Lettre à mes enfants, à l'étranger

Mes chers enfants,

La France se délite... Je ne sais si vous la voyez comme cela d'où vous êtes, mais force est de constater que cela craque de partout et tous les jours. 

La crise économique a conduit les bailleurs de fonds (FMI, Union européenne, en particulier) à exiger des États en difficulté des politiques d'austérité inédites, en particulier dans les pays latins : Grèce, Italie, Espagne, Portugal et France. Les pouvoirs publics sont détestés et les mouvements d'indignation sont quotidiens. Mais la France a pris une option différente des consoeurs latines : plutôt que de sabrer dans les dépenses sociales, elle a préféré augmenter les impôts et taxes. Et chez nous la révolte gronde... Le président Hollande bat tous les records d'impopularité. 

Non seulement l'alourdissement de la fiscalité a contribué au mécontentement, mais diverses autres mesures ou attitudes ont accentué le ras-le-bol des Français. Cela a commencé par un accord sur les retraites avec la majorité des syndicats, débouchant sur une loi qui a beaucoup de mal à être finalisée. Cela fut suivi par une autre loi, sur le mariage pour tous, qui a divisé les Français, entre, grosso-modo, la droite et la gauche. Affrontements verbaux et physiques violents. La cacophonie gouvernementale sur la fiscalité, entre ceux qui parlaient de pause fiscale et les annonces de nouvelles taxes, a confirmé le doute des Français sur l'incohérence et l'absence de ligne directrice de la politique du président Hollande. Jusqu'à présent, celui-ci disait aux Français : "attendez fin 2013, vous verrez le chômage va se stabiliser et la croissance sera de retour". Mais la fin de l'année approchant, on ne voit pas les prémisses de ces bonnes nouvelles. Ajoutez à cela des décisions prises un jour, défaites le lendemain : ainsi en alla-t-il de la fiscalité des sociétés, du flou de l'ouverture des magasins le dimanche jusqu'à la suspension de l'éco-taxe dont je vais vous parler plus loin. Si vous additionnez cela avec les reproches de ceux qui se sentent floués d'avoir voté Hollande parce que des promesses ont été "oubliées" (réformes de la fiscalité, du vote des étrangers non communautaires aux élections locales, d'une dose de proportionnelle dans le scrutin législatif, de la décentralisation, du report de la loi sur le non-cumul des mandats...), vous comprendrez que la popularité de F. Hollande soit si faible et que l'on entend les premiers cris de démission... Bien sûr, ce climat est alourdi par une opposition UMP qui tire sur tout ce qui bouge afin d'effacer ses divisions internes tant sur les personnes (Fillon/Copé) que sur les idées (lepénisation du parti) : la mauvaise foi est souvent mauvaise conseillère. Comment s'étonner que le FN fasse son miel de cette déliquescence...

Et justement cette déliquescence atteint son point de non-retour, ces derniers jours, avec la contestation de l'éco-taxe. Que le ras-le-bol fiscal s'exprime sur ce sujet ne manque pas d'étonner. Cette taxe, votée à l'unanimité, doit servir à investir dans le ferroviaire et le fluvial pour éviter les émissions importantes de gaz à effet de serre des poids lourds, favorisant le réchauffement climatique. Que les transporteurs soient mécontents, on peut le comprendre, mais qu'ils aient entraîné avec eux les agriculteurs pollueurs de la Bretagne, les industriels de la malbouffe et les partis de droite à manifester (10 à 30 000 personnes au maximum) et à justifier la destruction de biens publics payés par l'ensemble des contribuables français est insupportable... Que le gouvernement ait cédé en 2 temps (taxe réduite de 50 % pour la Bretagne, puis suspension) est tout aussi incroyable! Derrière les Bonnets rouges, il y a "ceux qui ont apporté à la Bretagne la pollution de l’eau, les troubles musculo-squelettiques et maintenant la fermeture d’usines agroalimentaires, malgré des aides publiques massives." http://www.reporterre.net/spip.php?article4958

Le gouvernement doit réagir fermement devant ces révoltes, ces jacqueries, qui mettent encore plus en cause sa légitimité, laissant des groupuscules d'extrême droite profiter de la situation, particulièrement le mouvement Le Printemps français prétendant radicaliser, et les débordants d'ailleurs, les mouvements "anti-mariage pour tous" ("ex-para, ultracathos et fachos" dixit http://www.rue89.com/2013/04/10/ex-para-ultracathos-fachos-les-visages-printemps-francais-241299 ).

Autre bombe incendiaire, les attaques contre Laurent Fabius accusé par les Iraniens et repris par certains sites web, avec des connotations antisémites, d'être pro-israélien, parce qu'il aurait mis son veto sur un accord, concernant le nucléaire, avec l'Iran. Accusations graves car proférées à un moment où personne ne connaissait le contenu de l'accord non conclu et qu'à l'heure où je vous écris (ce mardi 10H heure française, soit respectivement 4 heure du matin pour toi, Julie, et 16H pour toi, Stéphane), il semblerait que la position de la France se justifie par une fermeté légitime. Le gouvernement français doit soutenir son ministre des affaires étrangères pour mettre fin aux aux allégations insidieuses venant d'où l'on sait... 
Si on ajoute à cela la contestation sur les rythmes scolaires (on veut étaler le nombre hebdomadaire d'heures de classe sur 4,5 jours au lieu de 4, ce qui n'arrange pas ceux qui souhaitent bénéficier de leur week-end !) et celle des artisans sur le relèvement de la TVA, la situation ne va pas s'améliorer de sitôt...

Voilà où en est la France, mes chers enfants. Un président, dont on ne voit pas très bien comment il va s'en sortir, et une opinion française partagée entre déception et manque de confiance, aggravés par une lepénisation des esprits grandissante, favorisée par le discours d'une droite irresponsable...

Je vous embrasse.

Votre père