[Il s'agit là d'une tribune de Robert Badinter, dans Le Monde du 28 avril,  tribune que je n'ai reprise que partiellement, vu sa longueur. Pour ceux qui souhaiteraient la lire dans son intégralité, je la tiens à disposition (alainalpern@gmail.com)]
Ce projet présidentiel qui défie les magistrats relève du populisme judiciaire
Ce projet présidentiel qui défie les magistrats relève du populisme judiciaire
De toutes les lubies  judiciaires dont nous avons été gratifiés depuis quatre ans, la plus  surprenante s'avère l'annonce de la participation de simples citoyens au  jugement des affaires correctionnelles et aux décisions de libération  conditionnelle.
I. Qu'il s'agisse d'un coup médiatique est évident.  Aucune organisation professionnelle de magistrats ou d'avocats n'a  avancé pareille proposition. Aucun colloque de juristes, aucun parti  politique, aucun cercle de pensée ne l'a prise à son compte.
II.  L'argument idéologique avancé par le président de la République pour  fonder cette réforme est malvenu. Que les jugements soient rendus au nom  du peuple français n'implique pas que des citoyens tirés au sort  doivent être appelés à juger les prévenus. Les magistrats sont des  citoyens français comme les jurés. 
La référence  au jury d'assises composé de citoyens depuis deux siècles dans les  procès criminels est également impropre: neuf jurés siègent à coté  des trois magistrats à la cour d'assises, aucun verdict de condamnation  ne peut être prononcé sinon à la majorité de huit voix sur douze, avec donc une majorité de jurés, soit cinq voix. 
Rien de tel dans la réforme  proposée : deux citoyens seront appelés à siéger au tribunal  correctionnel aux côtés de trois magistrats. Tout jugement au fond de ce  tribunal mixte pourra être pris à la majorité simple, soit celle des  trois magistrats. 
III. Paradoxalement, ce  projet qui prétend accroître le rôle des simples citoyens dans la  justice pénale réduit leur pouvoir dans les cours d'assises. 
Des juridictions "light", avec 2 "assesseurs" au lieu de 9 jurés, pourront juger tous les crimes punis  de quinze à vingt ans de réclusion, notamment les viols dont le nombre  croissant encombre aujourd'hui les cours d'assises. Singulière  contradiction avec la volonté proclamée de l'exécutif d'accroître la  participation directe des citoyens à la justice pénale.
IV. La  réforme annoncée est de surcroît inégalitaire. Les  infractions aux conséquences les plus graves pour la société,  délinquance organisée, financière, fiscale, environnementale,  corruption, etc. demeureront l'apanage des seuls magistrats.
Imagine-t-on  des citoyens ordinaires jugeant l'affaire Clearstream? 
V. Face à la montée croissante de la violence  physique, s'il faut recourir à des citoyens ordinaires pour assurer la  répression, c'est donc que les magistrats professionnels ne suffisent  pas à la tâche. Plutôt que d'avouer l'échec de la politique pénale  conduite en ce domaine depuis dix ans, il est plus aisé de dresser cet  acte implicite d'accusation contre la magistrature, en mettant en place une juridiction correctionnelle à 2 vitesses.
VI. Car aucun  motif technique ne peut justifier cette surprenante innovation. Il  suffit de lire le projet pour voir combien la procédure correctionnelle  devant ces nouvelles juridictions à composition mixte sera rendue plus  lourde et plus lente. Il faudra d'abord initier les " citoyens  assesseurs " aux rudiments de la procédure et du droit pénal. Mettre en œuvre la possibilité qu'ils accèdent au dossier de l'enquête ou de  l'instruction, tout en veillant au respect du secret protecteur des  tiers.
Il faudra laisser s'exercer à l'audience le droit reconnu  aux assesseurs de poser des questions aux prévenus et témoins. Il faudra  susciter un délibéré spécial après chaque affaire pour arrêter la  décision à la majorité ; et faire approuver les grandes lignes du  jugement qu'un magistrat aura ensuite pour mission de mettre en forme.
La  procédure devant les tribunaux mixtes sera nécessairement dévoreuse de  temps. Le garde des sceaux a annoncé qu'une  force de 100 magistrats et de 150 greffiers serait constituée pour faire  face à la première mise en place de cette réforme que personne ne  réclamait. Ces renforts en période de pénurie pourraient être mieux  utilisés dans d'autres secteurs menacés, y compris celui de  l'application des peines.
VII. Il est vrai qu'à ce secteur  sensible, la réforme s'est aussi intéressée. S'agissant des mesures de  libération conditionnelle, pour des condamnés à plus de cinq ans de  privation de liberté, deux " citoyens assesseurs " encadreront les  magistrats du tribunal de l'application des peines. Dans ce domaine où  sont requis expérience et connaissance approfondie du dossier et de la  personnalité du détenu, les juges se verront associer des personnes  tirées au sort, qui n'auront pas nécessairement les connaissances  requises pour apprécier les données complexes réunies sur la  personnalité de l'intéressé et ses perspectives d'évolution.
L'intention  est transparente qui inspire cette proposition : tabler sur l'hostilité  prêtée au public à l'égard des mesures de liberté conditionnelle des  condamnés à de longues peines pour réduire le nombre de celles-ci, alors  qu'on sait que la libération conditionnelle bien encadrée est un  facteur de prévention de la récidive.
Robert Badinter
Ancien garde des sceaux (1981-1986), ancien président du Conseil constitutionnel (1986-1995)
lu dans la voix du nord :"Quand on crie plus fort, on nous le reproche, l'autre option était de se taire, il ne restait plus qu'un choix, c'était de partir », justifie Laurent Brice."
RépondreSupprimercrier ou partir sont les seuls alternatives de nos amis du FN...
ils devraient suivre une formation d'affirmation de soi nos "grands démocrates"
l'affirmative act a été développée sous Kennedy pour permettre aux minorités de bénéficier de leurs droits civiques
quel chemin parcouru puisque 50 ans après ce programme un noir était élu président...
s'ils s'y mettent maintenant mrs Briois, Brice ont peut être une chance d'être élu président.... de leur club du 4ème âge
tintin