jeudi 17 janvier 2013

Cela ne vous fait-il pas penser à quelque chose?

 

En Espagne, malgré l'opposition de l'Eglise, la loi est entrée dans les moeurs

Sept ans et 23 000 mariages homosexuels plus tard, que reste-t-il du débat sur les unions entre personnes du même sexe qui avait secoué l'Espagne, lors du vote de la loi, en 2005 ? " Rien ", tranche la présidente de la Fédération des lesbiennes, gays, transsexuels et bisexuels (FELGTB), Boti Garcia, qui parle aujourd'hui de " normalisation absolue ".
Près de 70 % des Espagnols sont aujourd'hui favorables au mariage gay contre moins de 60 % lors du vote de la loi. Les unions se célèbrent en paix, tout comme les adoptions d'enfants par des couples homos. Et la bataille judiciaire a été refermée avec la résolution du Tribunal constitutionnel, le 6 novembre 2012, en faveur du " mariage égalitaire ". Mais le chemin fut semé d'embûches.
C'est en 2003 que les organisations gays et lesbiennes commencent la lutte en présentant des demandes de mariage gay dans les mairies. Pour parler d'une seule voix, elles s'unissent au sein d'une même plateforme, la FELGBT.
Durant les mois qui précèdent les élections de mars 2004, elles font pression sur le Parti socialiste, alors dans l'opposition, afin de " transmettre l'idée que nous n'étions pas des citoyens différents et que par conséquent, nous ne devions pas avoir des droits différents, " explique Mme Garcia. Ils obtiennent que la mesure figure dans le programme électoral de José Luis Rodriguez Zapatero.
Une fois élu, le jeune président s'empresse de tenir sa promesse de campagne : un avant-projet de loi est rédigé fin 2004. L'idée est d'effectuer une simple modification du code civil des termes qui définissent le mariage comme l'union d'un homme et une femme par le mot " conjoints ". " Le plus beau de cette loi est qu'elle est exactement la même que celle du reste de la société ", assure Mme Garcia. En mars 2005, le texte, entouré d'une vive polémique, entame son parcours législatif.
Troisième pays européen
L'Eglise, qui jouit encore d'un pouvoir et d'une influence considérable, utilise tous les outils en sa possession pour empêcher son approbation. Mais le gouvernement socialiste ne se laisse pas impressionner. Ni par les tracts diffusés pendant la messe et les pétitions signées à la sortie des écoles catholiques. Ni par certains juges qui comparent publiquement le mariage gay à une union entre un homme et un animal. Ni même par la manifestation massive du 18 juin 2005 qui réunit à Madrid 1,5 million de personnes, selon les organisateurs ; 180 000, selon la police. Convoquée par l'association ultra-conservatrice et catholique le Forum des familles, des évêques défilent aux côtés de représentants de poids du Parti populaire (au pouvoir), dont les actuels ministres de l'agriculture, Miguel Angel Arias Canete ou de l'équipement, Ana Pastor. Mme Garcia s'en souvient comme si c'était hier. " Les évêques vêtus de leur soutane noire avec leur croix brillant au soleil, en sueur, transpiraient l'homophobie, raconte-t-elle émue. Sur la place Colon, ils ont fait monter des enfants sur la scène, contre nos droits... "
Malgré ces pressions, le 30 juin 2005, l'Espagne devient le troisième pays européen à légaliser le mariage gay après les Pays-Bas et la Belgique. La loi est votée avec 187 voix pour et 147 voix contre. Le 11 juillet est célébré le premier mariage entre deux hommes.
Mais les attaques ne cessent pas pour autant. La Conférence épiscopale espagnole multiplie les critiques et depuis le Vatican l'ancien président du Conseil pontifical pour la famille, le cardinal colombien Alfonso Lopez Trujillo, appelle les fonctionnaires municipaux à ne pas marier les couples homosexuels. Tandis que plusieurs juges, invoquant une " impossibilité morale " ou mettant en cause la constitutionnalité du texte, refusent d'inscrire des mariages gays sur le registre civil.
Près de 50 députés du PP décident en septembre de déposer un recours devant le Tribunal constitutionnel, faisant planer sur les unions célébrées une épée de Damoclès. " Pendant six ans, nous avons vécu dans une insécurité immense, pas seulement de nos couples mais de nos enfants ", souligne Mme Garcia. En novembre 2012, le tribunal a clos le débat.

Sandrine Morel
© Le Monde 13/14/1/2013

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