Côté pile, elles se disent écolos et engagées en faveur du développement durable. Côté face, elles mènent des activités aussi lucratives que leurs conséquences environnementales et sociales sont néfastes. Elles, ce sont Vinci, la Société générale et Tereos. Elles ne sont pas les seules — loin s'en faut — mais les pires, aux yeux des internautes. Jeudi 17 novembre, elles se sont vu décerner, par les Amis de la Terre, les prix Pinocchio du développement durable, qui récompensent chaque année les plus gros mensonges et les plus graves omissions des entreprises en la matière.
Dans la catégorie "Plus vert que vert", qui concerne ce que l'on appelle le greenwashing, soit l'écoblanchiment lié à l'usage abusif d'arguments environnementaux dans la publicité et le marketing, c'est Vinci qui remporte la mise. Le géant français du BTP est pointé du doigt en raison du projet d'aéroport Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), dont il est le concessionnaire. La construction de l’aéroport et de ses infrastructures entraînerait le bétonnage de près de 2 000 hectares de terres agricoles fertiles et une perte de biodiversité avec la destruction d’un bocage. "Ce projet suscite une opposition locale depuis près de quarante ans, livre Romain Porcheron, chargé de la campagne sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises aux Amis de la Terre. Or, pour tenter de minimiser ces impacts écologiques négatifs, Vinci a proposé la création d'une Association pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP) dans l'aéroport et une ferme de démonstration en face des parkings. C'est typiquement une démarche de greenwashing."
La catégorie "Une pour tous, tous pour moi !", elle, dénonce l'entreprise sucrière française Tereos, pour son programme d'agrocarburants au Mozambique. Dans un pays qui fait face à de graves problèmes de sécurité alimentaire, avec 70 % de la population en-dessous du seuil de pauvreté et des émeutes de la faim qui ont causé 13 morts et plus de 300 blessés, la culture d'agrocarburants aggrave encore la situation, les terres arables étant utilisées pour nourrir les voitures d'Européens et non les populations locales. "Un contrat de 100 000 hectares de terres fertiles a été attribué à Tereos pour une durée de 25 ans, avec une possibilité d’extension de 15 000 hectares, et dans des conditions fiscales très avantageuses. L'entreprise dégage ainsi des profits mirobolants alors que la population meurt de faim", déplore Romain Porcheron.
Enfin, la Société Générale remporte le prix "Mains sales, poches pleines", pour son rôle dans le financement de l'énergie nucléaire. La banque française coordonne ainsi un consortium de banques privées qui finance, à hauteur de 1,1 milliard d’euros, la construction du réacteur Angra 3 au Brésil. Un projet de centrale décrié pour ses conditions de sécurité défaillantes et sa localisation — à 130 km à l’ouest de Rio de Janeiro et à 220 km à l’est de Sao Paulo. La Société générale est également pressentie pour participer au financement de la centrale de Jaitapur en Inde, sur un site à la jonction entre trois plaques tectoniques.
Un prix Pinocchio d'honneur a en outre été remis à Total "pour l'ensemble de son action", qu'il s'agisse de l'extraction de sables bitumineux au Canada, de pétrole au Nigeria ou le permis d'exploitation de gaz de schiste que l'entreprise vient de décrocher aux Etats-Unis. "Malgré les nombreux avertissements de la société civile, Total poursuit dans la voie des énergies fossiles néfastes pour l'environnement et la santé", remarque Romain Porcheron.
"Une fois de plus, les prix Pinocchio mettent l'accent sur les décalages entre les discours et la réalité, explique le chargé de mission. Grâce à des budgets en communication colossaux, ces entreprises bénéficient de retombées positives en termes d'image auprès de leurs actionnaires, de leurs clients et des citoyens, alors qu'elles ne s'engagent que sur des grands principes généraux peu opérationnels, et ne sont pas redevables de leurs actes en cas de non-respect de ces approches volontaires. Par ailleurs, elles font payer leurs dégâts aux populations les plus démunies, notamment celles du Sud."
"Les pouvoirs publics français et européens doivent donc encadrer de façon contraignante les activités de ces entreprises", conclut-il.
Tiré du blog d'Audrey Garric, journaliste au Monde.fr
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