Les partis politiques font des écarts...(3)

Nous avons vu (mardi et mercredi) comment pouvaient s'organiser les partis politiques quant à leurs organismes de formation. Continuons avec certaines autres pratiques utilisées dans un cadre légal certes, mais détourné de l'esprit de la loi.

2- Les dépenses des campagnes électorales 

Pour bien comprendre les mécanismes utilisés, il faut avoir en tête 2 dispositions légales:

- l'Etat rembourse les dépenses occasionnées lors des campagnes électorales à l'occasion de toutes les élections (sauf pour les sénatoriales), dans la limite de 50% d'un plafond fixé en fonction du nombre d'habitants de la circonscription concernée. Bien entendu, on ne peut être remboursé plus que ce que l'on a dépensé. Exemple: si le plafond des dépenses dans la circonscription s'élève à 30 000 €, le remboursement de l'État pourra atteindre 15 000 € ; un candidat qui n'aurait dépensé que 14 000 € sera défrayé intégralement de ses frais de campagne. 

- Ne sont remboursés que les candidats qui ont dépassé 5% (3% pour les européennes) des suffrages exprimés.

Pour les partis politiques, il s'agira de minimiser les dépenses occasionnées par les candidats ayant obtenu moins de 5% des suffrages exprimés pour que la perte soit la moins élevée possible pour ceux qui doivent supporter, eux-mêmes, ces frais non remboursés (bien entendu, les partis peuvent aider ces candidats, mais officieusement, car il leur est interdit de financer un candidat; dans ces cas, sont utilisés des fonds "occultes" dont nous reparlerons. Ils peuvent faire des emprunts auprès du parti, mais ceux-ci doivent être remboursés avant le dépôt des comptes de campagne...). On peut minimiser ces dépenses individualisées en les transférant en partie (pas tout, il faut rester crédible!) sur des candidats ayant obtenu plus de 5%, à condition que ces derniers n'aient pas atteint les fameux 50% de dépenses remboursables. 2 façons de procéder:

- on transfère tout ou partie d'une dépense vers le compte d'un autre candidat qui aura droit au remboursement. Tel document imprimé peut être minimisé, mais il faut que l'imprimeur facture en conséquence. Même chose pour payer un conférencier...

- le parti mutualise les frais et "répartit" à sa guise sur les comptes de campagne: méthode souvent utilisée pour les tracts ou autres publications, car c'est un gros poste de dépenses. Un accord avec les imprimeurs est nécessaire.   

Ces procédés sont utilisés par tous les partis (sauf ceux dont aucun candidat ou très peu dépassent les fatidiques 5%). Rares sont ceux qui se font prendre. Mais ce fut le cas, comme déjà signalé auparavant, d'élus FN du Nord (et depuis exclus du parti). C'est l'agence de presse du FN (Nation-presse) qui relaye une information parue dans Nord-Eclair: "Une première instruction concernait l’élection cantonale d’un secteur de Lille où un candidat FN s’était étonné de voir certaines factures gonflées afin d’arriver à coup sûr au plafond légal des remboursements d’État post-électoraux. De fil en aiguille, les investigations se sont élargies. Pour l’essentiel, aujourd’hui, elles portent sur diverses élections en 2004, 2005 et 2006 dans le département du Nord et la Haute-Vienne.

Les investigations concernent en grande partie la société roubaisienne Initiale BB et une association de formation des élus. Une nouvelle instruction, chez la juge Ida Chafaï, a été ouverte et trois personnes ont été mises en examen, hier, pour escroqueries en bande organisée, faux, fausse facturation, etc."

Il semblerait que la commission nationale des comptes de campagne (lu dans son bilan 2010) ait eu son attention dirigée sur ces méthodes et demande dorénavant que les clefs de répartition de dépenses communes soient fixées avant le scrutin. Là encore, avec la complicité de tiers, il ne doit pas être difficile de modifier ces clefs, une fois les résultats acquis...

A suivre