"Jusqu'à quand, Poutine, abuseras-tu de notre patience" ? Cela pour parodier Cicéron s'adressant à Catilina.
On le sait moins, mais le discours de Cicéron continue ainsi : « quamdiu etiam furor iste tuus nos eludet? quem ad finem sese effrenata iactabit audacia? » ce qui signifie «Combien de temps ta folie nous défiera-t-elle ? Jusqu'où ton audace effrontée se déchaînera-t-elle ?»
Cet exorde, prononcé il y a presque 1953 ans, s'adresse, à merveille à Poutine...
Des voix
s'élèvent, déjà, contre le rapport détaillé du parquet néerlandais accusant la
Russie d'être à l'origine du tir de missile qui a abattu l'avion de la Malaysia
Airlines en juillet 2014 (voir l'éditorial sans concession du Monde daté de ce jour, ci-dessous).
3 questions
se posent après la confirmation de ce que beaucoup de monde supposait :
- que
va-t-on-faire des conclusions de ce rapport que la Russie réfute avec sa
mauvaise foi habituelle, digne de beaucoup des déclarations usuelles en
matière de relations diplomatiques ? Peut-on imaginer qu'une association de
familles de victimes (ces dernières étant en majorité néerlandaises) assignent la Russie en
réparation des préjudices subis par ses membres ? Ce n'est pas impossible même
si l'exécution du jugement sera difficile...
- après la
Crimée, l'Ukraine et sans remonter à la Tchétchénie, une nouvelle fois
l'impérialisme de la Russie est démontrée. Jusqu'à quand le monde occidental
restera-il paralysé devant ces crimes et ces atteintes au droit international
? Ces jours-ci, la Russie est, de nouveau, mise en cause pour sa participation,
aux côtés de l'armée d'Assad, aux massacres de populations civiles à Alep (Syrie),
alors qu'un cessez-le-feu, comportant beaucoup de vicissitudes certes, était en
cours. La communauté internationale qui envisageait de réduire ses sanctions
contre la Russie doit, au contraire, les durcir pour faire barrage
au cynisme de Poutine.
- Poutine justement ! Que M. Le Pen admire
l'autoritarisme du dictateur russe qui l'inspire dans sa façon de gérer un
pays, on peut comprendre et cela donne, surtout, un exemple supplémentaire de
la nocivité de ce parti à ceux qui envisageraient de lui confier la présidence
de notre pays... Mais que JL Mélenchon se trompe, en soutenant Poutine,
notamment dans son action en Syrie, voilà qui décrédibilise fortement celui qui
cherche tellement à se singulariser qu'il rejoint, souvent, celle qu'il abhorre,
MLP ! Le fait que Gérard Depardieu maintienne son soutien à Poutine devrait
pourtant le faire réfléchir sur ce que représente réellement le tsar russe...
Le Monde
Editorial
Vol MH17 : la Russie
confondue
|
Les
coupables ne sont pas désignés nommément, mais le rapport du parquet
néerlandais est accablant pour la Russie : le missile sol-air Buk, de
fabrication russe, qui a détruit l'avion de la compagnie Malaysia Airlines, le
17 juillet 2014, au-dessus de l'Ukraine et tué les 298 personnes qui se
trouvaient à bord, avait été acheminé de Russie et tiré d'une zone entièrement
contrôlée par les rebelles prorusses. Une fois ce terrible méfait accompli, le
lance-missiles a été rapatrié, le soir même, en Russie.
Quoi qu'en dise Moscou, il ne s'agit plus de spéculations, mais
de faits solidement établis. L'équipe d'enquêteurs internationale (Joint
Investigative Team) qui a minutieusement travaillé sur ce dossier depuis deux
ans, sous l'autorité de la justice des Pays-Bas – le vol MH17 assurait la
liaison Amsterdam-Kuala Lumpur et 193 victimes étaient néerlandaises – a
rassemblé un nombre de données monumental pour parvenir à ces conclusions.
Sagement, le procureur général s'en est tenu aux faits. Il ne
dispose pas, pour l'instant, d'éléments lui permettant d'incriminer directement
les auteurs, voire les commanditaires de ce tir. Une centaine de personnes
ayant participé activement à cette opération ont cependant été identifiées, et
l'enquête judiciaire sur la responsabilité de la tragédie se poursuit.
La Russie a dénoncé une enquête " partiale " et "
politiquement motivée ". On pouvait s'y attendre. Ce même régime a
assuré que les petits hommes verts qui ont envahi la Crimée en 2014 n'étaient
pas russes, puis a tranquillement annexé ce territoire ukrainien. Ce même
régime affirme qu'il n'y a pas eu de militaires russes pour appuyer le
mouvement des séparatistes prorusses dans le Sud-Est ukrainien, alors que
résidents et journalistes les ont maintes fois vus et entendus, et que
plusieurs de ces militaires eux-mêmes se sont publiquement identifiés. Ce même
régime refuse de laisser l'OSCE, organisation internationale dont la Russie est
membre, surveiller la frontière russo-ukrainienne dans le cadre des accords de
Minsk. Ce même régime s'est opposé à la création d'un tribunal à l'ONU sur le
dossier MH17. Sur l'affaire ukrainienne, Moscou est dans le mensonge permanent
depuis deux ans.
Une hypothèse plausible sur la tragédie du vol MH17 est celle
d'une méprise : les rebelles prorusses, cherchant à abattre un avion de chasse
ukrainien, auraient visé par erreur l'avion civil. Certaines conversations
téléphoniques captées entre rebelles accréditent cette possibilité. Mais, même
si cette hypothèse venait à être confirmée, il reste que la Russie, en
fournissant de l'équipement militaire aussi lourd aux séparatistes ukrainiens,
a fomenté un état de guerre durable sur le territoire ukrainien, après s'être
emparée de la Crimée.
C'est une double violation du droit international. La crise
ukrainienne empoisonne les relations entre Moscou et les Occidentaux depuis
2014. Le processus mis en place par Paris et Berlin, qui a abouti aux accords
de Minsk pour tenter de régler le conflit, est au point mort, en dépit de
réunions régulières ; ni la Russie ni l'Ukraine n'accomplissent la totalité de
leurs engagements. La Russie, cependant, s'est clairement installée dans le
rôle de l'agresseur. A défaut de pouvoir amener les responsables devant un
tribunal, le rapport sur le vol MH17 constitue à tout le moins un argument
supplémentaire pour maintenir les sanctions américaines et européennes contre
la Russie.