Lue dans Libération, cette histoire qui vaut celle de la liste de Schindler!
Irena Sendler, le dernier souffle d’une Juste polonaise
De notre correspondante à Varsovie MAJA ZOLTOWSKA
QUOTIDIEN : mardi 13 mai 2008
Elle en parle comme de sa «troisième mère». «La première, ma mère biologique, était juive ; la seconde, celle qui m’a adoptée, aimée et élevée, polonaise ; mais celle qui m’a sauvé, c’est elle, Irena Sendler», raconte Elzbieta Ficowska, un des 2 500 enfants juifs sauvés du ghetto de Varsovie grâce à cette Polonaise qui est morte hier à l’âge de 98 ans. A six mois, Elzbieta Ficowska a été sortie de l’enfer dans un petit coffre en bois, cachée sur une charrette transportant des briques. Cet été 1942, les Allemands s’apprêtent à liquider le ghetto où, sur 4 km2, près de 500 000 Juifs de Varsovie et de ses environs avaient été entassés. De l’autre côté du mur, Irena Sendler et ses assistantes, engagées dans le mouvement de résistance Zegota (Conseil d’aide aux Juifs), organisent l’assistance aux familles juives. «A côté de ceux qui les sauvaient, il y avait ceux qui les dénonçaient. Les Polonais n’étaient ni meilleurs ni pires que d’autres nations», souligne Ficowska.
Héroïque. Connaissant les chances de survie minimes des adultes, Irena Sendler tente de sauver au moins les enfants. Son père médecin lui avait enseigné le devoir «d’aider ceux qui se noient» et appris à «distinguer les hommes seulement entre bons et mauvais, jamais selon leur religion ou leur nationalité». «Quand je proposais aux familles de sauver leur enfant, les réactions étaient tragiques, a-t-elle écrit. Les mères n’imaginaient point de se séparer de leur enfant, préférant mourir ensemble. Celles qui ont pris cette décision ont fait preuve du plus grand héroïsme.» «Ma mère biologique a justement décidé de me donner cette chance. C’était une décision héroïque et tout à fait consciente», dit Elzbieta Ficowska. Elle n’a aucune photo de sa mère. Juste une petite cuillère en argent, gravée de son diminutif et de sa date de naissance, que sa mère avait mise dans le coffre. «C’est la cuillère du bonheur et elle m’a en effet porté bonheur toute ma vie», dit-elle.
Après avoir reçu des calmants, les enfants en bas âges étaient cachés dans des valises ou des coffres. Les plus grands passaient avec un guide par les égouts ou les caves de maisons voisinant le ghetto… Seuls les jeunes de plus de 16 ans rejoignaient le maquis. «Avant de placer un enfant dans une famille ou un couvent, il fallait bien nous préparer à nous comporter comme des Polonais catholiques. Il fallait apprendre nos nouveaux nom et prénom mais aussi le Pater Noster en polonais ou le signe de croix», explique Elzbieta Ficowska.
Irena Sendler archivait minutieusement tous les noms des enfants et des familles sur des papiers qu’elle enterrait. Arrêtée par la gestapo en octobre 1943 et torturée, elle ne parle pas. Après la guerre, elle remet les noms des enfants à Adolf Berman, le président du Comité central des Juifs en Pologne. Les enfants vivent de nouveaux drames. Peu retrouvent leurs parents, certains sont récupérés par des membres de famille éloignés. Ils doivent quitter les familles adoptives qui les ont aimés et qu’ils ont commencé à aimer. Beaucoup émigrent en Palestine. «Il y a sûrement encore quelque part en Pologne des enfants qui n’ont jamais su leur vraie histoire», dit Ficowska, qui préside l’association des Enfants de l’Holocauste.
Peu connue. Longtemps Irena Sendler, qui a reçu en 1965 le titre de Juste parmi les Nations décerné par le Mémorial israélien de l’Holocauste à Yad Vashem, est restée peu connue en Pologne. Ceux qui avaient sauvé des Juifs n’étaient pas bien vus à l’époque communiste, surtout au moment des purges antisémites de 1968. Ces dernières années, la Pologne a donc voulu rattraper ce retard et le Sénat lui a rendu un hommage solennel. Le pays veut montrer au monde qu’il ne se réduit pas au pogrom de Jedwabne, où des Juifs furent brûlés par leurs voisins polonais. Au Mémorial de Yad Vashem, 6 005 Polonais ont leur arbres, sur un total de 21 758, faisant de la Pologne le pays le plus représenté.
De notre correspondante à Varsovie MAJA ZOLTOWSKA
QUOTIDIEN : mardi 13 mai 2008
Elle en parle comme de sa «troisième mère». «La première, ma mère biologique, était juive ; la seconde, celle qui m’a adoptée, aimée et élevée, polonaise ; mais celle qui m’a sauvé, c’est elle, Irena Sendler», raconte Elzbieta Ficowska, un des 2 500 enfants juifs sauvés du ghetto de Varsovie grâce à cette Polonaise qui est morte hier à l’âge de 98 ans. A six mois, Elzbieta Ficowska a été sortie de l’enfer dans un petit coffre en bois, cachée sur une charrette transportant des briques. Cet été 1942, les Allemands s’apprêtent à liquider le ghetto où, sur 4 km2, près de 500 000 Juifs de Varsovie et de ses environs avaient été entassés. De l’autre côté du mur, Irena Sendler et ses assistantes, engagées dans le mouvement de résistance Zegota (Conseil d’aide aux Juifs), organisent l’assistance aux familles juives. «A côté de ceux qui les sauvaient, il y avait ceux qui les dénonçaient. Les Polonais n’étaient ni meilleurs ni pires que d’autres nations», souligne Ficowska.
Héroïque. Connaissant les chances de survie minimes des adultes, Irena Sendler tente de sauver au moins les enfants. Son père médecin lui avait enseigné le devoir «d’aider ceux qui se noient» et appris à «distinguer les hommes seulement entre bons et mauvais, jamais selon leur religion ou leur nationalité». «Quand je proposais aux familles de sauver leur enfant, les réactions étaient tragiques, a-t-elle écrit. Les mères n’imaginaient point de se séparer de leur enfant, préférant mourir ensemble. Celles qui ont pris cette décision ont fait preuve du plus grand héroïsme.» «Ma mère biologique a justement décidé de me donner cette chance. C’était une décision héroïque et tout à fait consciente», dit Elzbieta Ficowska. Elle n’a aucune photo de sa mère. Juste une petite cuillère en argent, gravée de son diminutif et de sa date de naissance, que sa mère avait mise dans le coffre. «C’est la cuillère du bonheur et elle m’a en effet porté bonheur toute ma vie», dit-elle.
Après avoir reçu des calmants, les enfants en bas âges étaient cachés dans des valises ou des coffres. Les plus grands passaient avec un guide par les égouts ou les caves de maisons voisinant le ghetto… Seuls les jeunes de plus de 16 ans rejoignaient le maquis. «Avant de placer un enfant dans une famille ou un couvent, il fallait bien nous préparer à nous comporter comme des Polonais catholiques. Il fallait apprendre nos nouveaux nom et prénom mais aussi le Pater Noster en polonais ou le signe de croix», explique Elzbieta Ficowska.
Irena Sendler archivait minutieusement tous les noms des enfants et des familles sur des papiers qu’elle enterrait. Arrêtée par la gestapo en octobre 1943 et torturée, elle ne parle pas. Après la guerre, elle remet les noms des enfants à Adolf Berman, le président du Comité central des Juifs en Pologne. Les enfants vivent de nouveaux drames. Peu retrouvent leurs parents, certains sont récupérés par des membres de famille éloignés. Ils doivent quitter les familles adoptives qui les ont aimés et qu’ils ont commencé à aimer. Beaucoup émigrent en Palestine. «Il y a sûrement encore quelque part en Pologne des enfants qui n’ont jamais su leur vraie histoire», dit Ficowska, qui préside l’association des Enfants de l’Holocauste.
Peu connue. Longtemps Irena Sendler, qui a reçu en 1965 le titre de Juste parmi les Nations décerné par le Mémorial israélien de l’Holocauste à Yad Vashem, est restée peu connue en Pologne. Ceux qui avaient sauvé des Juifs n’étaient pas bien vus à l’époque communiste, surtout au moment des purges antisémites de 1968. Ces dernières années, la Pologne a donc voulu rattraper ce retard et le Sénat lui a rendu un hommage solennel. Le pays veut montrer au monde qu’il ne se réduit pas au pogrom de Jedwabne, où des Juifs furent brûlés par leurs voisins polonais. Au Mémorial de Yad Vashem, 6 005 Polonais ont leur arbres, sur un total de 21 758, faisant de la Pologne le pays le plus représenté.
Lire le roman "ligne de faille" de Nancy Huston sur les enfants volés en Pologne, en Ukraine et dans les pays baltes pour suppléer aux pertes allemandes entre 40 et 45
RépondreSupprimerUn vaste programme de "germanisation" d'enfants étrangers fut entrepris