LE MONDE MAGAZINE | 25.03.11
"Monsieur le maire, vous vous mettez dans la salle et vous vous taisez.– Mais cela va partir dans tous les sens !
– Et alors ? Est-ce grave ?…"
– Et alors ? Est-ce grave ?…"
On l'appelle l'agenda 21. Et la façon – transversale et participative – dont ce "programme d'action pour le XXIe siècle" est discuté dans les communes n'est pas la moindre des révolutions qu'il soulève. Créé lors du sommet de la Terre de Rio en 1992 pour mettre sur des rails le développement durable dans ses trois piliers indissociables – l'économique, le social, et la préservation de l'environnement –, l'agenda 21, en donnant la parole aux citoyens, se révèle ni plus ni moins l'occasion de repenser la démocratie.
Jouarre, Seine-et-Marne. Des cryptes mérovingiennes, de vieilles bâtisses, des épandages de pesticides, un projet d'exploitation de pétrole de schiste et 4 000 habitants qui font la navette entre la capitale et cette petite ville pépère à une heure de Paris en roulant vers l'Est. Nuit noire, –2°C au thermomètre, et trois épisodes des "Experts" sur TF1. Vingt-cinq personnes sont pourtant réunies sous les néons de la salle du conseil. Le maire (ex-gaulliste, ex-chiraquien, encore sarkozyste), ses adjoints, deux opposants notoires, un vieux paysan, une mère de famille ivoirienne, des chevelures grises et des perruques blondes. Et puis aussi un conseiller en développement durable, François Camé, autrefois journaliste à Libération, pour animer cet atelier de l'agenda 21. Thème du jour : "Education et petite enfance". La règle du jeu est claire : on ne parle que pour faire une proposition d'action concrète. Sinon : silence !
Évidemment, cela commence par un long silence… Gabriel finit par se lancer. L'accent du Midi, la fibre écolo et un emploi chez Disney, il annonce qu'il va être papa : "Il n'y a pas en ville d'assistance maternelle qui puisse accepter un nourrisson. Alors, on pourrait peut-être créer…" Un grand homme propre sur lui, grand-père à la voix conciliante, propose de remplacer les couches-culottes par des couches lavables à la halte-garderie. Une femme dont le mari est artisan plombier suggère d'utiliser la géothermie pour chauffer la crèche…
Ouh la la… C'est ça la "démocratie délibérative" chère au philosophe allemand Jurgen Habermas ? Une discussion de parents inquiets dans une vieille mairie devant laquelle on a posé un cendrier et deux buis en pot ? Il y a de quoi être déçu. Sauf qu'on ne sait jamais où une discussion peut vous mener.
"Si les gamins mangeaient bio à la cantine, ce ne serait pas plus mal… – Mais à la halte-garderie chacun apporte la nourriture pour son enfant, non ? – Oui, et ce n'est pas facile, quand on travaille, de préparer un repas.
– C'est sûr, le petit pot a encore de beaux jours devant lui ! Faire cuire des légumes, tout ça, cela ne correspond pas à nos modes de vie. Moi, le matin, j'ai deux heures de transport ; je bosse à la Défense.
– Parlons-en, des transports…"
A quel moment est-on passé du sourire crispé au brainstorming politique, je ne saurais dire. A quel moment cette assemblée plutôt conservatrice est-elle tombée dans une étonnante remise en question du modèle de société dans lequel elle vit ? Le fait est que, l'air de rien, nous voici discutant croissance, choix de société, vivre mieux, vivre ensemble, avenir de la planète… Maire, élus, citoyens, tout le monde joue le jeu. "Vous savez, sourit Gabriel, l'opposant écolo, ce qui s'est passé ce soir, c'est du jamais-vu ! Jusqu'ici, on était face à une majorité très fermée avec un petit groupe de gens qui décidaient seuls. Et puis, aux dernières élections, on a protesté parce que les services municipaux eux-mêmes utilisaient une décharge sauvage qui pollue les eaux. Le maire s'est senti en danger. Il a été faire un tour au Salon du développement durable, il a trouvé cette société de conseil, Etik-presse, et c'est comme ça qu'il a lancé l'agenda 21. C'est sans doute opportuniste, mais franchement, on s'en moque. C'est le résultat qui compte."
GOÛT POUR LA POLITIQUE
Serait-il donc possible que grâce à cette appellation barbare – agenda 21 –, la France soit en train de se convertir petit à petit au développement durable et à la discussion collective ? Sur 37 000 communes de l'Hexagone, seulement un millier se sont engagées dans un agenda 21. Seulement ? C'est énorme. D'autant que le mouvement est contagieux et, depuis l'an passé, s'accélère. Piscine chauffée aux billes de bois à Carhaix (Finistère), Pedibus – un système de ramassage scolaire… à pied – à Gestel (Morbihan), cours d'éco-conduite pour les habitants de Changé (Mayenne)…
De la ville basque d'Anglet à Besançon, dans le Jura, l'imagination est au pouvoir. Départements, écoles (plus de 500 établissements scolaires), et entreprises s'y mettent. Le "Think global, act local" (Penser mondialement, agir localement) serait-il autre chose qu'un slogan ? Mille révolutions minuscules, de celles que l'on ne voit pas venir.
"S'il faut choisir entre la pâquerette et l'homme, je pense qu'il faut agir sur l'homme pour agir sur la pâquerette." C'est avec ce genre de formule que le consultant François Camé a emporté l'adhésion du maire de Jouarre. Mais en ce qui le concerne, tout est parti d'un amer constat politique : "Il y a un fossé croissant entre les électeurs et leurs représentants. Et la défiance est dans les deux sens. Quand les administrés réclament tout et n'importe quoi de façon infantile, les élus ont tôt fait de les prendre en grippe. La démocratie est une porcelaine extrêmement fragile, si on laisse le fossé se creuser, c'est la fin. D'où la nécessité de retisser des liens. Vous savez, la vraie question c'est : pourquoi ces gens quittent TF1 pour venir nous voir ? Ma réponse, c'est que, quoi qu'on en dise, il y a une appétence terriblement forte pour la politique."
Laurent Carpentier
A suivre
CA LAISSE REVEUR...
RépondreSupprimerUn millier de communes sur 37 000, en France ... c'est peu ... et dans la région (qui compte quand même 1 546 communes) ? Sans doute Loos-en-Gohelle, ... mais y a t'il d'autres exemples ? A vérifier ...
RépondreSupprimerLB
A LB
RépondreSupprimerLa région a toujours été en avance, en ce domaine.
Mais les aides, depuis quelques années concernent les intercommunalités. Les Agglos ont, presque toutes, un Agenda 21.
A signaler également que les Chartes d'Ecologie urbaine, qui ont précédé les A21, ont emporté un beau succès dans les années 2000/2005.
Je pense que, à travers ces 2 instruments et à travers les intercommunalités, ce sont plus de 200 communes qui sont concernées par une démarche Développement Durable, dont les plus importantes, mais pas seulement...
Il est vrai qu'aujourd'hui, nous sommes passés à un stade ultérieur avec les Plans climat et Trame Verte et Bleue.
N'empêche que la seule ville du NPDC de plus de 25 000 habitants à n'avoir pas entamé le minimum de démarche, c'est Hénin...
Et pourtant, que d'économies à réaliser. Et pourtant quelle belle démarche de mobilisation du personnel! Et pourtant quel bel outil de rassemblement des citoyens...
Mais qu'est-ce qui intéressait Dalongeville? son avenir personnel...
Et aujourd'hui? No comment...
OUI NO COMMENT.
RépondreSupprimerSerait il donc possible que Facon et Bouquillon, main dans la main, mais la main prise dans le sac... de mépris du citoyen, aient pu prêcher la bonne parole, résidence Kennedy hier dans la journée, afin de se moquer une fois de plus de l'électorat ouvrier héninois en le pressant à se rendre aux urnes aujourd'hui et voter pour le candidat socialiste?
RépondreSupprimerComprenne qui pourra.
Facon+ Bouquillon= trahison du vote des Héninois.
RépondreSupprimerMerci pour ta réponse, Alain.
RépondreSupprimerA l'échelle du territoire de la Gohelle, s'il y a une dynamique (agenda 21, Charte d'Ecologie, Trame verte et Bleue...) tant mieux ....
L'échange de pratiques doit permettre d'essaimer, de démontrer et de convaincre.... Peut-être en observant les bonnes pratiques, HB s'y mettra ....
Je suis sûr que le personnel communal et les citoyens adhéreraient sans peine à cette démarche.
Voilà un beau sujet de forum à l'échelle des deux agglos et des 50 communes...
LB