VIE POLITIQUE PS 62 : vers la fin de toute une époque ?

Nord-Eclair jeudi 21 juin 2012

On avait fini par s'habituer à l'idée que le bassin minier mènerait toujours la danse au Parti socialiste du Pas-de-Calais. Et puis Jean-Pierre Kucheida a été, sèchement, sorti par les électeurs. L'occasion pour la patronne du PS, Martine Aubry, d'imposer le renouvellement ? « C'est maintenant ou jamais », estime le politologue Rémi Lefebvre.

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FLORENCE TRAULLÉ 

Les images ont du sens. Dimanche dernier, dans la salle des fêtes de Carvin où Philippe Kemel fête sa victoire à l'arraché contre Marine Le Pen, un homme se tient à ses côtés. Frédéric Cuvillier, le ministre des Transports et maire de Boulogne-sur-Mer, est un homme jeune. Il a 43 ans, réélu au premier tour des législatives et, surtout, il fait partie des soutiens à François Hollande, du temps où pas grand monde aurait parié sur sa future présidence, récompensés par un poste ministériel. De quoi le poser en homme qui monte dans le paysage socialiste du Pas-de-Calais sur lequel souffle, peut-être enfin, un vent de renouvellement. Frédéric Cuvilier et ses soutiens du littoral, un atout contre les instances actuelles du PS 62 qui se seraient bien passées du nettoyage qui se prépare en coulisses ?

Premier acte : après des années à tergiverser même si elle n'en pense pas moins, Martine Aubry demande, en décembre, une enquête interne sur cette fédération où ceux qui faisaient figure de rénovateurs à la fin des années 70 ont assis leur pouvoir sur ce que le président du conseil général du Pas-de-Calais, Dominique Dupilet, appelle désormais ouvertement des « baronnies » (La Voix du Nord de mardi), ajoutant qu'il veut maintenant « que la justice aille vite car on est tous mis dans le même sac ». Un sac devenu très encombrant.

Suivez son regard du côté de celui qui se pose en inusable défenseur de ce territoire et se trouve empêtré dans une affaire de suspicion d'« abus de biens sociaux » pour avoir utilisé à des fins personnelles la carte bleue de la Soginorpa, le propriétaire et gestionnaire des logements miniers, structure qu'il préside. Jean-Pierre Kucheida dit avoir remboursé mais Martine Aubry n'attendait que cela pour porter le premier coup.

« La provocation de trop » 

Le deuxième, il l'a pris de plein fouet et ce sont les électeurs qui le lui ont porté le 10 juin. Éliminé au premier tour des législatives, un coup de tonnerre. « Personne n'avait vu venir sa défaite. On s'était habitués à l'idée qu'il était là, inamovible, que rien ne changerait jamais » , observe un socialiste lensois qui n'avait pas été surpris quand le député-maire de Liévin, bravant la patronne du PS, s'était présenté sans l'étiquette du parti, persuadé que cet acte de dissidence ne l'empêcherait pas d'être réélu dans un fauteuil. Il lui a été fatal.

« Martine Aubry a été élue premier secrétaire du PS grâce à la fédération du Pas-de-Calais en 2008 mais cela lui a coûté très cher », observe Alain Alpern, ancien conseiller régional, un temps Vert puis « socialiste critique » qui alimente son blog héninois avec des critiques féroces des potentats locaux, socialistes en l'occurrence : « Cela fait trois ans qu'elle veut faire bouger les choses ici mais jusqu'à maintenant le rapport de forces ne lui était pas favorable. » Il est de ceux qui prédisent que « tout cela va finir par une mise sous tutelle de la fédération du Pas-de-Calais, comme cela s'était passé pour l'Hérault. » C'est justement pour éviter d'en arriver là que ceux qui ne supportent plus d'être « assimilés aux méthodes de quelques-uns », comme le déplore discrètement l'un d'eux, aspirent à un renouvellement rapide dans cette fédération où les élus du bassin minier tiennent toujours le pouvoir. « Avec Daniel Percheron (le président du conseil régional, ndlr) qui ne manque jamais une soirée électorale à Liévin, aux côtés de son grand ami Kucheida. Tout un symbole ! » raille un élu de la métropole qui s'est étranglé quand, bravant les consignes du parti et la décision de Martine Aubry, Daniel Percheron est venu soutenir publiquement le dissident Kucheida lors d'une réunion de campagne. « C'était la provocation de trop. » Avec à ses côtés, la première secrétaire du PS 62, Catherine Génisson, « qui ne fait rien sans l'aval de Percheron. Elle fonctionne sur ordres ». Deux jours plus tard, au meeting lillois avec en tête d'affiche le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et la maire de Lille, les socialistes du Pas-de-Calais brillaient par leur absence et les commentaires allaient bon train sur cette joyeuse ambiance.

Une fenêtre de tir 

Rémi Lefebvre, politologue lillois spécialiste du PS dont il fait partie, l'assure : « Incontestablement, pour le renouvellement dans la fédé du Pas-de-Calais, c'est maintenant où jamais. » Lui aussi observe la montée des élus du littoral (Cuvillier, Bourguignon, Capet) sur lesquels le parti pourrait compter pour « déplacer le centre de gravité de la fédération ».

Une fenêtre de tir qui colle au calendrier de Martine Aubry qui a décidé de quitter la tête du PS à l'automne. Elle n'a plus besoin des voix du Pas-de-Calais et le dernier camouflet que lui a infligé Daniel Percheron lui est resté en travers de la gorge. Chance pour elle, à quelques kilomètres de Liévin, son candidat Philippe Kemel a battu Marine Le Pen. D'un cheveu certes, mais cela suffisait pour valider sa méthode aux législatives. Il faudra aller plus loin pour que la gauche puisse espérer, peut-être, ne pas laisser le fauteuil de maire d'Hénin à Marine Le Pen. Dimanche, elle y a fait 55 % des voix.