mardi 23 juin 2015

Une vie politique... (2)


Je vécus mai 68 à Lille, dans le conservatisme de la fac’ de droit qui fut la dernière à se mettre en grève. Je fis plusieurs allers-retours vers la Sorbonne occupée et rencontrais pour la première fois les Sauvageot, Geismar, Benny Lévy et autre Cohn-Bendit. Je garde de ces moments merveilleux une idée de liberté, dont seuls les témoins peuvent comprendre ce qu’elle représente : les rapports parents/enfants, enseignants/élèves et étudiants, employeurs/employés changèrent du jour au lendemain. On pouvait remettre en cause les excès d’autoritarisme et faire entendre sa voix quelle que fût sa position dans la société. On sortait d’une société fermée et recroquevillée sur elle-même pour entrer dans un nouveau monde où l’on pouvait se faire entendre, revendiquer sa différence et même contester toute autorité établie quand celle-ci nous semblait figée ou imbue de ses privilèges.

Je vécus au sein de la fac de droit ce qui déclencha la grève et me semble significatif des privilèges dont se paraient les enseignants de l’époque. Nous avions comme professeur de droit commercial, Jean Foyer, un des rédacteurs de la Constitution de 1958, plusieurs fois ministre et notamment jusqu’en 1967, Ministre de la Justice. Tout auréolé de la gloire attachée à ses fonctions passées et présentes, il honorait peu les cours qu’il devait nous prodiguer et ses allers-retours Paris-Lille en faisait un prof « hors sol », jamais disponible auprès de ses étudiants. Quand le régime gaulliste s’opposa à la révolte étudiante et envoya les CRS mâter ceux qui se retranchaient derrière les barricades, Jean Foyer devint le symbole de cette génération qui n’avait pas compris que le monde changeait. L’après-guerre avait enfanté des jeunes qui vivaient au milieu d’un monde nouveau, dans l’euphorie des « 30 glorieuses », du début de la révolution des communications, et dans un esprit neuf qui jaugeait les rapports humains avec un œil nouveau. Nos auteurs favoris étaient Sartre, Freud, Camus, pas encore Derrida ou Barthes et Foucault, mais surtout Herbert Marcuse, ce philosophe états-unien qui avait tellement influencé les étudiants US, révoltés quelques mois avant nous. On ne comprend pas ce mouvement de mai 68 si on le regarde à travers ses débordements, comme on ne comprend pas la révolution française si on ne regarde que la Terreur, pourtant autrement dommageable que la « révolution » de 68, somme toute relativement pacifique. Je ne voudrais pas m’étendre sur les changements à l’intérieur de la société française (des études approfondies existent), mais plus rien ne fut comme avant. C’est dans la foulée de 68 que naquirent les écoles mixtes, la contraception pour tous, la légitimation de l’avortement, la majorité à 18 ans, etc. Pour en revenir à Jean Foyer, il vint faire son cours le lendemain de la nuit des barricades, le 11 mai. Nous avions tous suivis, par la radio, cette nuit de combats entre étudiants et forces de l’ordre et n’avions pas apprécié la répression qui s’était abattue sur nos camarades parisiens. La venue d’un cacique du régime dans une faculté qui était la seule à ne pas être en grève ne pouvait être qu’explosive. L’éminent juriste était atteint, pour son malheur, d’un profond défaut, toléré jusque-là : il « rôtait » très fréquemment pendant qu’il parlait et ce jour-là, après ce que nous sûmes de la veille, le silence habituel pendant le cours laissa place à un chahut monstre qui obligea l’enseignant, représentant le régime honni, à quitter, précipitamment l’estrade… Il faut dire qu’il avait commencé son discours par quelques paroles très dures sur ce qui s’était passé à Paris, la veille ! 15 minutes avaient suffi pour mettre l’amphithéâtre en ébullition : 150 étudiants, supposés respectueux de l’ordre, avaient laissé éclater leur fureur, pourtant contenue depuis le début des événements. Bruno Masure, notre condisciple, n’était pas le dernier d’entre nous à proposer d’entrer, illico, en grève… L’ensemble de la fac de droit s’enflamma et nous vécûmes assemblées générales sur assemblées générales, dans l’euphorie la plus grande. Le sujet numéro un était, bien entendu, la grève des examens et le doyen dût céder après moultes réunions : les examens furent reportés à septembre… Cette contestation ambiante ne put que nourrir ceux qui vivaient ces moments-là… 

A suivre  

10 commentaires:

  1. La cour d'appel de Cayenne a annulé lundi la condamnation d'une ex-candidate FN aux municipales de 2014, Anne-Sophie Leclère, qui avait été condamnée à 9 mois de prison ferme et 5 ans d'inéligibilité en première instance pour avoir comparé Christiane Taubira à un singe.
    Dans son arrêt rendu lundi et que l'AFP s'est procuré, la cour d'appel de Cayenne a jugé "irrecevable" l'action menée par l'association Walwari (un mouvement cofondé par l'actuelle garde des Sceaux début 1993) à l'encontre du Front national et d'Anne-Sophie Leclère.

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  2. 68 la génération des privilégiés, mon cher Alain, qui n'a connu ni les souffrances de ses prédécesseurs, ni les inquiétudes de ses successeurs! Mais quel bonheur d'avoir vécu cette époque......

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    1. Extrait de "Hexagone", de Renaud Séchan :

      Ils se souviennent, au mois de mai,
      d'un sang qui coula rouge et noir,
      d'une révolution manquée
      qui faillit renverser l'histoire.
      J'me souviens surtout d'ces moutons,
      effrayés par la liberté, s'en allant voter par millions
      pour l'ordre et la sécurité.

      Ils commémorent au mois de juin,
      un débarquement d'Normandie,
      ils pensent au brave soldat ricain
      qu'est v'nu se faire tuer loin d'chez lui.
      Ils oublient qu'à l'abri des bombes,
      les Français criaent : vive Pétain,
      qu'ils étaient bien planqués à Londres,
      qu'y'avait pas beaucoup d'Jean Moulin.

      Être né sous l'signe de l'hexagone,
      c'est pas la gloire en vérité
      et le roi des cons, sur son trône,
      me dites pas qu'il est portugais.

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    2. Oui, les collabos de l'extrême droite ressortent. Résistance.

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    3. Pour être en résistance, il faut être en guerre. Heureusement, la majorité des personnes ici et ailleurs est pour la paix.

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  3. C'est un scandale! Espérons qu'il y aura appel et que cette militante FN ira en prison.

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    1. Ce tribunal peut dire " Je suis Charlie". Chose qu'apparemment, Mme Taubira ne peut pas dire.

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    2. La décérébrée stupide et pitoyable du fn doit allée en prison. Ou expédiée à moscou.

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    3. Où tu pourras faire le petit juge inquisiteur.

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