Parrainages présidentiels, casse-tête constitutionnel
Le Monde 7/2/2012
La question du "parrainage" des candidats à l'élection présidentielle par au moins 500 élus défraye, de nouveau, la chronique. Comme son père avant elle, Marine Le Pen se plaint, en effet, de l'ostracisme dont elle s'estime victime et soupçonne ouvertement les grands partis, UMP en tête, de vouloir l'empêcher de se présenter. "Bluff !", rétorque le premier ministre. Peut-être. Mais en attendant, le Conseil d'Etat vient de juger recevable la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que la candidate du Front national a déposée pour récuser la règle de publicité des indispensables signatures d'élus. Le Conseil constitutionnel va donc devoir se prononcer.
L'affaire remonte à bientôt trente ans. C'est le 19 décembre 1973 que les sénateurs examinent une proposition de loi organique relative à l'élection du président de la République au suffrage universel. Depuis son instauration en 1962, deux scrutins ont eu lieu. En 1965, six candidats étaient présents au premier tour, parmi lesquels Marcel Barbu, personnage fantasque que le général de Gaulle qualifiait d'"hurluberlu" ; il recueillit 1,2 % des voix. En 1969, sept candidats étaient en lice, dont l'étonnant Louis Ducatel qui recueillit aussi 1,2 % des voix.
Ce 19 décembre 1973, donc, les sénateurs entendent éviter qu'à l'avenir, de telles candidatures folkloriques n'écornent la solennité du scrutin présidentiel. Ils proposent deux dispositions : le relèvement de 100 à 500 du nombre de signatures d'élus nécessaires pour valider une candidature, et la publication, avant le premier tour, de la liste des signataires, ou du moins de 500 d'entre eux.
Tous les éléments du débat sont alors posés. Ainsi, le ministre de la justice de l'époque, Jean Taittinger, invite le Sénat à "trouver la juste mesure" entre "le souci d'éviter des candidatures qu'on pourrait qualifier de fantaisistes et la nécessité pour toute vraie démocratie de ne pas éliminer systématiquement des courants d'opinion qui peuvent représenter une partie de la nation qu'il serait dangereux de négliger".
La publicité donnée aux parrainages présidentiels suscite un long débat. Pour ses partisans, c'est une "garantie de sérieux", un "devoir civique" pour les élus invités à "prendre leurs responsabilités" et à les "assumer". Le sénateur Pierre Brousse résume le mieux leur position : "On ne présente pas un candidat à la présidence de la République dans la clandestinité." Pourtant, le garde des sceaux exprime, là encore, ses doutes : "Dans quelle mesure la publication ne serait-elle pas interprétée comme une sorte de viol indirect de la liberté de vote et de son secret ? En effet, des signatures peuvent être apposées en faveur d'un candidat sans que l'on s'engage pour autant à voter pour lui..."
Adopté par le Sénat, ce texte va rester en souffrance pendant deux ans. Pourtant, l'élection provoquée par la mort du président Pompidou, en 1974, a rendu le problème plus aigu encore, puisque douze candidats se sont présentés au premier tour. Au lendemain de ce scrutin, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs fait plusieurs observations. Il importe, souligne-t-il, que les candidatures à l'élection présidentielle "aient une assise véritablement nationale", mais "il est également indispensable que tout courant réel d'opinion puisse susciter une candidature". Et il préconise de "rendre publique, pour chaque candidat", la liste de ses cautions.
C'est sur cette base que le débat reprend, à l'Assemblée nationale, le 20 avril 1976. Le rapporteur du texte approuve la règle de 500 parrainages fixée par le Sénat, et non davantage (1 000 ou 2 000) comme certains le proposent. A ses yeux, en effet, il faut fixer une barre raisonnable, pour "permettre à toute personne représentant en France un courant d'idées" de participer à l'élection présidentielle. Le ministre de la justice, Jean Lecanuet, partage ce souci : s'"il convient de décourager les candidatures de fantaisie, il faut se garder de tout ce qui pourrait réduire l'élection présidentielle à un choix entre des candidats cooptés par un nombre restreint de notables ".
Après avoir approuvé le principe de la publicité des "parrains" - "c'est une simple question de courage politique, un élu doit prendre ses responsabilités", note l'un des orateurs -, l'Assemblée adopte le texte, qui sera définitivement validé par le Conseil constitutionnel, le 14 juin 1976.
Ledit Conseil se trouve donc placé devant un problème juridique des plus épineux. Première question : puisqu'il a déjà validé la loi de 1976, un réexamen de ce texte ne se justifie que si des changements significatifs, de droit ou de fait, sont intervenus depuis. C'est la thèse du Front national.
Dans son mémoire au Conseil d'Etat, il souligne, notamment, que la révision de juillet 2008 a introduit un nouvel alinéa à l'article 4 de la Constitution : "La loi garantit (...) la participation équitable des partis à la vie démocratique du pays." Il ajoute que le développement des structures intercommunales a "aggravé la dépendance des petites communes, et par voie de conséquence les pressions et obligations qui s'exercent sur les élus".
Ensuite, si le Conseil juge sa saisine recevable, il va devoir arbitrer entre deux principes démocratiques essentiels. D'un côté, l'exigence de la participation équitable des partis à la vie démocratique, qui s'applique, évidemment, à l'élection présidentielle. De l'autre, l'exigence de la transparence de la vie publique, qui n'a cessé de s'affirmer comme un impératif éthique ; en témoignent les législations sur le financement des partis et des campagnes électorales, comme sur le patrimoine des élus. Comme le notaient les sénateurs en 1973, il serait pour le moins troublant que les parrainages présidentiels puissent être accordés de façon "clandestine".
Enfin, si le Conseil jugeait inconstitutionnelle la publicité des parrainages, il placerait le gouvernement dans un inextricable imbroglio, car la loi de 1976 ne peut être modifiée que par une autre loi organique. L'adoption d'un tel texte, soumis à des règles de procédures contraignantes, est impensable entre le 22 février, date annoncée de la décision du Conseil, et la suspension des travaux parlementaires, le 8 mars.
Voilà donc les juges constitutionnels invités à être à la hauteur de la sagesse qu'on leur prête. S'ils confirment leur décision de 1976, ils seront accusés par le FN d'un déni de démocratie ; s'ils se déjugent, ils perturberont gravement la campagne électorale. On leur souhaite bien du courage !
Gérard Courtois
pas de candidat ump ds la 11 EME en juin
RépondreSupprimerPour moi la question des parrainages est mal posée. Les maires ne sont pas des "grands électeurs" comme c'est le cas aux USA. En tant qu'élus du peuple, je trouve tout à fait normal qu'en toute transparence (vis à vis de leur concitoyens) on fasse paraitre leur choix. Chacun a le droit de savoir. Le problème du en c'est qu'ils n'ont AUCUN maire en France. Leur volonté est de dénoncer un système qui ne leur convient pas, tout simplement.
RépondreSupprimeril a raison cousin germain , ils sont certainement plus de 3 % sur ce blog
RépondreSupprimerMadame Corinne Lepage est elle aussi à la recherche de parrainages. C'est une femme aux qualités indéniables: indépendante, attachée aux valeurs de notre démocratie, attentive à la préservation de notre environnement pour les générations futures... J'espère qu'elle pourra être candidate. Un peu de féminisme, d'humanité et de sincérité ne feront pas de mal dans cette campagne bien peu enthousiasmante!
RépondreSupprimerune électrice avide de voter pour une personnalité qui portera les couleurs de l'espérance.
Au 1er message de 16H47: que signifie votre commentaire? Je l'ai publié en me disant que peut-être quelque chose m'avait échappé. mais, finalement, il est vraiment incompréhensible et sans explication de votre part ce soir je le supprime...
RépondreSupprimerOn ne peut pas envisager que si moins de ...5 ou 6 candidats ont les 500 parrainages, on "requalifie" les candidats qui en présentent le plus pour atteindre justement les 5 ou 6 postulants au 1er tour ?
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