La Fédé. Chapitre 5 : une grande "famille" (3)

Pour en terminer avec l'Orcep, la question est de savoir si c'était une "pompe à fric" pour le PS, car les enquêteurs ont découvert une Orcep-bis, intitulée Office de recherche, de communication et d'études promotionnelles. Cette société a son siège à la même adresse que le Certa et la Norsogepress, "suivies" de près par Mellick, comme nous l'avons vu et qui "draguent" dans ses filets de généreux annonceurs qui vont financer la fédé (voir Chapitre 3). L'enquête n'est pas allée plus loin...

Pierre Frackowiak, déjà cité, ancien président de l'Orcep estime aujourd'hui que l'Orcep n'était pas une pompe à fric, et n'employait tout au plus qu'une dizaine d'emplois fictifs. Par contre, l'autre Orcep en était une, sous forme de publicités dans les journaux du PS, les bulletins municipaux. "Les entreprises payaient une publicité et, en fait, finançaient le parti. Tout le monde le savait, c'était très courant à l'époque". Cet autre Orcep a même publié des encarts dans l'Espoir, le magazine du PS 62...

Les auteurs du livre concluent que tous ces réseaux étaient fabriqués sur mesure par chacun des barons. Et de poursuivre : "l'un d'entre eux, moins visible, s'est élaboré autour d'un empire social et de sa maison mère : La Vie active".

 Jean-Marie Alexandre, le "Che" du Pas-de-Calais, accompagnait le trio des "Jeunes Turcs" (Percheron, Kucheida et Mellick) qui a fait le putsch contre Guy Mollet. "Je suis d'origine syndicale, confirme l'intéressé, la politique, c'est le moyen de faire avancer une idée. D'où mon engagement dans le social". Instituteur, attaché à la direction à la MGEN, membre de la puissante FEN (Fédération de l'éducation nationale) et du syndicat national des instituteurs (SNI), il devient maire de Souchez, d'où il est natif, en 1995. Il a longtemps été socialiste tendance Ceres de Jean-Pierre Chevènement. Il a accompagné ce dernier dans ses aventures politiques : MDC, puis MRC, dont il fut secrétaire général. Parfait inconnu sur le plan national, il n'en va pas de même dans le Pas-de-Calais. Il a su accompagner la montée en puissance de D. Percheron et a mobilisé le milieu enseignant pour renverser les mollétistes. Minoritaire du PS, il en a tiré parti pour obtenir un siège de député européen (1987-1994), en tant que PS, puis une vice-présidence au conseil régional, en charge des questions agricoles et, aujourd'hui, des lycées..

JMA est président du Crédit social des fonctionnaires (CSF), une banque, PDG du Crserfi (crédit et service financier), bras armé du CSF. Enfin et surtout, il est président de l'association, La Vie active, deuxième employeur du 62, qui compte 70 établissements : des IME (pour les personnes handicapées), des centres d'aides pour le travail (CAT) pour intégrer ces personnes, des maisons d'enfants à caractère social (MECS), des EHPAD pour les personnes âgées dépendantes, des services de soins à domicile, ainsi qu'un service de tutelle aux majeurs. 2250 agents pour un budget annuel de 109 millions d'euros, au service de 3500 bénéficiaires. L'association représente 20% de la capacité de l'aide sociale du département, en étant très majoritairement financée par des crédits publics, personne ne remettant en cause son succès ou son utilité. "Si vous dites un mot sur La Vie active, lance JMA aux auteurs, ce sera la guerre !"

"Il vaut mieux avoir votre carte au MRC pour travailler à La Vie active" lâche Claudine Policante qui a milité une décennie auprès de JMA. Cette Héninoise a eu l'occasion de constater que "La Vie active sert à embaucher les conjoints, les enfants et les membres actifs du MRC". Avec obligation tacite de s'impliquer dans les activités militantes du mouvement chevènementiste.

Dans un rapport de 2010, la CRC souligne "le mélange des genres qui prévaut dans ce gigantesque réseau où s'entremêlent intérêt public et positions politiques, avantages privés et mission politique..." Pas de graves anomalies de gestion, mais des bizarreries. Ainsi, fin 2007, "52 % des 2956 membres de l'association en sont des agents salariés ; situation qui, sans être illégale, traduit un lien de subordination important (contrat de travail, pouvoir disciplinaire...) entre les instances dirigeantes et la majeure partie des adhérents à l'association".

Jean-Pierre Policante, président local du MRC, à HB, de 2003 à 2007 : "Pour l'avancement, vos collègues vous font comprendre que c'est mieux de prendre la carte du parti". Ajourd'hui, le MRC 62 est indépendant et compte 3000 adhérents, d'après JMA, alors que le MRC national ne dépasse pas les 1500 membres, poursuit-il.

On reproche à JMA ses pratiques népotiques. Qu'on en juge : Liliane, sa femme, occupait le poste de trésorière de La Vie active Loisirs (exploitant plusieurs centres de vacances). Cette association a été dissoute. Un des 2 fils, Guillaume Alexandre, est le tout nouveau directeur général de La Vie active. Guillaume a également intégré les instances dirigeantes du CSF. JMA s'est retiré, en juin 2012, de la présidence estimant que ce n'était plus compatible avec les fonctions de son fils, DG désormais. Le second fils, Bertrand, décorateur d'intérieur, fut propulsé responsable des travaux du groupe, tout en poursuivant une carrière politique : il est maintenant conseiller général, après avoir été suppléant de Catherine Génisson alors députée, et 1ère secrétaire de la Fédé 62...

Signalons, en parlant de népotisme, que D. Percheron, pourtant connu pour sa légendaire prudence, avait eu comme intention de nommer sa fille, Elvire, membre de son cabinet, comme administratrice du Louvre-Lens (oeuvre, en grande partie, de D. Percheron). AA : devant le tollé suscité par cette éventualité, une autre administratrice a été nommée...