Un commentaire de 15H13 hier, sous l'article du jour, faisait allusion à une étude intéressante publiée en 2011 et qui avait suscité beaucoup de commentaires. L' enquête portait sur les ressorts du vote FN en milieux populaires (Jérôme Fourquet Alain Mergier). On peut la télécharger sur le lien suivant : http://www.jean-jaures.org/Publications/Essais/Le-point-de-rupture. Le constat est sans appel : les milieux populaires ne croient plus en la capacité d’action des politiques. Ils attendent des réponses pertinentes et volontaristes mais n’entendent aujourd’hui que le discours de Marine Le Pen. Pour que le FN ne conserve pas ce monopole, il est urgent de répondre à la demande de protection qu’ils expriment.
En conclusion de la courte synthèse sur le site, on peut lire ceci : "Mais la réponse à la demande populaire – demande légitime de sécurisation et de protection, qui ne cesse de prendre de l’ampleur au sein de la classe moyenne – n’est pas condamnée à être une réponse populiste. Croire cela, c’est signer la démission de la démocratie. La protection est une notion qui renvoie à un état social que la démocratie doit garantir. Il y a urgence à ce que les partis qui refusent de formuler des réponses populistes à des problèmes populaires formulent des réponses positives et pertinentes à la demande de sécurisation".
La lecture des observations fort intéressantes m'ont conduit à me poser des questions sur la façon dont la politique évolue de nos jours. A vrai dire, je suis stupéfait des réactions des politiques (hommes, partis) quand un problème ou une question est soulevée. Quelques exemples à travers l'actualité récente :
- la loi sur le mariage pour tous. Problème de société évident que la France a mal abordé et, d'ailleurs, on remarque que ce nouveau droit ouvert aux couples homosexuels est plus facilement passé dans de nombreux autres pays démocratiques. Pourquoi cela a-t-il coincé en France avant que la loi ne soit adoptée, mais avec des séquelles qui seront longues à évacuer ? Je pense que ces problèmes de société ne font pas suffisamment l'objet de débats préalables, afin que nos concitoyens s'emparent de la question. Il existe des modalités bien connues pour permettre à chacun de se faire une idée sur le sujet : il y a les conférences de consensus organisées par l'état, mais on devrait également pouvoir dépassionner des débats sur Internet et dans les médias. Il faut de la méthode. J'avais tenté, sur ce sujet, d'organiser un débat à Hénin-Beaumont, mais des associations et des autorités religieuses s'étaient récusées, souvent pour des raisons futiles. Une association féministe connue (dont j'étais adhérent : j'en ai démissionné à cette occasion) a eu peur d'être trop seule face aux représentants religieux alors que je garantissais l'égalité entre le nombre de pour et de contre ! Bref, une frilosité étonnante... Le débat a eu lieu sur mon blog, certes, mais que cela fut difficile à organiser... Donc, manque de "culture du débat" qui conduit à faire des problèmes complexes de ce genre, de véritables combats de boxe, propres à révulser le moindre citoyen.
- les "bonnets rouges" s'étaient rebellés contre l'éco-taxe prévue par le Grenelle de l'environnement, à l'unanimité des participants (hommage à JL Borloo) : associations, partis politiques, syndicats... Principe très simple : les poids lourds qui empruntent les routes nationales françaises polluent et défoncent les voies qu'elles empruntent. Le produit de la taxe devait servir, non seulement à remettre les voies en état, mais aussi à construire des alternatives au transport routier (canaux, tramways, voies ferroviaires). Mais voilà, des industriels bretons ont fait oeuvre de violences et ont entraîné avec eux différents autres mouvements qui ont profité des circonstances pour revendiquer leurs préoccupations particulières : panique au gouvernement qui a fini par abandonner la taxe, alors que la destruction des fameux portiques de perception de cette taxe oblige l'Etat à devoir payer des centaines de millions d'euros de dédommagements. Cette révolte des "Bonnets rouges" pour des intérêts particuliers contraires à l'intérêt général a pourtant entraîné le recul de l'Etat et la remise en cause de son autorité. Que pense le citoyen lambda de ce non-respect de la parole de l'Etat ?
- le manque de clarté du gouvernement sur ses options politiques. Alors que personne, parmi les économistes et ceux qui nous gouvernent, en France ou ailleurs, n'est capable de dire s'il faut adopter une politique de l'offre ou une politique de la demande, en matière économique, les gouvernants ne font pas oeuvre de transparence en la matière et la moindre décision est immédiatement contredite pour incohérence. Ainsi le fameux credo qui dit qu'il "faut faire payer les riches" est combattu par ceux, même s'ils sont de gauche, qui décrètent qu'il faut baisser l'impôt sur le revenu. Ces jours-ci, l'augmentation de la taxe de séjour dans les hôtels de luxe fait monter au créneau ceux qui pensent que le prix de leurs vacances va augmenter. Ceux qui estiment qu'il y a trop de fonctionnaires en France se retrouvent vent debout quand on annonce une diminution de postes dans leur secteur (exemple du secteur médical et hospitalier). Les syndicats qui se disent, à juste titre, peu écoutés, se dressent contre des décisions prises, pourtant paritairement (voir les grèves des intermittents et des cheminots)...
- enfin, on n'assume pas ses contradictions. A chaque catastrophe nucléaire (Three Mille Island, Tchernobyl, Fukushima), on se dit qu'il faut en finir avec le nucléaire. Et pourtant... De même que la vente d'armements, l'exportation de centrales nucléaires rapportent beaucoup d'argent à la France... On sait que les ressources naturelles non renouvelables diminuent sévèrement et que beaucoup sont polluantes, et que les économies d'énergie, l'efficacité énergétique et le secteur des énergies propres et renouvelables sont créateurs d'emplois, de plus non délocalisables... En France, on tergiverse sur les décisions à prendre...
On pourrait continuer longtemps sur le sujet... Mais c'est pourtant là que réside le secret de la politique : démontrer qu'une société ne peut survivre si elle n'est pas dirigée fermement, dans l'intérêt général, tout en respectant le débat démocratique. Athènes et Rome nous avaient pourtant montré la voie, sans posséder les formidables moyens d'information dont nous disposons aujourd'hui...