Boris Johnson face à ses contradictions
Le Monde 29 juin
Take back control ! " ("
Reprenons les commandes ! "). Quatre jours après le séisme du "
Brexit " – la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE) –, le fier
slogan de la campagne qui a convaincu 17millions de Britanniques
de choisir le divorce avec l'Europe résonne désormais comme une bravade
pathétique.
L'ancien maire de Londres et partisan du " Leave
" Boris Johnson, qui l'a entonné des milliers de fois ces dernières
semaines, ne s'y risque plus. La livre sterling -dévisse, le Royaume-Uni a
perdu sa note AAA, des délocalisations d'emplois sont annoncées vers le
continent et les institutions du pays sont paralysées.
"Nous n'avons pas de
gouvernement, nous n'avons pas d'opposition. Les gens qui nous ont mis dans ce
pétrin se sont enfuis", a -résumé, lundi, Alistair Darling, ministre
des finances pendant la crise de 2008, mettant en garde contre le danger
du " vide ".
Pendant le week-end, Boris Johnson, principal artisan
du " Take back control ", a joué au cricket et a
reçu quelques députés dans sa propriété de l'Oxfordshire. Il a sans doute aussi
écrit sa chronique -publiée chaque lundi dans leTelegraph, dont le
contenu cette -semaine est ahurissant.
Le chef de la campagne du "Brexit" s'y
félicite de la bonne tenue de la devise britannique qui, en réalité,
s'effondre. Il y assure que "la Grande-Bretagne fait partie de
l'Europe", qu'"elle continuera à avoir accès au marché
unique" et que "les Britanniques pourront
continuer d'aller travailler dans l'UE". Le"seul changement", insiste-t-il, est que le pays s'est dégagé des insupportables réglementations européennes.
" Rien ne presse "
Pas un mot sur le désormais fameux article 50 du
traité de Lisbonne que Londres rechigne à actionner pour engager la
procédure formelle de sortie de l'UE. Le premier ministre démissionnaire, David
Cameron, ne devait pas lancer la procédure lors du Conseil européen des 28 et
29 juin à Bruxelles : il a repassé la "patate chaude" à son
successeur… qui ne sera désigné que début septembre. Boris Johnson, contesté
mais favori pour reprendre le flambeau, ne dit rien sur ses intentions à ce
sujet, simplement que " rien ne presse ".
" Nous ne pouvons pas avoir quatre
mois pendant lesquels rien ne se passe, a encore réagi M. Darling. Les
électeurs ont pris cette décision et nous n'avons aucun plan pour l'avenir.
Boris traite ça comme une partie de rigolade. Mais nous avons quitté l'UE !
"
L'entourage de M. Johnson ne le cache pas : il ne
s'attendait pas à la victoire et a accusé le choc, surtout quand il a réalisé
que M. Cameron allait lui laisser la responsabilité de déclencher la procédure
de sortie.
" Tout le monde n'arrête pas de
répéter : “Voilà où nous en sommes”, mais personne ne semble avoir la moindre
idée d'où ça se trouve ",a tweeté malicieusement, dimanche,
Rachel Johnson, sœur de l'intéressé, avant d'effacer ce message selon elle "
mal interprété ".
Interviewé par le très tenace Nick Robinson de la BBC,
Chris Grayling, l'un des lieutenants de M. Johnson, a bafouillé : "
Nous -allons commencer à constituer une équipe pour réfléchir à notre
position afin d'être prêts quand les discussions commenceront. "
L'impréparation des vainqueurs du référendum ne
concerne pas seulement le calendrier du " Brexit ". Sur le fond, il
ne leur a fallu que quelques heures pour se délier de l'essentiel des promesses
faites aux électeurs. Iain Duncan-Smith, ancien ministre pro-" Brexit
", a fait beaucoup -jaser sur Twitter en affirmant : "Nous
ne nous sommes pas engagés. Nous avons seulement fait une série de promesses
qui étaient des possibilités."
Après une campagne prônant la fin de la libre
circulation des travailleurs en Europe, ce qui suppose la sortie du marché
unique européen, Daniel Hannan, idéologue du "Brexit", a expliqué,
vendredi, dès le lendemain du vote, que la nécessité de maintenir l'accès à
ce marché unique supposait "la libre-circulation de la
main-d'œuvre". Autrement dit la trahison de la promesse sur le
contrôle de l'immigration. Ce que M. Johnson confirme dans son article duTelegraph. Il
affirme contre toute évidence que les électeurs ayant choisi le "Brexit" "n'étaient pas principalement motivés par leur crainte de
l'immigration", alors qu'il n'a pas cessé d'attiser cette peur pendant
la campagne.
En dehors même du choc économique et politique
ambiant, les électeurs qui ont cru à la promesse du "Take back
control of our borders" ("reprenons le contrôle de nos
frontières") risquent donc d'être déçus. Déjà, le thème de la "trahison" des promesses du " Brexit " par les
politiciens et Bruxelles fleurit dans les tabloïds.
"Grand clivage"
La contradiction, pour ne pas dire la duperie sur
l'immigration et le marché unique, s'éclaire lorsqu'on analyse les deux
composantes du vote pro-"Brexit". D'un côté des ultralibéraux
thatchériens comme Boris Johnson, pour qui l'UE est une insupportable machine à
réguler et l'immigration une nécessité si l'on veut peser sur les salaires et
assurer la compétitivité du pays après le "Brexit". De l'autre, la
grande masse des populations déshéritées du nord de l'Angleterre, précisément
les victimes de l'ultralibéralisme à la britannique, qui comprennent le "Take back control" comme un appel au retour de la protection de
l'Etat que "Bruxelles" empêche, notamment en imposant un afflux de
travailleurs est-européens.
La première catégorie rêve de transformer le
Royaume-Uni en un vaste paradis fiscal dérégulé ; la seconde a la nostalgie de
l'Angleterre de leur jeunesse, avant la désindustrialisation et le
thatchérisme. Tout le talent de "Boris" est de les avoir rassemblés
autour de leur seul dénominateur commun : le nationalisme anglais. Fils de
grande famille payé 267 000 livres par an (320 000 euros, soit 26
000 euros par mois) pour sa chronique dans le Telegraph, il
n'a pas hésité à appeler "le peuple" à se
rebeller contre l'establishment en votant pour le "Brexit".
" Le grand clivage britannique
n'est pas entre Londres et le Nord ou entre les jeunes et les vieux, mais entre
Johnson, Gove, Farage - les chefs de la campagne du " Brexit " - et les
électeurs qu'ils arnaquent ", écrit le journaliste Nick Cohen dans
le Guardian en rappelant les relations compliquées de M.
Johnson avec la réalité.
Au début de sa carrière de journaliste, il s'était
fait limoger du Times pour avoir inventé une citation. Selon
sa biographe, Sonia Purnell, qui a été sa collègue quand il était correspondant
du Telegraph à Bruxelles, le "blond ambitieux" a théorisé depuis longtemps sa méthode pour se faire remarquer
et avancer : affirmer sans vergogne des choses contradictoires en public et en
privé.
D'après elle, "Boris" n'était pas
favorable au "Brexit". Mais il a enfourché ce cheval pour se
démarquer de David Cameron, son copain et rival d'enfance. Voilà pourquoi le
Royaume-Uni et l'Europe en sont là aujourd'hui.
Philippe Bernard
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mercredi 29 juin 2016
« Brexit » : l’incroyable impréparation du vainqueur Boris Johnson
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Pourvu qu'il ne soit pas nommé 1er ministre!
RépondreSupprimerL'immigration rapporte plus qu'elle ne coûte et il n'y a aucun risque de "grand remplacement"... Les têtes "pensantes", les dirigeants des partis nationalistes réactionnaires d'extrême droite le savent pertinemment . Ils se servent de cela pour diviser, attiser les haines, réveiller les bas instincts, le cerveau reptilien et ensuite manipuler ...
RépondreSupprimerAu reptilien puissance mille de 11h46. L'immigration ne répond qu'à un seul besoin. Celui des partons à payer la main d’œuvre au plus bas. Pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour le voir.
Supprimer*patrons
SupprimerDécidément, Le Monde va avoir du mal à s'en remettre. Juste une précision, dans ce flot de manipulation médiatique. La £ est plus forte face à l'€ aujourd'hui qu'en 2014/2013.
RépondreSupprimerDans la campagne du remain, on a pu entendre Tusk dire : "En tant qu’historien, je crains qu’un Brexit puisse marquer non seulement le début de la destruction de l’UE mais aussi de la civilisation occidentale" n'est-ce pas du populisme? des mensonges? du surf sur la peur ?
RépondreSupprimerEn tout cas, en lisant Libération j'apprends que : La Commission européenne a annoncé prolonger, pour une période de 18 mois maximum, l'autorisation dans l'UE du glyphosate.
ça se passe chez nous.ça va vous rappeler quelqu'un.
RépondreSupprimerle retour de la royauté dans toute sa splendeur...
le personnel de la cahc est convié à la présentation du divin enfant le 1er juillet.
vous êtes invités à venir déposer vos offrandes, à vous prosterner, faire allégeance et vous pourrez profiter d'une jolie réception.
Et n'oubliez pas de cligner des neuls!
Supprimerc'est pas celui qui a dit un jour:"je ne mélange pas vie privée et vie professionnelle"?
SupprimerAh bon la tablette et son bribri not'bon maire qui fait tant pour son petit peup', la diva, prévoit d'autres teufs d'enf. Quand, où. Ils invitent des néonazis de l'étranger, quand, où , qu'on aille y zeter un petit noeil. C'est encore nous d'hénin qui allons payer leur fiesta?
SupprimerEul 21h51 qui fait encore des amalgames, à 2 doigts de la diffamation. C'est ça l'opposition au fn? Pitoyable!
Supprimercher personnel de la cahc, surtout surtout, prosternez-vous devant l'enfant royal, déposez vos offrandes et faites allégeance à leurs majestés sinon vous serez marqués au rouge et alors là...la vengeance sera terrible.
SupprimerKemmel 1er du nom,détenteur du malaise vagal avec "détournement" d'aéroplane!
SupprimerLe sacré con-descendant de la passerelle!!!
C'est vrai que Boris Johnson a un comportement spécial et critiquable mais il ne doit pas servir de bouc émissaire au Brexit.
RépondreSupprimerBeaucoup d'anglais ont voté non car ils se sentent abandonné par Cameron : dans certaines régions c'est le chômage depuis Margaret Tatcher.
Pour les européens critiquer Bojo c'est faire oublier leur part de responsabilité dans le rejet de l'EU.
Notre valeureux président si sévère avec le Brexit a autant menti que Boris Johnson pendant sa campagne de 2012.
Aujourd'hui il saute sur l'occasion de mettre l'europe au premier plan de la campagne 2017 pour faire oublier ses échecs en matiére de chômage et de gestion des dépenses publiques si on en croit aujourd'hui la cour des comptes.
Si Johnson se retrouve au pouvoir, il va avoir à gérer une sévère récession et qui sait un éclatement du RU à la façon de la yougoslavie : espérons que cela se passe bien.
On ne gagne rien quand un pays voisin est en crise : ce sont toujours les plus faibles qui trinquent et les crises ne restent jamais confinées dans un seul pays : nous sommes tous interdépendants.
Je pense que Hollande n'a pas intérêt à mettre l'Europe au premier plan de sa campagne...
SupprimerEn arrivant en 2012 il devait renégocier les traités. Il ne l'a pas fait.
L'assemblée nationale et le sénat vote en faveur de la fin des sanctions contre la Russie. La commission européenne dit non, Hollande s'écrase.
Merkel se lance dans les visas turques. Hollande n'est pas d'accord : il s'écrase.
Si il parle d'Europe, ça va vite se retourner contre lui, son bilan est une catastrophe sur ce point.
Accord de libre-échange UE-Canada : les 28 pays voulaient un vote dans les parlements nationaux. Juncker dit non. La commission décide, pas besoin de l'avis des parlements. Décidément, il suffit de s'intéresser un peu à l'actualité de l'UE pour voir que le déni de démocratie est quotidien.
RépondreSupprimerSi on ajoute à ça, que pour vivre ce déni il faut payer ( c'est le cas des pays contributeur net ) , alors on comprend vite la position des britanniques !
VDN:présentation officielle du divin enfant à la cahc.zut alors! y a pourtant rien dans les magazines people: vsd, gala, paris match...ch'uis déçu.
RépondreSupprimersarko lui, y avait réussi!!mais c'est pas non plus le même monde.
Pour une France tolérante et anti Extrêmes.
RépondreSupprimerPour une France tolérante et anti Extrêmes
Laisser la haine à ceux qui sont trop faibles pour aimer
Homophobes, racistes, antisémites, islamophobes, FN, Civitas, Daesh, LDJ, La Manif Pour Tous, extrémistes en tout genre... Tous dans le même panier !
Tu es dans ce panier. Ta haine t'y as conduit.
SupprimerVous mélangez tout 7h23
RépondreSupprimerOn comprend pourquoi 19:35 et 22:10 ne sont pas d'accord : ils sont dans l'une des catégories répertoriées...
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