Depuis 3 mois le FN est installé à Hénin-Beaumont : pour longtemps ?

Une municipalité transparente

Voilà presque 3 mois que la majorité frontiste est en place et son bilan provisoire est assez réduit :

- manifestement, le FN, malgré toutes ses rodomontades, n'était pas prêt à exercer le pouvoir. Ainsi, le budget 2014 ne porte pas son sceau et "on" a fait avec les éléments que possédaient les services. D'où un budget, à l'image de la majorité précédente : terne et sans choix politiques. L'effet d'annonce de la diminution de 10% des taux de la part communale de la taxe d'habitation (qui aboutira, au mieux, à une baisse de 5% sur la feuille d'impôts des Héninois) a eu un certain effet, car mal relayé par les médias peu critiques et l'opposition politique atone, voire inexistante (voir ci-dessous). Preuve de l'impréparation du FN : il n'y a toujours pas de Directeur général des services (DGS), bien qu'un nouveau soit annoncé pour le 1er juillet, en provenance de Boulogne-Billancourt. Pas de Directeur financier non plus...

- décidée à appliquer à la lettre la volonté de dédiabolisation voulue par M. Le Pen, la majorité municipale la joue "soft". Elle tente le dialogue avec les syndicats (ce que n'avait pas fait le maire précédent, sauf avec le syndicat "maison") et pourtant on commence à ruer dans les brancards du côté de la CGT, parce que l'ambiance dans le personnel n'a pas changé (un cadre syndical vient d'ailleurs de faire une tentative de suicide). La volonté d'éviter que des cadres, harcelés par l'équipe précédente, portent plainte, ne semblent pas avoir de succès... Le FN est fortement présent sur le terrain et ménage les associations. Bien sûr, elle a "viré" la LDH de son local, mais la grande majorité de la population s'en moque, et elle a pris un arrêté anti-mendicité, visant essentiellement les Roms, et, là, personne ne s'en soucie... Il y aura probablement d'autres mesures symboliques sur la sécurité et là, encore, seuls quelques "puristes" , totalement inaudibles, s'en indigneront...

Une opposition inexistante

- depuis 2009, date à laquelle Dalongeville, l'ancien maire, fut, après des années de gabegie (36 millions de déficit en 8 ans, pour un budget annuel à peine supérieur !) et de gestion douteuse, dégagé de son mandat renouvelé en 2008, fut élue une équipe composée de novices de la politique. Rapidement, il apparut que le maire, Eugène Binaisse (qui avait remplacé Daniel Duquenne, élu maire, mais rapidement démissionnaire) ne pourrait faire face à ses responsabilités, débutant la politique à 69 ans, entouré qu'il était d'autres élus tout aussi amateurs, et, surtout, nanti d'un DGS incompétent qu'il écoutait aveuglement et à qui il avait donné les clefs de la mairie, ne jouant plus, lui-même qu'un rôle de représentation. Son incapacité (sa peur ?) à aller vers les gens le coupa rapidement de la population et du personnel communal. Ces constatations, dans une ville, rappelons-le, où la menace du FN était préoccupante depuis plusieurs années, aboutirent rapidement, notamment au travers des différentes élections, à la certitude que le FN était majoritaire à Hénin-Beaumont. On pourra lire, sur le présent blog, dès fin 2009, les différentes alertes que j'ai lancées. Dès lors, les partis politiques de gauche, PS en tête, PC et Verts à la remorque, considérèrent que la conclusion était inéluctable. Et plutôt que de prendre les dispositions nécessaires, soutinrent le maire, jusqu'à l’écœurement des sympathisants de gauche. J'en avais, d'ailleurs, tiré la conclusion, maintes fois évoquées ici, qu'il y avait un "deal" tacite entre le PS et le FN : laisser la ville au FN contre le silence sur des dossiers compromettants pour le PS. D'où l'opposition tiède du groupe frontiste (emmené par M. Le Pen) au Conseil régional, et la relative mollesse sur les dossiers concernant le PS 62 et les dérives de Kucheida (repris bien après que je les ai mis en lumière). De ce "deal", j'en suis encore plus que persuadé... Nous pourrions en savoir un peu plus, en fin d'année, quand aura été publié un livre sur le financement du PS de 1980 à nos jours, écrit par un élu socialiste.

- après la victoire annoncée le 23 mars dernier, dès le premier tour, du FN, il n'y a plus d'opposition politique présente à Hénin, ce qui laisse la voie libre au FN pour ces prochaines années. Faisons le tour des "fantômes" de l'opposition politique sinistrée héninoise :

* l'ex-maire ne représente rien. Décrédibilisé par la victoire qu'il a offerte au FN, on se demande pourquoi il se maintient dans l'opposition municipale, alors qu'à 73 ans, la retraite devrait sonner pour lui comme une évidence, après ce passage, court mais désastreux, dans la vie politique. Ce ne sont pas ses colistiers, qui l'accompagnent dans la figuration politique, qui conduiront à l'émergence d'une opposition crédible.

* le PC, par l'intermédiaire de David Noël, a perdu toute chance de survivre à HB. Mal en point, depuis longtemps, le parti ne pourra pas se remettre des retournements de veste et du comportement de son représentant local. Après avoir rallié, en 2008, Dalongeville, qu'il avait tant critiqué, il fit de même ces derniers mois, en rejoignant Binaisse qu'il avait également éreinté dès 2010... Pire même, quelques jours avant le dépôt des listes, il lâcha ses partenaires du Parti de Gauche, sans les prévenir, décidant du jour au lendemain de passer d'une opposition réaliste à une collaboration active avec ceux qu'il dénigrait peu de temps auparavant. Cet opportunisme politique a précipité la victoire du FN, dès le premier tour (qui, de toutes les façons, aurait été acquise au second tour) détruisant toute possibilité de "reconstruction" pour les années futures. Dans de récentes interventions sur ce blog, David Noël a démontré que son aveuglement sur ses erreurs persistait (voir les échanges inouïs sous l'article de lundi : "De la gauche dans le Pas-de-Calais").

* Pierre Ferrari avait semblé incarner un changement dans l'expression d'une gauche nouvelle. Mais son attitude dans le cadre de son association "Le Nouvel Elan" lui a valu la fuite de tous ceux qui l'entouraient depuis son bon score de 2009. Fort présent sur le terrain et un look attachant avaient fait penser qu'il pouvait incarner le renouveau, malgré son opportunisme affiché lui ayant fait rallier, comme David Noël, la liste de G. Dalongeville, en 2008. Ayant décidé, à quelques semaines des élections de mars dernier, de se retirer pour ne pas favoriser la victoire du FN (qu'il savait, pourtant, certaine), il n'a emporté la conviction de personne sur sa sincérité : lâché par les siens, il avait, notoirement, du mal à constituer une liste et la mise en scène de son retrait n'a trompé personne : il a annoncé sa décision de ne pas candidater, en présence de 2 caciques du PS (PS avec qui il avait rompu avec fracas !) : Guy Delcourt, ex-maire de Lens, et Dominique Dupilet, futur ex-président du Conseil général. Pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que tout cela signifiait qu'il avait négocié avec le PS son retour au bercail moyennant quelques assurances pour les prochaines élections régionales...

* Comme on vient de le voir, les 2 "jeunes", David Noël et Pierre Ferrari, ont plus que compromis leur avenir politique sur HB. Mais un troisième "jeune" a également annihilé toutes ses chances de jouer un rôle politique dans la rénovation républicaine à HB. Il s'agit de Marine Tondelier. Absente, sauf au moment des élections, du terrain héninois, elle n'a même pas été capable de mettre en place une équipe de militants qui auraient pu pallier à ses absences. Assistante parlementaire d'une sénatrice, membre de la direction de son parti, elle ne pouvait être présente à la fois "ici et là-bas". De ce fait, elle s'est ralliée, elle aussi, à l'équipe Binaisse, en connaissance de cause pourtant ! Conseillère d'opposition, comme D. Noël, elle ne sera que peu d'utilité tant qu'elle privilégiera d'autres objectifs. 

L'espoir d'une opposition pouvant damner le pion au FN en 2020 est donc très réduit. Les anciens ont démontré leur incompétence, les jeunes ont failli par leur opportunisme politique...

N'y aurait-il pas quelques jeunes Héninois prêts à défendre des valeurs républicaines et à relever le défi d'une "reconstruction à partir de zéro" d'une vie politique démocratique ?