Programme économique du FN : arnaque ou amateurisme ?

L'article, ci-dessous, du Canard, nous trace les conséquences désastreuses de ce que prévoit, en matière économique, le FN, en cas d'accession au pouvoir en 2017.

2 remarques préalables, qui n'enlèvent rien à la qualité de l'article :

- suite aux taxes à l'importation des produits importés, nul doute que des mesures de rétorsion seront appliquées par les pays vers qui nous exportons. D'où une baisse drastique des exportations qui affaibliront les entreprises françaises...

- la sortie de l'euro n'est pas citée, et l'exemple grec nous montre que c'est plus facile à promettre qu'à réaliser. Le coût est non chiffrable... De même, la sortie de l'Union européenne (évoquée, dans l'article, pour la PAC, notamment) paraît aussi un non-sens, ne serait-ce que pour des mesures communes prises, pourtant largement insuffisantes (protection des consommateurs, environnement, défense, réalisations communes avec l'exemple d'Airbus...).

- combien rapportent les étrangers qui cotisent en France ? Cela a déjà été étudié avec comme conclusions que, sans les travailleurs étrangers, les régimes de sécurité sociale et de retraite seraient encore plus déficitaires qu'ils ne le sont aujourd'hui... Quant à l'impôt sur les revenu et à celui sur les sociétés...  

Le travail entamé par le Canard mérite d'être approfondi...

Le Canard Enchaîné 11 mars 2015

Alerte ! Avec le programme économique du FN, le collectivisme est à nos portes !

Demain, on nationalise, on planifie, on taxe les entreprises, les salaires augmentent, les prix baissent. Et les calculettes prennent feu.

En lançant, le 28 février à Paris, la campagne de son parti pour les élections départementales, Marine Le Pen n'a pas annoncé le grand soir ni la révolution économique pour les territoires qu'elle espère conquérir. Elle s'en est prudemment tenue à quelques précisions : "revalorisation de l'allocation personnalisée d'autonomie" et "plans départementaux de lutte contre la fraude au RSA". Avec, bien sûr, une "baisse de la fiscalité".

Rien de tout cela n'est chiffré. Mais le miracle sera rendu possible par "la réduction de la gabegie dans les finances départementales, évaluée à 10%", a expliqué au Canard Joëlle Melin, une des têtes du programme économique du FN. Elle a invité la balance à peser la "gabegie" !

Le matin du grand soir.

Pour le vrai chambardement économique promis dans le programme du FN, il faudra attendre que Marine accède au pouvoir. Surprise ! Le pays décrit par son bras droit, Florian Philippot, et détaillé dans son projet présidentiel, fleure bon le collectivisme et la planification. Plus rien à voir avec le libéralisme débridé que professait papa Le Pen.

" La concurrence libre promeut la loi de la jungle", peut-on lire maintenant dans le programme politique du FN. L'économie nationale sera régie par "une planification stratégique de la réindustrialisation". Un remake bouffon du commissariat au Plan des grandes heures du gaullisme, comme les aime l'énarque Philippot. Ce néocommissariat au Plan (quinquennal ?) dictera sa loi aux banques de dépôts. Et elles devront marcher droit, puisqu'elles "feront l'objet d'une nationalisation partielle". Reste un détail vulgaire : trouver les sous. Car acheter la moitié du capital des seuls BNP, Société Générale et Crédit Agricole coûterait 65 milliards ! Le Plan aura aussi la haute main sur les "services publics, repris intégralement en charge par l'Etat".

Démocratie populaire, on vous dit ! Cela permettra de "baisser immédiatement de 5 % les tarifs du gaz, de l'électricité et du train".

Cuisine fiscale bien de chez nous.

Petits calculs auxquels les penseurs du Front n'ont pas eu le temps de se livrer : la SNCF, par exemple, passerait d'un modeste bénéfice actuel à un déficit de 700 millions. Qui devra être financé par le contribuable. Et, pour les entreprises qui font de gros profits, l'Etat y perdra une partie de ses dividendes. Ainsi, à EDF- où il est actionnaire à 85%- son dividende rétrécira de 1,5 milliard. Mieux encore : "La TIPP (taxe sur les carburants, aujourd'hui TICPE) sera baissée de 20% ce qui diminuera de 12% le prix à la pompe". Et privera l'Etat de 5 milliards de recettes.

A propos de recettes, aucun souci à se faire : les 50 plus grandes entreprises non nationalisées devront "affecter 15% de leur bénéfice net en réserve spéciale de réindustrialisation". L'impôt sur ces sociétés sera ainsi porté à environ 50%. Sauve qui peut ! Les délocalisations vont connaître un âge d'or... Heureusement, les entreprises restant dans l'hexagone seront sauvées par la préférence nationale : "L'Etat et les administrations auront l'obligation de se fournir auprès de entreprises françaises", dans le cadre d'une "grande loi "Achetons français"". Seul problème, dont le FN ne souffle mot : c'est strictement interdit par l'Europe, qui oblige à traiter à égalité tous les pays de l'Union. Même impossibilité pour les restaurants d'entreprise, que le FN veut contraindre à "se fournir prioritairement en denrées alimentaires produites en France".

Dommage, cela aurait peut-être consolé les agriculteurs, auxquels le Front propose d' "abandonner la PAC " (politique agricole commune) et sa manne (9,1 milliards en 2014). Dans la foulée, la France devra aussi abandonner... l'Europe. Le commissaire européen européen à l'Agriculture est en effet formel : les pays de l'Union sont obligés de participer à la PAC.

Passons sur ces broutilles et saluons le programme social. "Tous les salaires jusqu'à 1500 euros bénéficieront d'une augmentation de 200 euros net" dès l'arrivée de la nouvelle présidente. Bonne idée ! Mais, par un effet de domino, il faudra augmenter tout le monde : les salariés gagnant 1600 euros n'accepteront pas de se voir doublés par ceux qui passeront de 1500 à 1700 euros. Et ainsi de suite. Coût : environ 20 milliards par an dans le public et 65 milliards dans le privé. L'équivalent d'une augmentation générales de 10%. Soit exactement celle qui avait été accordée lors des accords de Grenelle, en mai 1968. C'est la lutte finââle !

Des barbelés aux frontières.

Et  ce n'est pas tout : un "revenu parental  équivalant à 80% du SMIC sera créé". Coût non chiffré. Quant à la retraite, on pourra de nouveau la prendre à 60 ans, après 40 ans de cotisation. Soit une dépense supplémentaire d'environ 5 milliards par an pour l'Assurance-vieillesse et les régimes complémentaires (Agirc et Arrco). Au rayon racisme et xénophobie, le minimum vieillesse sera réservé "prioritairement" (sic) aux Français. Les allocations familiales ne seront versées que "si un parent est français". Et, bien entendu, suppression de l'aide médicale d'Etat (AME) pour les sans-papiers, qui pourront mourir à la porte des hôpitaux.

Pour protéger ce petit paradis, Mrine Le Pen prévoit d'instaurer "une protection raisonnable aux frontières", sous forme de taxe sur les importations de 3%. Elle devrait rapporter quelque 15 milliards d'euros... qui seraient évidemment répercutés sur les prix, et donc payés par les consommateurs. Pas terrible pour le pouvoir d'achat. Sans compter la violation de l'article 28-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, qui interdit l'instauration d'une telle taxe.

Mais, puisque l'Europe ne sera qu'un mauvais souvenir...

Hervé Martin