mercredi 29 juin 2016

« Brexit » : l’incroyable impréparation du vainqueur Boris Johnson

Boris Johnson face à ses contradictions

Le Monde 29 juin

Take back control ! " (" Reprenons les commandes ! "). Quatre jours après le séisme du " Brexit " – la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE) –, le fier slogan de la campagne qui a  convaincu 17millions de Britanniques de choisir le divorce avec l'Europe résonne désormais comme une bravade pathétique.
L'ancien maire de Londres et partisan du " Leave " Boris Johnson, qui l'a entonné des milliers de fois ces dernières semaines, ne s'y risque plus. La livre sterling -dévisse, le Royaume-Uni a perdu sa note AAA, des délocalisations d'emplois sont annoncées vers le continent et les institutions du pays sont paralysées.
"Nous n'avons pas de gouvernement, nous n'avons pas d'opposition. Les gens qui nous ont mis dans ce pétrin se sont enfuis", a -résumé, lundi, Alistair Darling, ministre des finances pendant la crise de 2008, mettant en garde contre le danger du " vide ".
Pendant le week-end, Boris Johnson, principal artisan du " Take back control ", a joué au cricket et a reçu quelques députés dans sa propriété de l'Oxfordshire. Il a sans doute aussi écrit sa chronique -publiée chaque lundi dans leTelegraph, dont le contenu cette -semaine est ahurissant.
Le chef de la campagne du "Brexit" s'y félicite de la bonne tenue de la devise britannique qui, en réalité, s'effondre. Il y assure que "la Grande-Bretagne fait partie de l'Europe", qu'"elle continuera à avoir accès au marché unique" et que "les Britanniques pourront continuer d'aller travailler dans l'UE". Le"seul changement", insiste-t-il, est que le pays s'est dégagé des insupportables réglementations européennes.
" Rien ne presse "
Pas un mot sur le désormais fameux article  50 du traité de Lisbonne que Londres rechigne à actionner pour engager la procédure formelle de sortie de l'UE. Le premier ministre démissionnaire, David Cameron, ne devait pas lancer la procédure lors du Conseil européen des 28 et 29  juin à Bruxelles : il a repassé la "patate chaude" à son successeur… qui ne sera désigné que début septembre. Boris Johnson, contesté mais favori pour reprendre le flambeau, ne dit rien sur ses intentions à ce sujet, simplement que " rien ne presse ".
" Nous ne pouvons pas avoir quatre mois pendant lesquels rien ne se passe, a encore réagi M.  Darling. Les électeurs ont pris cette décision et nous n'avons aucun plan pour l'avenir. Boris traite ça comme une partie de rigolade. Mais nous avons quitté l'UE ! "
L'entourage de M. Johnson ne le cache pas : il ne s'attendait pas à la victoire et a accusé le choc, surtout quand il a réalisé que M. Cameron allait lui laisser la responsabilité de déclencher la procédure de sortie.
" Tout le monde n'arrête pas de répéter : “Voilà où nous en sommes”, mais personne ne semble avoir la moindre idée d'où ça se trouve ",a tweeté malicieusement, dimanche, Rachel Johnson, sœur de l'intéressé, avant d'effacer ce message selon elle " mal interprété ".
Interviewé par le très tenace Nick Robinson de la BBC, Chris Grayling, l'un des lieutenants de M. Johnson, a bafouillé : " Nous -allons commencer à constituer une équipe pour réfléchir à  notre position afin d'être prêts quand les discussions commenceront. "
L'impréparation des vainqueurs du référendum ne concerne pas seulement le calendrier du " Brexit ". Sur le fond, il ne leur a fallu que quelques heures pour se délier de l'essentiel des promesses faites aux électeurs. Iain Duncan-Smith, ancien ministre pro-" Brexit ", a fait beaucoup -jaser sur Twitter en affirmant : "Nous ne nous sommes pas engagés. Nous avons seulement fait une série de promesses qui étaient des possibilités."
Après une campagne prônant la fin de la libre circulation des travailleurs en Europe, ce qui suppose la sortie du marché unique européen, Daniel Hannan, idéologue du "Brexit", a expliqué, vendredi, dès le lendemain du vote, que la nécessité de maintenir l'accès à  ce marché unique supposait "la libre-circulation de la main-d'œuvre". Autrement dit la trahison de la promesse sur le contrôle de l'immigration. Ce que M. Johnson confirme dans son article duTelegraph. Il affirme contre toute évidence que les électeurs ayant choisi le "Brexit" "n'étaient pas principalement motivés par leur crainte de l'immigration", alors qu'il n'a pas cessé d'attiser cette peur pendant la campagne.
En dehors même du choc économique et politique ambiant, les électeurs qui ont cru à la promesse du "Take back control of our borders" ("reprenons le contrôle de nos frontières") risquent donc d'être déçus. Déjà, le thème de la "trahison" des promesses du " Brexit " par les politiciens et Bruxelles fleurit dans les tabloïds.
"Grand clivage"
La contradiction, pour ne pas dire la duperie sur l'immigration et le marché unique, s'éclaire lorsqu'on analyse les deux composantes du vote pro-"Brexit". D'un côté des ultralibéraux thatchériens comme Boris Johnson, pour qui l'UE est une insupportable machine à réguler et l'immigration une nécessité si l'on veut peser sur les salaires et assurer la compétitivité du pays après le "Brexit". De l'autre, la grande masse des populations déshéritées du nord de l'Angleterre, précisément les victimes de l'ultralibéralisme à la britannique, qui comprennent le "Take back control" comme un appel au retour de la protection de l'Etat que "Bruxelles" empêche, notamment en imposant un afflux de travailleurs est-européens.
La première catégorie rêve de transformer le Royaume-Uni en un vaste paradis fiscal dérégulé ; la seconde a la nostalgie de l'Angleterre de leur jeunesse, avant la désindustrialisation et le thatchérisme. Tout le talent de "Boris" est de les avoir rassemblés autour de leur seul dénominateur commun : le nationalisme anglais. Fils de grande famille payé 267 000  livres par an (320 000  euros, soit 26 000  euros par mois) pour sa chronique dans le Telegraph, il n'a pas hésité à appeler "le peuple" à se rebeller contre l'establishment en votant pour le "Brexit".
" Le grand clivage britannique n'est pas entre Londres et le Nord ou entre les jeunes et les vieux, mais entre Johnson, Gove, Farage - les chefs de la campagne du " Brexit " - et les électeurs qu'ils arnaquent ", écrit le journaliste Nick Cohen dans le Guardian en rappelant les relations compliquées de M. Johnson avec la réalité.
Au début de sa carrière de journaliste, il s'était fait limoger du Times pour avoir inventé une citation. Selon sa biographe, Sonia Purnell, qui a été sa collègue quand il était correspondant du Telegraph à Bruxelles, le "blond ambitieux" a théorisé depuis longtemps sa méthode pour se faire remarquer et avancer : affirmer sans vergogne des choses contradictoires en public et en privé.
D'après elle, "Boris" n'était pas favorable au "Brexit". Mais il a enfourché ce cheval pour se démarquer de David Cameron, son copain et rival d'enfance. Voilà pourquoi le Royaume-Uni et l'Europe en sont là aujourd'hui.

Philippe Bernard

21 commentaires:

  1. Pourvu qu'il ne soit pas nommé 1er ministre!

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  2. L'immigration rapporte plus qu'elle ne coûte et il n'y a aucun risque de "grand remplacement"... Les têtes "pensantes", les dirigeants des partis nationalistes réactionnaires d'extrême droite le savent pertinemment . Ils se servent de cela pour diviser, attiser les haines, réveiller les bas instincts, le cerveau reptilien et ensuite manipuler ...

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    1. Au reptilien puissance mille de 11h46. L'immigration ne répond qu'à un seul besoin. Celui des partons à payer la main d’œuvre au plus bas. Pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour le voir.

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  3. Décidément, Le Monde va avoir du mal à s'en remettre. Juste une précision, dans ce flot de manipulation médiatique. La £ est plus forte face à l'€ aujourd'hui qu'en 2014/2013.

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  4. Dans la campagne du remain, on a pu entendre Tusk dire : "En tant qu’historien, je crains qu’un Brexit puisse marquer non seulement le début de la destruction de l’UE mais aussi de la civilisation occidentale" n'est-ce pas du populisme? des mensonges? du surf sur la peur ?

    En tout cas, en lisant Libération j'apprends que : La Commission européenne a annoncé prolonger, pour une période de 18 mois maximum, l'autorisation dans l'UE du glyphosate.

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  5. ça se passe chez nous.ça va vous rappeler quelqu'un.
    le retour de la royauté dans toute sa splendeur...
    le personnel de la cahc est convié à la présentation du divin enfant le 1er juillet.
    vous êtes invités à venir déposer vos offrandes, à vous prosterner, faire allégeance et vous pourrez profiter d'une jolie réception.

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    1. Et n'oubliez pas de cligner des neuls!

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    2. c'est pas celui qui a dit un jour:"je ne mélange pas vie privée et vie professionnelle"?

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    3. Ah bon la tablette et son bribri not'bon maire qui fait tant pour son petit peup', la diva, prévoit d'autres teufs d'enf. Quand, où. Ils invitent des néonazis de l'étranger, quand, où , qu'on aille y zeter un petit noeil. C'est encore nous d'hénin qui allons payer leur fiesta?

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    4. Eul 21h51 qui fait encore des amalgames, à 2 doigts de la diffamation. C'est ça l'opposition au fn? Pitoyable!

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    5. cher personnel de la cahc, surtout surtout, prosternez-vous devant l'enfant royal, déposez vos offrandes et faites allégeance à leurs majestés sinon vous serez marqués au rouge et alors là...la vengeance sera terrible.

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    6. Kemmel 1er du nom,détenteur du malaise vagal avec "détournement" d'aéroplane!
      Le sacré con-descendant de la passerelle!!!

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  6. C'est vrai que Boris Johnson a un comportement spécial et critiquable mais il ne doit pas servir de bouc émissaire au Brexit.
    Beaucoup d'anglais ont voté non car ils se sentent abandonné par Cameron : dans certaines régions c'est le chômage depuis Margaret Tatcher.
    Pour les européens critiquer Bojo c'est faire oublier leur part de responsabilité dans le rejet de l'EU.
    Notre valeureux président si sévère avec le Brexit a autant menti que Boris Johnson pendant sa campagne de 2012.
    Aujourd'hui il saute sur l'occasion de mettre l'europe au premier plan de la campagne 2017 pour faire oublier ses échecs en matiére de chômage et de gestion des dépenses publiques si on en croit aujourd'hui la cour des comptes.
    Si Johnson se retrouve au pouvoir, il va avoir à gérer une sévère récession et qui sait un éclatement du RU à la façon de la yougoslavie : espérons que cela se passe bien.
    On ne gagne rien quand un pays voisin est en crise : ce sont toujours les plus faibles qui trinquent et les crises ne restent jamais confinées dans un seul pays : nous sommes tous interdépendants.

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    1. Je pense que Hollande n'a pas intérêt à mettre l'Europe au premier plan de sa campagne...
      En arrivant en 2012 il devait renégocier les traités. Il ne l'a pas fait.
      L'assemblée nationale et le sénat vote en faveur de la fin des sanctions contre la Russie. La commission européenne dit non, Hollande s'écrase.
      Merkel se lance dans les visas turques. Hollande n'est pas d'accord : il s'écrase.

      Si il parle d'Europe, ça va vite se retourner contre lui, son bilan est une catastrophe sur ce point.

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  7. Accord de libre-échange UE-Canada : les 28 pays voulaient un vote dans les parlements nationaux. Juncker dit non. La commission décide, pas besoin de l'avis des parlements. Décidément, il suffit de s'intéresser un peu à l'actualité de l'UE pour voir que le déni de démocratie est quotidien.
    Si on ajoute à ça, que pour vivre ce déni il faut payer ( c'est le cas des pays contributeur net ) , alors on comprend vite la position des britanniques !

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  8. VDN:présentation officielle du divin enfant à la cahc.zut alors! y a pourtant rien dans les magazines people: vsd, gala, paris match...ch'uis déçu.
    sarko lui, y avait réussi!!mais c'est pas non plus le même monde.

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  9. Pour une France tolérante et anti Extrêmes.
    Pour une France tolérante et anti Extrêmes
    Laisser la haine à ceux qui sont trop faibles pour aimer
    Homophobes, racistes, antisémites, islamophobes, FN, Civitas, Daesh, LDJ, La Manif Pour Tous, extrémistes en tout genre... Tous dans le même panier !

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    1. Tu es dans ce panier. Ta haine t'y as conduit.

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  10. Vous mélangez tout 7h23

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    1. On comprend pourquoi 19:35 et 22:10 ne sont pas d'accord : ils sont dans l'une des catégories répertoriées...

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