Voilà comment j'avais commencé mon post de ce matin : "Ce mercredi, on nous serine haut et fort que E. Macron annoncera, ce matin, sa candidature présidentielle lors d’une visite à un centre d’apprentissage de Bobigny. Étonnant que tous les médias fassent leur "une" sur cette annonce : nul doute que Macron a dû prévenir les journalistes qu'il aurait des choses à annoncer à Bobigny... Je ne peux m'empêcher de penser que la même fougue a saisi la presse depuis lundi pour commenter le sondage mettant F. Fillon au coude à coude avec Sarko dans le cadre de la primaire de la droite et du centre..."
Et puis, j'ai lu l'article suivant et j'ai interrompu ma diatribe naissante sur ces journalistes qui...
Il faut dire que je suis un fan de Charline Vanhoenacker, que j'écoute tous les matins à 7h57 sur France Inter (seulement 3 minutes !). Sa spontanéité n"a d'égale que son courage...
Humour, intimité et politique
Qu’est-ce qui est le plus
choquant : que Charline Vanhoenacker épingle avec drôlerie les arguments
de François Fillon dans « L’émission politique » ou que l’ex-premier
ministre accepte de répondre sur la densité de ses sourcils dans « Une
ambition intime » ?
Il y a quelque chose d’incongru à
entendre François Fillon se plaindre de la chronique de Charline Vanhoenacker à
la fin de « L’émission politique », le 27 octobre, sur France 2
et le découvrir, quelques jours plus tard, le 6 novembre, dans l’émission
« Une ambition intime » sur M6.
Qu’est-ce qui est plus
choquant : que la chroniqueuse belge épingle avec drôlerie les arguments
du candidat à la primaire de la droite ou que l’ancien premier ministre accepte
de répondre sur la densité de ses sourcils et se fasse offrir une casserole par
l’animatrice Karine Le Marchand ?
« Je ne suis pas
totalement convaincu que ce soit parfaitement approprié de conclure une
émission politique de cette manière », a jugé M. Fillon sur France 2. On
pourrait lui rétorquer qu’il n’est pas parfaitement approprié qu’un responsable
politique – qui se targue d’avoir toujours refusé de participer à des
émissions people – se retrouve sur le canapé à confessions de M6 pour
parler cuisine, thème astral et épilation.
« Qu’est-ce que c’est
déprimant »
« Tout
arrive », se justifie M.
Fillon dans les colonnes du Journal du dimanche du
13 novembre. « J’ai eu des échos positifs, se
réjouit-il. Le problème avec cette émission, c’est que ma fille, qui
est mariée et qui a deux enfants, a reçu un paquet de demandes en
mariage ! », s’amuse le candidat. Cela n’arrivera pas au fils
d’Alain Juppé qui, lui, a préféré témoigner de dos.
Charline Vanhoenacker a le don de
raconter la politique d’une autre manière, de mettre d’autres mots sur tout ce
qui a été entendu et vu durant l’émission animée par David Pujadas et Léa
Salamé. Elle avait prévenu : « Je vais être aussi acide que
sur France Inter, sinon ça ne sert à rien d’y aller. »
Qu’a dit la chroniqueuse belge sur la
prestation de M. Fillon qui a tant agacé le candidat ? Pour les
besoins de l’émission de France 2, ce dernier avait rencontré des cheminots de
la SNCF pour parler des régimes de retraite spéciaux. Réaction de Charline
Vanhoenacker : « Vous aviez l’air aussi à l’aise que Bruno Le
Maire à un cours de zumba. On sent que ça faisait longtemps que vous n’étiez
pas allé à la rencontre de cheminots… au moins aussi longtemps
que Jean-François Copé n’a plus mis les pieds dans une boulangerie [allusion
aux 15 centimes, le prix, selon l’ancien ministre, d’une viennoiserie] ».
Puis la chroniqueuse de poursuivre : « Vous
avez été premier ministre de Nicolas Sarkozy, cela doit vous faire un tel
paquet de points pénibilité que vous pourriez déjà être à la
retraite. » Quant au constat à propos de la France dressé par
M. Fillon, elle l’a résumé ainsi : « Qu’est-ce que c’est
déprimant, un peu comme si Mylène Farmer faisait des reprises de
Barbara. »
« Humeuriste »
inclassable
Visiblement énervé, M. Fillon a
répondu : « Charline est très drôle, mais si j’avais
envie de l’écouter, j’irai à l’un de ses spectacles. » Il aurait
fallu que David Pujadas et Léa Salamé lui répondent que Charline
Vanhoenacker n’est pas une comédienne, mais une journaliste politique.
Elle n’a jamais fait de scène, n’a
pas de spectacle à l’affiche, et, n’en déplaise à ceux qui veulent toujours
mettre les gens dans des cases, la chroniqueuse belge, qui fait les belles
heures de France Inter avec son billet politique le matin et son émission
« Si tu écoutes, j’annule tout » en fin d’après-midi, demeure
inclassable.
« Humeuriste » serait le
terme le plus approprié pour la définir. Elle a le talent de porter un regard
drôle et impertinent sur le monde politique qui nous entoure. Et l’humour est
sans doute ce dont on a le plus besoin actuellement pour canaliser nos peurs et
partager nos colères.
Dans un entretien à La Matinale du Monde, en
décembre 2015, la journaliste belge livrait son sentiment sur la montée du
Front national : « J’ai l’impression que la France est encore
plus divisée qu’avant. Sarko l’avait divisée entre pauvres et riches (je
caricature très fort), maintenant c’est entre bobos et réacs. Et au milieu, il
y a beaucoup de gens oubliés du débat. » Un an plus tard, force
est de constater que son regard reste d’une grande justesse…
Pointer les
incohérences du monde politique
Mais il est plus facile de plonger
dans le monde des Bisounours de Karine Le Marchand où tous les hommes et femmes
politiques deviennent sympathiques parce qu’ils ont
– incroyable ! – une vie personnelle et un cœur, que d’accepter
le commentaire désopilant d’une journaliste qui a choisi l’humour pour pointer
les incohérences du monde politique.
Et il est plus facile d’être
interrogé sur ses passions, ses amours, ses enfants par une animatrice
séductrice qui minaude et rit en cascade que d’accepter une parenthèse de
quatre minutes qui décrypte de manière humoristique deux heures d’émission.
Les hommes et femmes politiques
devraient aller faire un tour à l’exposition Coluche qui se tient jusqu’au
7 janvier 2017 à l’Hôtel de Ville de Paris. Non, l’humour ne décrédibilise
pas plus aujourd’hui qu’hier la politique.
A la radio, où lors de ses passages à
la télévision, Coluche avait une spontanéité et une insolence ravageuses. C’est
l’histoire d’un mec qui ouvrait sa gueule avec une liberté de ton qui semble
aujourd’hui parfois manquer. Ce bouffon de la République était allé – avant de
renoncer – jusqu’à se présenter à l’élection présidentielle. En
décembre 1980, selon un sondage publié dans Le JDD,
16,1 % des personnes interrogées avaient « tout à fait
envie » de voter pour lui et 22,6 % « un peu
envie ».
A cette époque déjà, les Français
étaient fâchés avec la politique ; 37,1 % des sondés trouvaient cette
candidature « amusante et sympathique », 13,8 % « très
utile », 10,3 % « courageuse ». Trente-cinq
ans plus tard, l’humour est accusé de tous les maux, mais voir des politiques
étaler leur intimité pour grappiller quelques voix ne semble gêner personne…