vendredi 17 juin 2011

Mediapart: Les déballages de l'après-Mellick à Béthune (2)

 

48 millions d'euros de préjudice

Du côté de Q-Park, la directrice générale, Michèle Salvadoretti, découvre pour sa part que «la ville avait comme conseillers Groep Planning et OTH Nord». Mais de toutes façons «nous n'avons jamais contracté avec OTH Nord et jamais eu de relations avec Groep Planning, c'est seulement le groupement d'entreprises qui a réalisé le chantier qui a confié à Groep Planning les plans bétons du parking, car ils étaient spécialistes de la technique en taupe demandée par la Ville», assure-t-elle.
Groep Planning (aujourd'hui devenu Sum Project) confirme être «uniquement» intervenu «comme bureau d'études par la discipline de stabilité (construction ossature, béton armé et précontraint, fondation)».
Curieusement, on retrouve cette société belge d'urbanisme et d'architecture à l'initiative du projet : en 2003, mandatée par la municipalité Mellick, Groep Planning avait préconisé la construction non d'un mais de deux parkings souterrains à Béthune ! Ancien consultant pour une entreprise d'urbanisme néerlandaise, Jacques Mellick a toujours refusé d'en donner le nom. Mais il précise qu'il ne travaillait que dans les Länder d'ex-Allemagne de l'Est.
Deuxième tour de passe-passe soupçonné par l'audit : le financement de la DSP repose principalement sur les recettes de voirie (horodateurs), autrefois perçues par la ville, qui doivent permettre au délégataire de rentabiliser la construction et l'exploitation du parking souterrain. Q-Park, qui avait le projet le plus coûteux des trois candidats (un investissement de 11,5 millions d'euros), aurait surestimé les recettes de voirie attendues pour réduire d'autant la subvention demandée à la Ville et espérer remporter le marché.
«Pour sa première année d'exploitation le délégataire estimait que la place de voirie devait du jour au lendemain générer un rendement annuel de 514 euros, soit le double de fin décembre 2004, une hypothèse irréaliste», souligne l'audit. Là encore, «en toute connaissance de cause par l'exécutif de la Ville». Qui plus est, selon l'audit, la présentation des offres à la commission de DSP est biaisée, le tableau de comparaison des recettes de voirie ne reposant par exemple pas sur le même nombre de places (1800 pour Q-Park et 1400 pour Vinci).
Fort opportunément pour Q-Park, le contrat prévoit une compensation annuelle de 300.000 euros (maximum) en cas de non-respect des recettes attendues par le délégataire. Depuis 2005, la Ville a déjà versé 1,6 million d'euros de compensations à Q-Park.
En additionnant, sur les trente ans de la DSP, cette compensation financière annuelle, la subvention d'équipement versée, les recettes de voiries non perçues et le salaire des agents des surveillance de la voie publique, toujours à la charge de la mairie, l'audit estime le préjudice pour la ville à 48 millions d'euros a minima... «Le montant évoqué me paraît ahurissant et irréaliste», réagit Pascal Van Acker, à l'époque directeur général de services de la Ville de Béthune.
Pour Q-Park, comme pour Jacques Mellick, la faute revient à l'actuelle municipalité qui n'aurait pas respecté ses obligations, notamment la construction d'une halle aux produits frais censée assurer une certaine affluence au parking souterrain.
«Les recettes prévues étaient tout à fait raisonnables, mais l'ancienne municipalité n'a pas rendu payant un parking de 300 places comme c'était prévu et elle a cessé de contrôler le stationnement sur la voirie», répond Michèle Salvadoretti.
Puisque rien ne nous sera épargné, on en arrive donc au comptage des procès-verbaux pour défaut de paiement. «9132 PV dressés par les 8 agents de surveillance de voie publique (ASVP) en 2010, et 5299 PV depuis janvier 2011, auxquels il convient d'ajouter une grande partie des 1365 PV dressés par la police municipale», énumère Pierre Godot.
Quant à la halle aux fruits et légumes, qui devait coûter près de 6 millions d'euros aux Béthunois, «ce dernier délire mégalomaniaque de Jacques Mellick aurait fini de ruiner la ville», assène le fonctionnaire. 

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