Trois réflexions sur le changement de gouvernement.

1- Sur la nomination de Valls

F. Hollande s'est, bien entendu, rendu compte de l'échec de son parti, et de la gauche, en général. Il fallait faire quelque chose, cela n'avait échappé à personne. Changer de politique ? Pas question : non seulement à cause des engagements pris auprès de Bruxelles, mais aussi par souci de crédibilité auprès de ceux qui croient encore en lui. Et puis, FH espère encore que sa politique portera ses fruits et que la réduction du chômage n'est différée que de quelques mois.

Il fallait donc un choc psychologique. JM Ayrault n'était pas l'homme qui faisait rêver les Français. Placide, imperturbable, il incarnait bien l'austérité... il fait penser à un ancien ministre des affaires étrangères de de Gaulle : Couve de Murville, aussi placide, froid et inexpressif que l'ex-maire de Nantes.

Ce choc, le Président a pensé qu'il s'incarnait en Manuel Valls. Celui-ci n'est pas très apprécié par une partie des  militants socialistes, mais ses idées qui le situent à droite du parti le feraient, parait-il, estimer des gens de droite.  Pourquoi, me direz-vous,  FH veut-il séduire les Français de droite, alors que ce sont ses propres troupes qu'il devrait faire adhérer à son projet politique ? Mystère... Doit-on penser qu'il veuille "tuer" un concurrent à l'intérieur de son parti pour les présidentielles, comme le suggèrent certains ? Je ne le pense pas, car il se tuerait également. FH a choisi Valls parce que que c'est celui qui incarne le mieux les projets qu'il a pour la France. Point. Évidemment si Valls remplit bien son rôle, il sera un dangereux candidat contre F. Hollande pour 2017. Mais gageons que le père François a des arguments pour convaincre Valls de passer son tour. Rappelons quand même que le nouveau premier Ministre a dû engranger pas mal d'informations dérangeantes au ministère de l'Intérieur...

2- Sur le refus des Verts d'entrer dans le gouvernement Valls.

Rappelons que ce sont les 2 ministres Verts du gouvernement Ayrault, P. Canfin et C. Duflot, qui ont donné le tempo à la position de leur parti. Je pense qu'il y a 2 raisons à la décision des ex-ministres :

- celle, avouée, de ne pas travailler avec M. Valls, dont certaines prises de position sont en complet décalage avec EELV et notamment sur la gestion du dossier "Roms", mais aussi sur les réformes pénales initiées par C. Taubira et appréciées par les écologistes.

- l'autre raison est stratégique : les militants du parti étaient exaspérés, ces derniers mois, de voir le peu de cas que l'on faisait de leurs idées : lente avancée de la transition énergétique, part faite au nucléaire, notamment. A quelques semaines d'une élection importante pour les Verts, à savoir les Européennes, il convenait de redonner du moral aux troupes pour conserver un nombre de députés européens au moins équivalent à celui de 2008. De plus, la fermeté vis-à-vis du PS laisse espérer à EELV qu'ils ne seront pas entraînés dans la cuisante défaite promise aux socialistes lors de ces prochaines élections.

Il n'y a pas eu de psychodrame au sein des écologistes comme a essayé de nous le faire croire une certaine presse. Seuls quelques députés et un sénateur ambitieux ont vu leurs espoirs de devenir ministres balayés par la décision des instances du parti. A voir la danse médiatique exécutée par ces parlementaires pour se voir proposer un portefeuille (n'est-ce pas François de Rugy et Jean-Vincent Placé, plus ambitieux tu meurs) on aurait pu croire que les Verts se divisaient. Que nenni, la base est contente et la décision de l'exécutif du parti a été prise à une large majorité.

Le parti socialiste devrait prendre exemple sur EELV pour prendre des décisions qui s'imposent à ses élus. Mais les "cultures" sont tellement différentes...

3- Sur la composition du gouvernement

A l'évidence, peu de grands changements... Beaucoup de ministres restent, certains changeant d'attributions (Cazeneuve, Montebourg, Valhaud-Belkacem), d'autres quittent le gouvernement (Peillon, Cuvillier, Moscovici...) et de nouveaux entrants apparaissent : S. Royal, Rebsamen.

J'aimerais m'attarder sur certains noms :

- C. Taubira : seule non-membre socialiste du gouvernement monocolore (par nécessité...). F. Hollande a pu imposer qu'elle reste Ministre de la Justice alors que les oppositions Valls/Taubira étaient très médiatisées. Icône controversée, F. Hollande a dû apprécier qu'elle soit un des rares "hommes" politiques à être en accord avec ses propres valeurs. On attend avec impatience que sa loi passe devant le parlement (1ère étape : mi-avril)

- V. Peillon : homme compétent, il n'a pas su faire passer les réformes, pourtant nécessaires, sur l'enseignement. B. Hamon, peu connu pour s'être intéressé à ce domaine, saura-t-il s'imposer ? En tous les cas, ce serait une surprise s'il réussissait, ce que, pourtant, on lui souhaite...

- L Fabius : on aurait bien vu l'"ancien" reprendre du service comme Premier Ministre, mais il aurait refusé, se plaisant au ministère des Affaires Étrangères, où il jouit, à l'étranger, d'une excellente réputation. Je pense surtout qu'il jugeait le pari trop risqué et attend son heure, se positionnant en tant que recours (un peu à la façon de Juppé se concentrant sur Bordeaux).

- Montebourg : l'avocat qui parle et bouge beaucoup n'a pas convaincu dans son redressement productif. Sa nomination assez curieuse à l'économie est assez surprenante. Faut-il  croire en son action ?

- Cuvillier : le Boulonnais n'avait pas démérité aux Transports (et à la Mer). Pourquoi son éviction et l'absence de ministre de la Région NPDC ? Bon, la Fédération 62 est peut-être punie, mais les socialistes du Nord ont de nombreux "ministrables" (Baert, Roman, Vandierendonk par exemple)...