Je vécus mai 68 à Lille, dans le conservatisme de la fac’ de
droit qui fut la dernière à se mettre en grève. Je fis plusieurs allers-retours
vers la Sorbonne occupée et rencontrais pour la première fois les Sauvageot,
Geismar, Benny Lévy et autre Cohn-Bendit. Je garde de ces moments merveilleux
une idée de liberté, dont seuls les témoins peuvent comprendre ce qu’elle
représente : les rapports parents/enfants, enseignants/élèves et
étudiants, employeurs/employés changèrent du jour au lendemain. On pouvait
remettre en cause les excès d’autoritarisme et faire entendre sa voix quelle
que fût sa position dans la société. On sortait d’une société fermée et
recroquevillée sur elle-même pour entrer dans un nouveau monde où l’on pouvait
se faire entendre, revendiquer sa différence et même contester toute autorité
établie quand celle-ci nous semblait figée ou imbue de ses privilèges.
Je vécus au sein de la fac de droit ce qui déclencha la
grève et me semble significatif des privilèges dont se paraient les
enseignants de l’époque. Nous avions comme professeur de droit commercial, Jean
Foyer, un des rédacteurs de la Constitution de 1958, plusieurs fois ministre et
notamment jusqu’en 1967, Ministre de la Justice. Tout auréolé de la gloire
attachée à ses fonctions passées et présentes, il honorait peu les cours qu’il
devait nous prodiguer et ses allers-retours Paris-Lille en faisait un prof « hors
sol », jamais disponible auprès de ses étudiants. Quand le régime
gaulliste s’opposa à la révolte étudiante et envoya les CRS mâter ceux qui se
retranchaient derrière les barricades, Jean Foyer devint le symbole de cette
génération qui n’avait pas compris que le monde changeait. L’après-guerre avait
enfanté des jeunes qui vivaient au milieu d’un monde nouveau, dans l’euphorie des
« 30 glorieuses », du début de la révolution des communications, et
dans un esprit neuf qui jaugeait les rapports humains avec un œil nouveau. Nos
auteurs favoris étaient Sartre, Freud, Camus, pas encore Derrida ou Barthes et
Foucault, mais surtout Herbert Marcuse, ce philosophe états-unien qui avait
tellement influencé les étudiants US, révoltés quelques mois avant nous. On ne
comprend pas ce mouvement de mai 68 si on le regarde à travers ses
débordements, comme on ne comprend pas la révolution française si on ne regarde
que la Terreur, pourtant autrement dommageable que la « révolution »
de 68, somme toute relativement pacifique. Je ne voudrais pas m’étendre sur les
changements à l’intérieur de la société française (des études approfondies
existent), mais plus rien ne fut comme avant. C’est dans la foulée de 68 que
naquirent les écoles mixtes, la contraception pour tous, la légitimation de l’avortement,
la majorité à 18 ans, etc. Pour en revenir à Jean Foyer, il vint faire son
cours le lendemain de la nuit des barricades, le 11 mai. Nous avions tous
suivis, par la radio, cette nuit de combats entre étudiants et forces de l’ordre
et n’avions pas apprécié la répression qui s’était abattue sur nos camarades
parisiens. La venue d’un cacique du régime dans une faculté qui était la seule
à ne pas être en grève ne pouvait être qu’explosive. L’éminent juriste était
atteint, pour son malheur, d’un profond défaut, toléré jusque-là : il « rôtait »
très fréquemment pendant qu’il parlait et ce jour-là, après ce que nous sûmes
de la veille, le silence habituel pendant le cours laissa place à un chahut
monstre qui obligea l’enseignant, représentant le régime honni, à quitter,
précipitamment l’estrade… Il faut dire qu’il avait commencé son discours par
quelques paroles très dures sur ce qui s’était passé à Paris, la veille ! 15
minutes avaient suffi pour mettre l’amphithéâtre en ébullition : 150
étudiants, supposés respectueux de l’ordre, avaient laissé éclater leur fureur,
pourtant contenue depuis le début des événements. Bruno Masure, notre
condisciple, n’était pas le dernier d’entre nous à proposer d’entrer, illico,
en grève… L’ensemble de la fac de droit s’enflamma et nous vécûmes assemblées
générales sur assemblées générales, dans l’euphorie la plus grande. Le sujet
numéro un était, bien entendu, la grève des examens et le doyen dût céder après
moultes réunions : les examens furent reportés à septembre… Cette
contestation ambiante ne put que nourrir ceux qui vivaient ces moments-là…
A suivre
A suivre
La cour d'appel de Cayenne a annulé lundi la condamnation d'une ex-candidate FN aux municipales de 2014, Anne-Sophie Leclère, qui avait été condamnée à 9 mois de prison ferme et 5 ans d'inéligibilité en première instance pour avoir comparé Christiane Taubira à un singe.
RépondreSupprimerDans son arrêt rendu lundi et que l'AFP s'est procuré, la cour d'appel de Cayenne a jugé "irrecevable" l'action menée par l'association Walwari (un mouvement cofondé par l'actuelle garde des Sceaux début 1993) à l'encontre du Front national et d'Anne-Sophie Leclère.
68 la génération des privilégiés, mon cher Alain, qui n'a connu ni les souffrances de ses prédécesseurs, ni les inquiétudes de ses successeurs! Mais quel bonheur d'avoir vécu cette époque......
RépondreSupprimerBon résumé, Georges...
SupprimerExtrait de "Hexagone", de Renaud Séchan :
SupprimerIls se souviennent, au mois de mai,
d'un sang qui coula rouge et noir,
d'une révolution manquée
qui faillit renverser l'histoire.
J'me souviens surtout d'ces moutons,
effrayés par la liberté, s'en allant voter par millions
pour l'ordre et la sécurité.
Ils commémorent au mois de juin,
un débarquement d'Normandie,
ils pensent au brave soldat ricain
qu'est v'nu se faire tuer loin d'chez lui.
Ils oublient qu'à l'abri des bombes,
les Français criaent : vive Pétain,
qu'ils étaient bien planqués à Londres,
qu'y'avait pas beaucoup d'Jean Moulin.
Être né sous l'signe de l'hexagone,
c'est pas la gloire en vérité
et le roi des cons, sur son trône,
me dites pas qu'il est portugais.
Oui, les collabos de l'extrême droite ressortent. Résistance.
SupprimerPour être en résistance, il faut être en guerre. Heureusement, la majorité des personnes ici et ailleurs est pour la paix.
SupprimerC'est un scandale! Espérons qu'il y aura appel et que cette militante FN ira en prison.
RépondreSupprimerCe tribunal peut dire " Je suis Charlie". Chose qu'apparemment, Mme Taubira ne peut pas dire.
SupprimerLa décérébrée stupide et pitoyable du fn doit allée en prison. Ou expédiée à moscou.
SupprimerOù tu pourras faire le petit juge inquisiteur.
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