LE MONDE | 01.09.09 | 14h30
L'épisode pourrait s'intituler "Martine Aubry, le retour". L'histoire d'un rétablissement spectaculaire - quoiqu'encore fragile - opéré lors de l'université d'été du PS à La Rochelle. L'aboutissement d'une contre-attaque préparée de longue date et dans la plus grande discrétion. Remise en selle après avoir fixé la "feuille de route de la rénovation", interpellant Nicolas Sarkozy avec un mordant retrouvé lors de son discours de clôture dimanche 30 août, la première secrétaire s'est donnée de l'air. Elle revient de loin.
Le 9 juin, au surlendemain de la déroute du PS aux européennes, Mme Aubry tient devant le Conseil national - morne plaine - un discours sans relief. Les ténors du PS font mine de s'inquiéter. "Martine", disent-ils, manque de sens tactique. Pire, elle n'arrive pas à aimer sa tâche de première secrétaire à laquelle elle préfère son mandat de maire de Lille. " La patronne" sait son autorité affaiblie mais n'en laisse rien paraître. "Martine Aubry, vous la verrez à la rentrée", promet-t-elle fin juin lors d'une assemblée de premiers secrétaires fédéraux. Personne n'accorde d'importance à ces propos. Début juillet, Mme Aubry réunit les députés Claude Bartolone, François Lamy, Marylise Lebranchu, Christian Paul et quelques collaborateurs.
"La Rochelle est vite apparue comme la seule fenêtre de tir pour programmer un rebond", se souvient "Barto". Contrairement à la tradition qui veut que le premier secrétaire ne prononce que le seul discours de clôture, Martine Aubry parlera le vendredi de la rénovation du PS et s'en prendra le dimanche, à la politique du gouvernement. Evoquée par Gwenegan Bui, ancien président du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), l'idée d'une consultation directe des militants sous forme d'un questionnaire - comme le fit Lionel Jospin en 1995 - séduit Mme Aubry. Elle demande à ce que l'on réfléchisse au contenu d'un tel référendum. Et donne une consigne : " D'ici La Rochelle, taisez-vous ! "
Le 15 juillet, le coup de sang de la première secrétaire qui publie une lettre vengeresse adressée au trop remuant Manuel Valls jette le trouble jusqu'au sein de la direction. Certains de ses proches en font grief à Mme Aubry qui, pendant plusieurs jours, ne quittera pas sa base lilloise. "Martine a eu une période de repli mais elle a retrouvé de la motivation et décidé de renverser la table" assure Claude Bartolone. Fin juillet, la première secrétaire se laisse convaincre de lancer la procédure des primaires ouvertes. Et inscrit sans hésiter au programme le principe du non-cumul des mandats, thème de prédilection de Jean-Christophe Cambadélis.
Dans les derniers jours de juillet, tout est prêt pour lancer l'offensive. Rue de Solferino, ils ne sont qu'une poignée à être au courant. "Pendant les vacances, Martine est venue me voir dans le Finistère et l'on a beaucoup parlé, raconte Marylise Lebranchu. Elle était en forme mais fatiguée de l'impossibilité persistante d'installer des comportements rationnels au PS où, à peine s'est-on relevé, qu'il y a toujours quelqu'un pour vous pousser dans le bas-côté".
Fin août, les assauts des partisans des primaires redoublent - Arnaud Montebourg, secrétaire national à la rénovation, menace de démissionner - mais la première secrétaire fait le dos rond. Nombre de conseillers s'en inquiètent. "Et alors ? Ce n'est pas un problème de donner cette victoire aux quadras", leur répond-elle, convaincue que l'effet de surprise qu'elle compte provoquer le 28 août devant l'université d'été éclipsera tout le reste. La veille, la tribune qu'elle publie dans Le Monde lève cependant un coin du voile.
A La Rochelle, les militants applaudissent à tout rompre l'annonce d'un référendum où il sera question des primaires et du cumul des mandats mais aussi d'un code de bonne conduite ou d'une atténuation de la sacro-sainte règle de la proportionnelle intégrale au PS. "On la veut, cette rénovation ? Alors on va y aller ! ", lance-t-elle. La plupart des membres de la direction n'étaient pas au courant ou avaient été mis in extremis dans la confidence. Les dirigeants socialistes saluent "un joli coup" qu'ils n'avaient pas vu venir. "Si Martine Aubry ne réagissait pas, elle liait mécaniquement son sort au résultat des régionales. Là, même en cas de défaite, elle pourra espérer sauver sa tête", estime l'un d'entre eux.
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