La spécialité de Sarkozy: les cons

Lundi 9 juillet 2007 à Luxembourg, les ministres des finances de la zone euro et leurs collaborateurs devisent tranquillement dans la salle du Conseil. Soudain, les Français, la ministre des finances Christine Lagarde et le directeur du Trésor Xavier Musca, se lèvent, droits comme des " i ". Leurs collègues européens sont médusés par une telle déférence. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, vient d'entrer dans la salle. C'est une première: le chef de l'Etat fraîchement élu vient présenter son projet de budget. Ou plutôt, il vient leur annoncer qu'il ne tiendra pas les engagements de la France. Le retour à l'équilibre des finances publiques est repoussé de 2010 à 2012. Nicolas Sarkozy, qui fut brièvement ministre des finances, assure être venu comme ancien membre du club et souhaite des débats francs. " J'ai plaisir à vous retrouver, n'hésitez pas à me faire part de vos remarques ", commence-t-il, avant d'exposer sa politique. Puis, survient la riposte: "Je vais vous dire ce que je dirais si vous étiez ministre des finances", attaque le ministre des finances allemand Peer Steinbrück. Le social-démocrate allemand, aujourd'hui candidat à la chancellerie face à Angela Merkel pour les élections de 2013, accuse le nouvel élu d'offrir des cadeaux à ses électeurs plutôt que de respecter les plans d'assainissement budgétaire. Ce natif de Hambourg connu pour son franc-parler peu diplomatique lui reproche de donner le mauvais exemple: comment progresser en Europe si la deuxième économie de la zone euro ne respecte pas les règles communes? L'Allemand défend avec force l'indépendance de la BCE, critiquée par le nouveau président. La traduction est mauvaise, pleine d'emphase. Pendant que Peer Steinbrück poursuit sa diatribe, Nicolas Sarkozy s'exclame suffisamment fort pour être entendu par le tiers de l'assistance: " C'est qui, ce gros con? "

Puis il fait signe au directeur du Trésor allemand Thomas Mirow, parfait francophone : "Dis à ton ministre d'arrêter, sinon c'en sera fini de l'amitié franco-allemande", assène Nicolas Sarkozy, qui menace d'appeler Angela Merkel pour exiger des sanctions. Cinq ans après, tous les participants restent consternés par la grossièreté brutale de Nicolas Sarkozy, qui sera une marque de fabrique délétère tout au long de son quinquennat.

Tiré de " Ces Français, fossoyeurs de l'euro ",
d'Arnaud Leparmentier, Plon-Collection
Tribune libre, 246 p., 18,50 €.