Il faut que les choses soient dites : merci, La Voix du Nord !

Double page régionale parue lundi dans La Voix du Nord et dont je reprends, ci-dessous, les 2 principaux articles (avec mes commentaires en bleu). 

Le journaliste (P. Wallart) met en avant, sans fioritures, 2 éléments, évidents pour beaucoup d'observateurs locaux, mais jusque là édulcorés par la presse (au nom d'une difficile neutralité) :

- la victoire annoncée du FN que je qualifierai plutôt d'inéluctable que d'inexorable...

- le soutien surprenant du PS à un maire notoirement incompétent. Cela fait 4 ans que je le dis et l'écris, appelant de toutes mes forces à une solution. Ceux qui étaient aveugles ou faisaient semblant de ne pas me croire, m'ont accusé de faire le jeu du FN. Et j'ai toujours dit que laisser les choses en l'état était suicidaire... Je ne suis pas du tout content d'avoir eu raison. Quoi qu'en pensent ceux qui m'ont critiqué, ce blog n'a pas la diffusion suffisante pour influencer des électeurs.  Mais il est suffisamment lu par les observateurs de la vie politique héninoise et au-delà pour qu'ils aient été avertis de ce qui allait se passer. Ils furent irresponsables et je saurai les désigner le temps venu. Je leur en voulais déjà parce qu'ils n'écoutaient pas quand on annonçait ce vers quoi nous conduisait G. Dalongeville. 

M. Percheron se posait la question, récemment, de la raison pour laquelle je lui en voulais. Je remercie la personne qui m'a informé de cette interrogation de lui faire parvenir ces quelques lignes et il comprendra que je considère qu'il est le premier responsable de ce qui va se passer, à Hénin-Beaumont, demain, et dans les reste du Pas-de-Calais, après-demain...

 

2001-2014: de l'impensable à l'inexorable...

10/03/2014

C'était hier un fantasme, c'est aujourd'hui devenu une forte probabilité. Hénin-Beaumont, qui n'a plus de place forte socialiste que le souvenir couleur sépia, est sur le point de s'abandonner sans grande résistance au Front national. Un FN qui, à force de présence répétée sur le terrain, est devenu incontournable et quasiment déjà fondu dans la société civile locale. La faute à d'incroyables erreurs à répétition du PS remontant à 2001, sur fond de guerre des chefs dans le bassin minier, de coups fourrés souterrains et d'alliance tacite des forces de gauche pour faire tomber Pierre Darchicourt, le maire monarque, victime de sa suffisance et d'une quasi-fatwa lancée par l'omnipotent J.-P. Kucheida, ne supportant plus que l'Héninois lui résiste.

AA : S'agit-il vraiment d'"erreurs à répétition "? . Certes, le "dégommage" de Darchicourt a été à l'origine de la descente aux enfers. Mais le soutien à Dalongeville, en sursis, en 2008 et l'aveuglement vis-à-vis de Binaisse depuis 2010 sont plus que des "erreurs" du PS : au mieux de l'incompétence, au pire, une volonté de livrer la ville au FN. Rappelons que le FN obtint 48% aux municipales de 2009, 52% aux cantonales de 2011 (dans des bureaux normalement défavorables), 56% aux législatives 2012 sur la ville. Et pourtant, cette dérive n'a entraîné aucune réaction du parti socialiste !

L'arme de guerre s'appelle Gérard Dalongeville, «dir' cab» déchu de Darchicourt. Le maire idéal que cet homme-là, matois comme pas un et excellant dans l'intrigue. Il fait carton plein, débarque le maire et annonce ouvrir une nouvelle ère qui ne sera que poudre aux yeux.

Pieds de plomb

L'homme, épaulé souterrainement par le PS, met en place un système d'une opacité extrême avec un réseau d'entreprises partenaires qui finira par rendre exsangues les finances de la Ville. Douze millions de déficit pointés par la chambre régionale des comptes (CRC) seront résorbés à la hussarde via une hausse de la part communale de la taxe d'habitation de 85%. Les dépenses de personnel et de communication explosent. Une gouvernance face à laquelle le FN hisse alors le drapeau de la révolte, S. Briois devenant le plus âpre des ennemis de G.Dalongeville, gagnant de la popularité locale et du crédit, année après année.

Mais il devient en même temps son plus sûr rempart. Puisque, face à ce FN offensif et sur lequel les feux de l'actualité se braquent de plus en plus souvent, le mot d'ordre général est de sauver le soldat Dalongeville de peur que la flamme FN ne vienne embraser l'hôtel de ville. Ce qui explique, un temps, le peu d'empressement de l'État pour réprimer les dérives financières héninoises, mais aussi la stratégie imposée du front républicain, les appareils intimant l'ordre à leurs troupes, hostiles au maire, de se ranger derrière lui, même avec des pieds de plomb.

AA : Et pourtant si le PS avait débarqué Dalongeville, il se serait probablement refait une virginité. Je suis persuadé que le fait d'avoir voulu continuer à soutenir le futur "révoqué" cachait quelque chose. Pas besoin d'être grand clerc pour deviner qu'il s'agissait du réseau mis en place pour garder le pouvoir dans le 62. Et comme Dalongeville connaissait ce système (et il en avait profité comme Darchicourt), il paraissait difficile de s'en faire un ennemi. Et pourtant...

Cela sauve la mise à G. Dalongeville en 2008 alors qu'on imaginait le duo Briois-Le Pen, profiter d'un désamour populaire. Ils ignoraient alors que Dalongeville, finaud, avait massivement promis des embauches en mairie dans les quartiers lui étant hostiles. Ce ne sera que partie remise pour le maire qui commence son second mandat dans la souffrance, avec la CRC débusquant à nouveau 12 millions de déficit et la brigade financière sur les reins.

Le ciel lui tombe sur la tête le 7 avril 2009. Interpellation, mise en examen et huit mois de détention préventive pendant lesquels on découvre qu'on ne soupçonnait pas le quart de ce qui pouvait se tramer en mairie (détournement de fonds publics, faux, favoritisme, corruption passive...). Une affaire qui se solde, en première instance, par une peine de 4 ans de prison (dont 3 ferme) et 5 ans d'inéligibilité pour l'élu révoqué et scelle pour longtemps la réputation de la ville.

AA : dénoncer ensuite la bouche qui l'avait nourri (humour involontaire...) n'était pas crédible, bien sûr... Un repenti n'efface pas ses crimes par ses révélations ou pseudo-révélations... Quand ces dernières sont substantielles, il arrive à négocier une remise de peine. Or, de remise de peine, il n'y en eut point...

Néophyte en politique

Et le FN dans tout ça? En juin 2009 lorsque, suite à la révocation de G. Dalongeville et des démissions en série, les Héninois sont appelés aux urnes, le Front voit s'ouvrir une voie royale. D'autant que, dans la débâcle, la section PS est dissoute avec une image plus qu'écornée. Et pourtant, cet été-là, les Héninois, d'extrême justesse, choisissent de donner sa chance à Daniel Duquenne et à son Alliance républicaine, liste mêlant société civile et dissidents PS et MRC. La chance est passée et on se dit que la ville va être reprise en mains et que le FN, dans ces conditions, perdra inexorablement de l'influence.

Sauf que le scénario ne se déroulera pas ainsi. La faute à un énorme pépin de santé de M. Duquenne et une requête en invalidation qui le poussent à démissionner. Un aléa propulsant Eugène Binaisse aux manettes. Néophyte en politique, ce dernier s'accroche tant bien que mal aux branches mais sans réussir vraiment à imprimer sa marque et rentrer dans un costume nécessitant du muscle et une envie beaucoup plus forte que ce qui ne fut pour lui que le fruit d'un concours de circonstances.

Du pain bénit pour S. Briois qui, après plus d'une décennie de répétition, piaffe d'impatience d'entrer sur scène.

AA : néophyte, certes, mais quiconque a exercé des responsabilités sait qu'il convient de bien s'entourer. Ce que n'a pas su faire E. Binaisse. Quant au PS qui aurait pu l'aider, il a imposé le DGS actuel, garant de ce que certains secrets seraient bien gardés (tout le monde a en tête des vols d'archives déclarés 6 mois après...) et de l'immobilisme, voire de la continuation de certaines habitudes de gestion (exemple connu : un consultant, Kalyps, payé pour des missions non effectuées !).

Steeve Briois et l'équation du triangle maudit

10/03/2014

Depuis 2008, il n'est pas outrancier de dire que cette ville est en sursis. Et qu'après avoir gaspillé deux jokers (voir ci-dessus), les politiques héninois ont réuni toutes les conditions pour que le Front national, non pas gagne la mairie, mais s'y impose. À deux semaines du scrutin, ce sont en effet des Héninois souvent déboussolés et ayant perdu foi en «leurs» politiques qui vont se prononcer. Des électeurs ballottés depuis des années sans ménagement dans la grande lessiveuse politique héninoise. Après le mariage de la carpe et du lapin de 2008, le passage par la case prison en 2009, l'épisode invalidation de 2010, ils vivent une guérilla urbaine incessante menée par le FN et des élus majoritaires sécessionnistes qui met en état d'insécurité permanente Eugène Binaisse, un maire novice, certes de bonne volonté mais ayant un mal de chien à quitter son costume de principal de collège en retraite. Ils auront, le 23, à faire leur choix parmi cinq candidats.

Le FN Steeve Briois, labourant le terrain avec une régularité horlogère depuis 1995. C'est l'homme qui a fait venir Marine Le Pen en 1997 et n'a eu de cesse de dénoncer les dérives et l'opacité des méthodes de Gérard Dalongeville puis la gouvernance hésitante et sous influence (AA : "sous influence" c'est-à-dire de son directeur général des services) d'Eugène Binaisse. Désormais secrétaire national du FN, l'Héninois est le chantre de l'anti-système, sa méthode gagnant en adhésion populaire d'année en année, de scrutin en scrutin, jusqu'à obtenir la majorité à Hénin lors des dernières cantonales et législatives, sans toutefois être élu. Il y a peu, un sondage IFOP le créditait de 44% d'intentions de vote au premier tour et, pour la première fois, envisageait sa victoire finale.

Eugène Binaisse, soutenu par le PS, les Verts et le PC (mais pas le Parti de gauche, AA : ni le MRC), va devoir se faire violence pour prouver qu'il est l'homme de la situation. Il lui reste deux semaines pour reconquérir le terrain et se mettre en danger via un porte-à-porte qui n'est pas son exercice de prédilection, mais le seul moyen de gommer cette image d'élu hautain, peu accessible et empathique qui lui colle aux basques. Une carapace sans doute due à ce manque de métier et de sens de la proximité qui lui tient lieu de talon d'Achille. AA : il semble pourtant qu'un chef d'établissement côtoie des élèves, des parents d'élèves, du personnel administratif et des enseignants !

Gérard Dalongeville en est l'extrême opposé. Ce monstre d'empathie qui excelle dans le clientélisme et l'art de la guerre politique est reparti à l'assaut de «sa» mairie comme si les trois ans de prison ferme récoltés en juillet n'avaient jamais existé. L'homme a conservé des réseaux et de solides amitiés en ville et devrait, le 23, passer la barre des 10% et être en mesure de se maintenir. Il deviendrait alors l'angle majeur d'un triangle diabolique scellant, dans ce cas de figure, le sort de cette élection. Sauf qu'il ne prendra sans doute pas ce risque suicidaire qui hypothéquerait la suite de sa carrière, mais sera en position de force pour négocier avec ses ex-amis du PS. Il s'en délecte par avance. AA : le journaliste envisage ici le cas où GD serait troisième. Mais que se passera-t-il s'il termine second ? Le PS le soutiendra-t-il ? Cela ajouterait au ridicule de la situation héninoise. J'ai déjà écrit ici que si GD était second à l'issue du premier tour, vu les abstentions et votes nuls et blancs du second tour (sans parler des mauvais reports de voix), le FN réaliserait plus de 75% !

Georges Bouquillon, premier adjoint d'Eugène Binaisse, est depuis bien longtemps parti en croisade contre son ex-ami. Moteur d'une scission de la majorité municipale, l'élu MRC va au bout de sa logique et devrait priver la liste Binaisse de précieux points à l'heure des comptes.

Jean-Marc Legrand mène une liste soutenue par l'UMP et l'UDI. La présence de cet ancien adjoint de Gérard Dalongeville n'est pas anecdotique car, sans cette liste de droite, il y aurait fort à redouter que, de second tour, il n'y ait point...