellement de l'Europe avec le plus haut taux de croissance... L'honneur fut sauf pour l'Allemagne et la Grèce. La première vainquit (4 à 2) avec panache devant la chancelière à la poigne de fer, Angela Merkel, et conserva les apparences d'une domination politique et sportive, qui en disent long sur ses motivations. La Grèce résista jusqu'à la dernière minute et sa défaite sportive se mua en victoire morale. Les Grecs y virent là un signe que leur combat pour ne pas mourir était entendu par les Dieux (grecs, bien sûr...). Nul doute que la sortie de l'Euro de football ne signifiait pas, pour la Grèce, sa sortie de l'Union européenne...En tous les cas, les autres pays européens ont reconsidéré leur position politique et le mot d'ordre est bien: sauvons la Grèce!

Jeudi dernier, par contre, l'Italie, au bord de l'asphyxie financière, a su dompter l'Allemagne. Cette dernière ayant montré qu'en Europe, elle pouvait dicter sa loi et notamment aux plus faibles économiquement, et les joueurs allemands étaient parus très sûrs d'eux, voir même arrogants avant le début du match. Le jeune Marco Reus, du haut de ses 23 ans, assurait que l'Allemagne était "meilleure individuellement et collectivement". Le 1er ministre italien qui tente avec ses collègues français et espagnols de faire entendre raison à Angela Merkel, a marqué un point important lors de ce match. Je ne sais si le fait d'avoir laissé de sa superbe, lors de ce match perdu par les Allemands, a permis un accord le week-end dernier, à Bruxelles, mais il est sûr que l'Allemagne n'a pas voulu essuyé un second tacle de la part de ses partenaires/adversaires...Devrait-on régler tous les conflits planétaires par des matchs de football préalables? Un Syrie-Turquie, voire un Syrie (associée à la Russie et la Chine) contre le reste du monde aurait toutes les chances de voir Assad quitter le pouvoir...Quid d'un Israël/Palestine? Les perspectives d'une telle procédure pour résoudre les conflits semblent sans fin...

Enfin que dire d'un Espagne/Italie, remake d'un premier match soldé par un nul, dans lequel les Ibères firent vibrer leur "invincible armada"...Les Italiens ne possédaient pas l'équivalent des experts barcelonnais et madrilènes...Ils jouèrent trop à l'économie alors que les Espagnols sortirent de leur bulle et déployèrent de magnifiques efforts afin de démentir la soi-disant faillite de leur système. Les 2 équipes ont montré au reste du monde que l'Europe, ce n'était pas seulement l'Allemagne, mais que les Latins avaient des ressources. Seule la France s'était refermée sur elle-même...Faut-il en déduire que l'Europe s'en sortira grâce aux pays méditerranéens? En effet, le Portugal n'a pas démérité, non plus...Quant à la Grèce et à la France, nul doute que nous reverrons bientôt leur notation à la hausse...