Entretien avec le leader héninois du FN

Cet entretien est, évidemment, imaginaire. Mais pas si imaginaire que cela car j’ai utilisé des éléments rapportés par des médias et particulièrement… le reportage de Edouard Mills-Affif, titré "Steeve Briois, le cobaye de Marine Le Pen" (Influences du vendredi 11 mars 2011). Seules les questions ont été inventées par moi...

Steeve Briois m’a reçu dans sa petite maison. Bruno Bilde, son conseiller politique et plus proche ami, profil étudiant à sciences-po, est présent lors de cette première rencontre. Un intérieur coquet, soigneusement ordonné, une grande salle de séjour avec baies vitrées, des murs couleur saumon, du carrelage blanc au sol, des peintures apaisantes représentant l’océan, des bateaux de pêcheur et des drapeaux tricolores flottant au vent. Une paire de pantoufles à côté du canapé et un jeune chien fou, « Picsou », qui vous saute dessus dès votre arrivée. Steeve Briois m’invite à m’asseoir et me propose gentiment un jus de fruit. Bruno Bilde nous rejoint à table.

A voir les yeux pétillants de B. Bilde, j’imagine qu’il se verrait bien dans le rôle du conseiller du prince, à la place de Séguéla, lors de la campagne de Jospin, en 95.  Et qu’il rêve d’un Steeve Briois superstar, figure de proue médiatique d’un FN light, relooké et propre sur lui. Et il me lance d’un air confiant : «  Vous verrez, ici, on n’a qu’à se baisser pour ramasser les électeurs ! »

AA : Vous dîtes que la délinquance s’aggrave à Hénin-Beaumont. En êtes-vous sûr ?

SB : Ah ben, je peux vous dire que ce n’est pas prêt de s’arranger. Binaisse [le maire d’Hénin] ne fait rien pour combattre la délinquance. Il a fait plein de promesses, mais il n’en tient aucune. Les délinquants peuvent dormir tranquille, croyez-moi…

AA : je n’ai pas entendu qu’il y ait recrudescence…

SB : De toute façon, on donne toujours raison aux assistés et on enfonce les honnêtes gens, que voulez-vous…

AA : Qui sont vos électeurs ?

SB : Ici, ce sont les anciens communistes et socialistes qui votent pour nous. La base socialiste est paniquée, déboussolée. Sur le plan des idées, on a déjà gagné, le peuple a nos idées.

AA : Mais enfin, le FN a une très mauvaise image…

SB : Le seul blocage qui reste, c’est que le sigle FN effraie encore. Mais c’est comme le mur de Berlin, ça va tomber. Et à Hénin, c’est en train de tomber. On est banalisés, on n’est plus des repoussoirs comme Le Pen, parce que les gens savent qui on est. En allant voir les gens, en faisant du porte à porte, en serrant des mains, en occupant le terrain, on leur montre qu’on n’est pas des méchants fascistes, des horribles raciste Notre premier objectif, c’est de corriger notre image.

AA : J’ai vu quand même des gens refuser de vous serrer la main !

SB : Peut-être les communistes, et encore… Il n’y a plus de cordon sanitaire autour de nous.

AA : Comment espérez-vous convaincre les gens ?

SB : Il suffit de les écouter, de les faire parler. Vous savez, c’est pas sorcier, on fait ce que la gauche faisait avant, rien de plus… 

AA : Et vous espérez vraiment que cela va marcher ?

SB : Avec les salopards et les tocards qui sont à la mairie, on ne peut que progresser. On a notre temps. Hénin tombera de notre côté.

AA : On dit que dans certains quartiers populaires, vous faites un carton. J’avoue que je n’y crois pas trop …

SB : Vous voulez voir des « bœufs » ? Venez avec moi à Darcy, vous allez en rencontrer…

AA : Pour en revenir à cette délinquance , vous vous en servez  pour justifier votre programme ? Il y a une police tout de même !

SB: A l’heure actuelle, on a à faire à une police administrative, ils ne sont plus sur le terrain.

AA : Et vous préconisez quoi ?

SB : Il faudrait installer des caméras de surveillance dans toute la ville, notamment sur le parking de la gare. Le quartier de la gare, cela devient Chicago…

AA : Et, bien sûr, c’est de la faute des immigrés…

SB : Certains immigrés ont la haine de la France. Quand on voit qu’ils brûlent le drapeau français. Vous savez, ils sont plus racistes que vous et moi !

AA : Ah non, moi je ne suis pas raciste… Ils viennent d’où ces immigrés ?

SB  Ce sont les actionnaires qui décident de tout, cela se passe au niveau mondial, avec des sociétés apatrides: Vous savez, quand ils trouvent de la main-d’œuvre moins chère dans d’autres pays…

AA : Au fait, vous faisiez quoi dans la vie avant de vous consacrer entièrement à la politique ?

SB : J’étais représentant commercial. Je vendais des abonnements à la télévision par câble en porte à porte.

AA : Qu’est-ce qui vous plaisez dans ce métier ?

SB :  Ce qui me plaisait, c’était le contact. J’aime les ragots, les anecdotes. Vous rentrez dans l’intimité des gens, on appartient un peu à tout le monde, on est partout chez soi.–

AA : La politique, c’est une forme de commerce ?

SB : La politique, c’est vendre un idéal. Quand l’idéal s’appelle Front national, c’est peut-être plus dur à vendre, on a un boulet au pied au départ avec le logo FN. Ici, on vend du Le Pen. Il y a des périodes de soldes, des têtes de gondole pour attirer le chaland. La politique, c’est du marketing, je n’y peux rien, c’est la société qui est comme ça.