Dans le Pas-de-Calais, le PS a prospéré à l'ombre de baronnies locales

Agence France-Presse, samedi 10 décembre 2011
Par Alix Rijckaert et Bertrand Bollenbach

La fédération socialiste du Pas-de-Calais, aujourd'hui dans la tourmente en raison d'accusations d'emplois fictifs et d'opérations immobilières opaques, est un bastion socialiste historique grâce à des sections importantes et des barons locaux parfois devenus incontournables.

Parmi les "particularités" de cette fédération numériquement la plus importante de France, le professeur de sociologie électorale Bernard Dolez pointe le fait qu'elle "s'appuie sur un certain nombre de sections qui peuvent compter plus de 1.000 adhérents" notamment dans le bassin minier.

La tradition veut que dans ce fief de l'ex-maire d'Arras Guy Mollet, patron de la SFIO entre 1946 et 1969, les leaders qui "tiennent" ces sections bénéficient d'une longévité exceptionnelle.

Dans les années 70, une nouvelle génération de leaders locaux du PS prend la relève. "Les rescapés de cette génération sont le trio formé par Daniel Percheron (actuel président PS de la région Nord/Pas-de-Calais), Jacques Mellick (ancien ministre et député-maire PS de Béthune) et Jean-Pierre Kucheida", député-maire de Liévin depuis 30 ans, résume Frédéric Sawicki, professeur à Sciences Po Paris.

M. Kucheida est visé par une enquête préliminaire du parquet de Lille sur la base de rapports de la cour régionale des comptes et de dénonciations de l'ancien maire PS d'Hénin-Beaumont Gerard Dalongeville, lui-même mis en examen pour une affaire de fausses factures.

Sa candidature aux prochaines législatives a été gelée en attendant qu'une commission d'enquête interne fasse la lumière sur la gestion de la fédération, vivement dénoncée par Arnaud Montebourg dans une lettre à Martine Aubry.

Le patrimoine des Houillères

Dans le Pas-de-Calais, "les socialistes se sont appuyés sur le syndicalisme enseignant et une politique municipale active pour atteindre une position hégémonique à la fin des années 80", selon M. Sawicki.

Même si cette force s'est fissurée dans les années 90, "le PS est resté hégémonique dans le bassin minier".

"La concurrence politique y était faible au point qu'aux élections municipales, l'opposition de droite ne prenait même pas soin de déposer une liste", fait remarquer M. Dolez.

Avec plus d'un millier de militants inscrits, la section PS de Liévin, ville de 32.000 habitants dirigée par M. Kucheida, est réputée être l'une des plus grosses de France.

"La section de Liévin, c'est disons 1% du PS", assure M. Dolez. Rien d'étonnant donc à ce que, à chaque scrutin interne d'importance, et notamment les primaires pour les présidentielles de 2007 et de mai 2012, "les principaux candidats défilent dans le Pas-de-Calais pour tenter de s'attacher le soutien de tel ou tel".

"Jean-Pierre Kucheida est au centre de ce puzzle avec Daniel Percheron agissant en coulisses, alors que Jacques Mellick a longtemps été le trésorier de la fédération", souligne M. Sawicki. M. Mellick est toutefois en retrait depuis sa condamnation pour faux témoignage dans l'affaire de matches truqués VA-OM, en 1997.

Le pouvoir de ces barons locaux --dont ne fait pas partie Jack Lang, parachuté en 2002 et qui ne se représentera pas dans le département en 2012-- passe par le contrôle politique mais aussi le pouvoir économique acquis après le transfert du patrimoine des Houillères. Ils sont désormais à la tête de sociétés d'économie mixte et de bailleurs sociaux, comme l'Epinorpa et la Soginorpa, qui gèrent des dizaines de milliers de logements de mineurs.

"Les élus peuvent finir par se sentir à l'abri de tout", selon M. Sawicki. "Cette situation malsaine crée les conditions de dérapages".

Il note que "cela peut finir par faire très mal électoralement compte tenu de la présence de Marine Le Pen", conseillère régionale qui brigue un mandat de députée à Hénin-Beaumont.

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