Ce n'est pas sérieux, Monsieur Binaisse !

Le 10 juin dernier, Maître Charlotte Feutrie, avocate de la ville d'Hénin-Beaumont, partie civile au procès Dalongeville, a plaidé le préjudice subi par sa cliente.

Elle a, en premier lieu, fait valoir le préjudice matériel de la commune. Et elle a fixé le montant de ce chef de préjudice au montant total des factures sanctionnables par le tribunal. En d'autres termes, elle a estimé que tous les délits (détournement de fonds, faux et usages de faux, favoritisme, etc) retenus par le tribunal devaient aboutir au remboursement, par leurs différents auteurs, des factures concernées. Exemple : ADG sécurité était poursuivie pour recel de détournement de fonds publics, pour un montant total de 971 149, 98 euros, somme que l'avocate réclame pour l'indemnisation du préjudice des Héninois. Dans ce cas précis, il faudrait tenir compte, pour ce faire, de l'éventuelle condamnation de G. Dalongeville du chef de détournement de fonds publics ou de favoritisme dans ce marché, et, éventuellement, de la condamnation qui pourrait être prononcée contre C. Chopin, également poursuivi, si je ne me trompe pas, pour le même délit.

Autre exemple : les bacs et les oliviers fournis par T. Réveillon, pour un montant de 404 544, 21 euros (sont également poursuivis, outre le fournisseur, G. Dalongeville et G. Mollet).

On voit bien que le calcul invoqué par l'avocate, ne tient pas : en effet, la prestation a bien été effectuée, à savoir que le gardiennage a été assuré, les bacs livrés. La justice n'a pas à s'interroger sur l'opportunité de la décision politique (fallait-il ou pas prendre telle ou telle décision), mais seulement sur le surcoût engendré par le choix partial de ces entreprises. En effet, il eut été plus judicieux de calculer, prestation par prestation, le montant de la surfacturation. Mais, là encore, une difficulté survient : quelle est la base à retenir, sachant que dans le choix d'un prestataire, ce n'est pas seulement le prix, mais la qualité du service qui intervient ? On voit bien que le tribunal ne pourra retenir, ni la proposition de l'avocate (que je qualifierai de peu judicieuse, et c'est un euphémisme...), ni le calcul, facture par facture. Et c'est très ennuyeux, car il eut fallu présenter une méthode sur laquelle le tribunal aurait pu se baser pour fixer le préjudice matériel de la ville. Je ne suis pas expert, mais j'avais proposé, il y a de cela, longtemps, de retenir comme préjudice, le montant de ce que la gestion Dalongeville avait coûté aux Héninois. En effet, en 2004 et en 2008, la CRC avait fixé le déficit budgétaire à 12 millions à chaque fois et ce sont ces 24 millions, qu'ont dû éponger les habitants de la ville, qui constituent le réel préjudice. Et encore, je ne compte pas le retard pris par Hénin-Beaumont dans les investissements nécessaires au développement de la ville...

Comme préjudice moral, l'avocate a réclamé l'équivalent du montant du préjudice matériel, soit environ 3,3 millions d'euros. Il est vrai qu'il est difficile de fixer le montant (le "quantum", disent les juristes) d'un préjudice moral. L'avocat s'est basé sur ce qu'ont retenu les tribunaux dans l'affaire de l'Erika, à savoir la détérioration de l'image. Il est sûr que la presse a colporté des informations qui n'ont pu que noircir un peu plus l'idée que l'on se fait d'HB et du bassin minier, en général. N'empêche qu'il eût été plus crédible de demander la réparation du préjudice moral sur des bases à même de convaincre le tribunal plutôt que d'avancer ce chiffre irréaliste de plus de 3 millions ! Là encore, on n'a donné aucun élément permettant aux juges de prendre en compte le sérieux de la réclamation...

Je pense que le maire d'Hénin-Beaumont a dû donner son accord sur les montants réclamés par l'avocate, mais quelles que soient les qualités de cette dernière (et elles sont réelles, semble-t-il), il est inadmissible que la ville d'Hénin-Beaumont ait laissé présenter une telle réclamation sans aucune base crédible, laissant ainsi le tribunal décider du préjudice, sans référence sérieuse provenant de la victime !