Je le répète, une nouvelle fois : j'aime le foofball. Non seulement je l'ai pratiqué au Stade Béthunois jusque l'âge de 17 ans (j'ai joué contre les fameux cadets de Billy-Montigny où figuraient Georges et Bernard Lech, mais je ne me souviens plus si Hédé jouait...), mais je fus très tôt (ah Wisniewski, Louis, Habitzl, Aurednick, Johnson...) et reste un supporter des "Sang et or". Aussi les 2 descentes du club m'ont fait mal. La dernière ne fut pas suivie d'une montée rapide comme la première et l'on pensait même que le club allait disparaître dans les tréfonds du football français, Gervais Martel ayant lui-même perdu la main. Soit dit en passant, je connais peu le mythique président lensois. Par contre, je connais bien, et depuis longtemps, son frère Gilles qui habite Hénin. Mais j'ai surtout apprécié le père, Georges, ingénieur des Houillères, avec qui nous avons fait équipe, il y a près de 45 ans, au bridge. (il constituait avec son partenaire, une des toutes meilleures paires du Nord). Cela pour dire que c'était un homme de caractère, un peu bourru, passionné, comme semble l'être son fils, Gervais...
Le tempérament de ce dernier lui a permis de convaincre André Delelis et Daniel Percheron (pourtant pas très copains ensemble, bien que "camarades" l'un et l'autre), de pérenniser le club : subventions, aide pour trouver des sponsors, travaux au stade. Guy Delcourt n'avait pas cette passion pour le foot, ce qui est ennuyeux quand on est maire de Lens, de la même façon qu'il ne crut pas au Louvre. Mais, poussé, violé même, par D. Percheron, il dut se soumettre aux impératifs sportifs et financiers. Si je vous raconte cela, c'est pour démontrer que l'on peut être "footeux" et lucide comme je le suis (footeux et ambitieux comme le furent Delelis et Percheron, non footeux et détaché comme Delcourt). Je suis, en effet, perplexe sur le devenir du RCL.
G. Martel a repris les rênes du club et sa passion pour Lens l'a conduit à trouver un financeur qui puisse épurer les dettes et investir dans un grand club. Et comme Monaco et le PSG, il s'est tourné vers les "rois du pétrole". Il a déniché un certain Hafiz Mammadov, un des hommes les plus influents et les plus riches d’Azerbaïdjan, dont la fortune s'est bâtie sur le pétrole, le BTP et le transport. L'Azerbaïdjan est une dictature pour laquelle on utilise le mot démocrature quand on parle d'un semblant de démocratie... Au père Aliyev a succédé le fils, et le pays, indépendant depuis la fin de l'URSS, tire 50% de son budget du pétrole. Comme dans les autres pays nés de la fin de l'empire soviétique, des fortunes personnelles ont proliféré dans des conditions que l'ont peut imaginer. Ces hommes riches ont bien sûr profiter des hommes politiques en place avec tout un système qu'on qualifiera de mafieux.
Hafiz Mammadov est un de ces hommes-là. Passionné de foot, il est propriétaire du FC Bakou et a investi dans des clubs européens (FC Porto et Atletico Madrid), probablement pas par amour du foot uniquement, mais pour des intérêts économiques (et personnels) bien compris.
Je ne sais comment il faut qualifier l'argent investi à Lens, faute d'éléments sur la manière dont il a été acquis mais il y a de fortes chances que l'industriel azéri a dû bousculer certaines règles pour bâtir son empire industriel et ce qui est plus ennuyeux, c'est que cet argent ne profite pas aux Azéris.
J'ai relevé, par ailleurs, dans Wikipédia, qu'à l'occasion de l'Eurovision de 2012 "les médias envoyés sur place pour couvrir l'Eurovision ont rapidement
constaté de nombreuses atteintes aux droits de l'homme telles que la
répression violente de manifestation par les autorités, la mise en
détention illégale de journalistes, les faux procès mis en place par
l'actuel dirigeant, les éventuels trucages des élections. Des opposants
au régime qui cherchaient à attirer l'attention sur la situation de leur
pays se sont fait violemment réprimer par les autorités et des
journalistes étrangers ont été tabassés.
Malgré tout, les habitants interrogés par les médias n'ont rien pu
dire au risque de violentes représailles et l'Union Européenne de
radio-télévision a refusé purement et simplement de parler de la
politique menée dans le pays."
Le président G. Martel a confirmé qu'il ne veut pas mélanger "sport et politique". C'est ce qu'ont dit les dirigeants monégasques et parisiens à propos des "investissements" qatari et russe... Mais cet argent d'origine douteuse, venant d'un pays si peu démocratique, et qui va servir à redorer le blason de ces clubs français, faut-il l'accepter ? Je sais bien que poser la question m'expose à être critiqué pour ma naïveté ou surtout mon manque de réalisme. L'argent a-t-il une odeur ? Poser la question me semble fondamental, ne serait-ce que parce que les milliers de supporters lensois et autres sont à mille lieux de se demander s'il vaut mieux faire péricliter le foot à Lens pour des raisons humanitaires en refusant cette manne. Cela signifie qu'en acceptant de sauver le club, on se moque bien que la démocratie, les droits de l'Homme, les conditions de vie en Azerbaïdjan ne nous préoccupent pas. Valeurs, démocratie, morale : que pèsent-elles face au bonheur de milliers de personnes? Gervais Martel est devenu un superhéros alors qu'il doit se po;;;ser des questions d'ordre moral,. mais certainement qu'il mesure combien il fait d'heureux parmi les amoureux du football. Quel homme politique osera s'opposer à ce que l'on sauve le Racing, même si les valeurs dont il se réclame sont bafouées ?
Comment peut-on demander plus de transparence dans la gestion des affaires publiques ou dénoncer le contournement des règles des marchés publics ou la corruption puisque l'on accepte que les millions azéris proviennent de telles pratiques... Décidément le monde du football (et celui d'autres sports...) est bien malade et fait désespérer de l'avenir de nos sociétés.
Une image m'a sidéré, samedi, lors du match Lens-Chateauroux, honoré de la présence du sponsor azéri. C'est celle des 30 000 spectateurs criant : "Hafiz, Hafiz", heureux de la probable remontée de leur club en Ligue 1. Et il faudrait leur parler de morale, alors que leur joie est au zénith ? Il faudrait leur dire que Hafiz n'en a rien à faire d'eux et qu'il est venu à Lens, ce jour-là, parce qu'il ne pouvait faire autrement ?