Qu'allons-nous devenir ?

Le développement durable est-il déjà dépassé ?

A la mort du soleil, dans 4 milliards d'années, il y a longtemps que nous ne serons plus là puisque nous aurons détruit toute vie bien avant...

Même si les recherches sur les cellules-souches aboutissent, que ferons-nous, même immortels, sur la terre ? Il faut donc anticiper la fin de la terre et de l'univers et se mettre à la recherche d'autres univers où l'homme immortel pourra continuer à vivre...

Cela paraît, bien sûr, lointain, mais cela le texte ci-dessous, paru dans le Monde du 18/6, nous rappelle que nous n'avons plus beaucoup de temps pour sauver la vie sur cette terre ainsi que celle de nos descendants. Et cette fin annoncée, ce n'est pas pour dans 4 milliards d'années, mais dans quelques milliers d'années, à moins que...

Nous, dans 100 milliards d'années

Les philosophes se sont toujours passionnés pour l'origine de l'univers  : le questionnement de Leibniz "  Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien  ? " date, par exemple, de 1740. En revanche, bien peu de penseurs jusqu'à présent se sont intéressés au futur de notre Univers. Et, pourtant, le destin de ce dernier est apocalyptique  ! Les six scénarios modélisés par les astrophysiciens, du "  big crunch  "  (le Big Bang inversé) au "  big chill  "  (la dissipation de toute l'énergie), conduisent tous à la mort de l'Univers et donc à la disparition de tout témoignage de notre existence. Conscients depuis peu de la nécessité d'un développement durable de notre Terre, nous découvrons que l'Univers lui-même est en danger de mort.

Un jeune philosophe français, Clément Vidal, réussit la synthèse des enjeux de cette disparition programmée dans un très beau livre, The Beginning   and the End, aux éditions Springer. La réflexion sur le grand futur peut sembler vaine, tant l'incertitude est grande et les problèmes actuels prégnants. Est-il raisonnable de spéculer sur des échéances aussi lointaines alors que 2 milliards de Terriens n'ont pas accès à l'eau courante  ? Ne vaudrait-il pas mieux résoudre les problèmes ici et maintenant  ?

Pourtant, cette plongée dans le futur est utile parce qu'elle nous interroge sur nos valeurs. Le bien et le mal sont-ils des notions pertinentes à l'échelle du cosmos  ? Quel est le sens de nos vies, si toute trace de notre civilisation disparaît avec la mort de l'Univers  ? Quel est le but ultime de l'humanité, de la science  ? Pour Clément Vidal, la réponse à cette dernière question est claire  : le but ultime de la science est de combattre la mort de l'Univers, par la création artificielle de nouveaux univers. Après la mort de la mort, la science se consacrerait à combattre la mort de l'Univers. La cosmogenèse artificielle mobiliserait toute l'énergie de l'humanité dans les prochains milliards d'années. Après la régénération de nos organismes vieillissants par les cellules souches, la régénération cosmologique viserait à rendre l'Univers immortel ou substituable.

L'urgence cosmologique est toute relative. S'il est nécessaire de changer de système solaire dans quatre milliards d'années en raison de la transformation du Soleil en géante rouge, il reste googol années (10 puissance 100) avant la mort de notre Univers tout entier. Cette réflexion sur notre lointain futur et le sens de l'aventure humaine rejoint la vision transhumaniste  : vouloir changer le destin de l'Univers exige, en effet, de pouvoir traverser de grandes distances et donc d'être quasi-immortel et de disposer de capacités intellectuelles extraordinaires. Cela impose de développer une intelligence collective dématérialisée -  détachée de nos corps biologiques  -  qui ressemble à la Noosphère de Teilhard de Chardin.

Modifier le destin de l'Univers supposerait un consensus futur de l'humanité sur l'absence de Dieu. Il est, en effet, peu probable que des croyants adhèrent à un tel projet démiurgique. L'humanité échappera-t-elle à la vanité ultime qui consiste à rendre immortel l'Univers pour assurer sa propre immortalité  ? Cette interrogation ouvre la voie à un questionnement vertigineux  : si nous pouvons fabriquer après-demain des univers, le nôtre pourrait aussi être la création d'une civilisation démiurge.

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  Laurent Alexandre (Chirurgien urologue,président de DNAVision l.alexandre@dnavision.be)