L'article, ci-dessous, est d'une clarté étonnante: toutes les dérives actuelles sont l'expression d'un Etat qui a fait du néolibéralisme (libre concurrence et jeu du marché) sa grille de lecture.
L'auteur, Dominique Plihon, est professeur d'économie financière à l'Université Paris XIII . Altermondialiste, il est par ailleurs président du conseil scientifique de l'association ATTAC. Dans cette dernière, il se caractérise par des positions réformistes, même s'il critique férocement le capitalisme "financiarisé" . Il prend en compte l'existence des diverses instances capitalistes et veut orienter leur régulation pour diminuer les conséquences négatives qu'elles engendrent.
Politis
jeudi 22 juillet 2010, par
Les scandales qui ont secoué le sommet de l’État français peuvent donner lieu à deux lectures. La première, proposée par la plupart des médias et des acteurs politiques, fait de la corruption et du conflit d’intérêts la cause des affaires Bettencourt-Woerth, Blanc, Joyandet, Boutin et autres. Sans être fausse, cette vision est partielle car elle ne dit rien sur les racines véritables de ces affaires, et donne à penser qu’il suffira de moraliser le personnel politique pour que de telles affaires ne se reproduisent plus. Il faut aller plus loin dans l'analyse: les scandales récents sont la conséquence directe du fonctionnement de l'État néolibéral, que le sarkozisme a porté à son paraxysme en France. Trois dimensions de l'État néolibéral apparaissent clairement aujourd'hui.
Tout d'abord, l'État néolibéral est "prédateur", selon l'expression de James Galbraith (1). Des relations étroites de collusion ont été tissées entre les gouvernants et les élites économiques et financières, comme l'illustrent les liens privilégiés de Sarkozy avec les sociétés du CAC 40. Les administrations et les régulateurs publics ont été capturés par les milieux économiques. Les décisions de l'État, notamment dans les domaines de la fiscalité et de la réglementation, sont influencées par l'action souterraine du lobbying très puissant à Washington, à Londres ou à Bruxelles. Cette logique a été poussée le plus loin dans le secteur financier, responsable du naufrage de la crise puis renfloué sans contrepartie, et qui continue de capter une part considérable de la richesse. L'absence de réformes financières significatives en Europe et par le G20 illustre la volonté politique de ne pas remettre en cause le pouvoir de la finance mondialisée.
En second lieu, l'État néolibéral est un État fort, autoritaire et interventionniste, et non un un "État minimal" selon l'idée souvent véhiculée par les libéraux et par certains milieux progressistes et altermondialistes. Les promoteurs du néolibéralisme - Thatcher, Bush, Berlusconi et Sarkozy - ont tout mis en œuvre pour renforcer le pouvoir de l'État en cherchant à affaiblir et à asservir tous les contre-pouvoirs: les syndicats, les médias, la justice, l'université (où les sciences sociales sont une source de l'analyse critique du système) sont asphyxiés par les réformes. De même, l'indépendance des banques centrales a été instituée pour asseoir le pouvoir des marchés et de la finance en éliminant tout contrôle démocratique sur la politique monétaire.
Mais l'emprise de l'Etat néolibéral ne s'arrête pas à l'économie; elle va bien au-delà et agit également sur les personnes et la société. Il s'agit là d'un interventionnisme d'État beaucoup plus insidieux, nommé "gouvernementalité" par Michel Foucault (2). Toutes les formes de pression sont mises en œuvre pour amener les individus à se comporter comme s'ils étaient engagés dans des relations de transactions et de concurrence sur un marché (3). Les institutions (hôpitaux, universités, etc.) sont contraintes d'agir comme des entreprises et d'être rentables. Les salariés du secteur public (infirmières, postiers, enseignants, policiers, etc...) sont sommés d'épouser cette rationalité néolibérale, ce qui vide de sens leurs métiers, et contribue à un nombre croissant de suicides et de maladies professionnelles. Là réside l'un des plus grands scandales de l'Etat néolibéral!
Une grande partie de la gauche est tombée dans le piège de l'État néolibéral puisque son programme ne cherche pas à remettre en cause, bien au contraire, la logique de la concurrence et du marché appliquée non seulement à l'État mais à toutes les composantes de la société.
Mettre à bas cet État néolibéral, au service d'une minorité, doit être un des objectifs prioritaires des combats pour l'émancipation et la construction d'une société fondée sur l'égalité, la solidarité, le respect de l'homme et de la nature.
(1) L'Etat prédateur, James Galbraith, Seuil 2009
(2) Naissance de la biopolitique, Michel Foucault, Seuil-Gallimard, 2004
(3) La Nouvelle Raison du Monde: essai sur la société néolibérale, Pierre Dardot et Christian Laval, La Découverte, 2009.
En accord avec beaucoup de ces thèses soulevées. Sauf pour le timing, le Yalta Etat/Lobbies ultra libéraux n'a-t'il pas commencé avec le parti socialiste ? Qui a commencé les privatisations ? UMP et PS n'est pas le même combat contre le peuple de France ?
RépondreSupprimerOups ! Une erreur de rédaction, comme quoi on devrait toujours se relire. Je voulais écrire précédemment à la dernière phrase : UMP et PS n'est ce pas le même combat contre le peuple de France ?
RépondreSupprimerCe que vous appelez le Yalta (qui en fait n'en est pas un, car ce n'est pas un partage) a commencé avec la mondialisation. Cette dernière était inéluctable et il eut fallu, alors, un accord mondial: difficile à l'époque d'imaginer ce qui allait se passer (bien que certains avaient déjà mis en cause le pouvoir des multinationales). La dérégulation (actée par Maastricht) a fait le reste...
RépondreSupprimer2 remarques:
- les arguments de ceux qui mettaient en cause, dès les années 80, l'emprise croissante de la finance, étaient d'en revenir au protectionnisme: ce n'était certainement pas ce qui pouvait sensibiliser ceux (comme moi) qui étaient pour une Europe "ouverte" (et qui fut presque totalement de gauche, à un moment...)
- je pense qu'il est encore temps de mettre le holà. Mais cela va être difficile. Voir à ce sujet les difficultés d'Obama pour faire adopter ses lois sur la santé (il a réussi en édulcorant), sur la finance (il s'en est bien sorti, contrairement à l'Europe, menée par un Sarko toujours aussi velléitaire), l'énergie (raté pour l'instant, mais l'Europe, malgré les discours, n'a pas fait mieux). Le quatuor conservateur européen (Berlu, Sarko, Cameron et Merkel)ne semble pas le mieux placé pour changer les choses aujourd'hui...
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RépondreSupprimerAujourd'hui dans Autant Vous le Dire VDN :
RépondreSupprimerLa guerre de Troy a bien eu lieu
;-)
Comment se fait-il que vous n'ayez pas réagi aux propos de Mlle Troy? Seriez-vous d'accord avec elle?
RépondreSupprimerhttp://www.lheninois.com/article-reaction-du-pcf-aux-propos-de-caroline-troy-54425073.html
RépondreSupprimerhttp://alterecho.hautetfort.com/archive/2010/07/26/pietre-reponse-de-caroline-troy-aux-preoccupations-des-comme.html#comments
RépondreSupprimerJe pense que Mlle Troy s'est tirée une balle dans le pied. Pour 2 raisons:
RépondreSupprimer- sa réaction est tellement stéréotypée que l'on comprend aisément qu'elle ne vient pas d'elle. Si vraiment c'était son œuvre personnelle, elle, que l'on pouvait, pour différentes raisons, penser qu'elle n'était pas d'accord avec la collusion avec le FN, aurait ainsi donné son aval à cette politique collaborationniste.
- quand on commet une bourde comme celle-là, on essaye d'expliquer les raisons qui ont poussé la ville à vouloir taxer les commerçants. Répliquer sur la forme plutôt que sur le fond est une marque de faiblesse.
En tous les cas, une chose est sûre, la majorité a perdu les voix des commerçants sans parler de celles de leurs clients à qui ils auront fait comprendre l'incompétence des élus (absence de concertation sur le tramway, 2 tentatives de taxer les commerces!)
Les mêmes clients vont s'apercevoir qu'ils sont les victimes également de cette incompétence, pour les mêmes raisons: aucune communication digne de ce nom sur le tramway (comme pour le reste), impôts locaux toujours au même niveau en 2010 qu'en 2011, tentative avortée de racket par les élus (augmentation de leurs indemnités de 22%).
Tout cela en un an!
Très bonne réponse M.Alpern !
RépondreSupprimerM LE mAIREet son brillant adjoint auraient mieux fait de ne pas prendre de vacances, ou alors pas au même moment! ILS pourraient se rendre compte de la colere et de l exasperation qui monte dans cette ville ou on ne s occupe nullement des habitants! et ou chaque jour on peut faire le constat de l incompétence et du manque de motivation des élus!!
RépondreSupprimerParce que vous pensez que cela aurait changé quelque chose?
RépondreSupprimerLe courrier adressé aux commerçants (terrasses) est daté du 8/7: il a donc été vu par le Maire (sinon...)
La réponse de Mlle Troy lui a manifestement été dictée...
Et comme une bourde semblable avec une réponse aussi dilatoire avait été commise pour les enseignes...
Avec ou sans Maire, c'était identique. D'ailleurs, il faudrait reprendre toutes les erreurs commises depuis un an, les 2 maires successifs étant présents pendant ces 12 mois: c'est assez impressionnant, même si probablement nous n'en connaissons qu'une partie!