Cela fait des mois que l'on parle de cette affaire de Directeur des sports à la ville d'Hénin-Beaumont.
Alors que la procédure légale est bien connue, le recrutement en cours est significatif du délitement du fonctionnement administratif et politique de la ville.
1- Les faits
L'ancien Directeur des Sports, il y a quelque temps, n'a plus souhaité exercé ses fonctions et a démissionné du poste. Ses raisons sont celles qu'on imagine, dans le cadre de l'atmosphère irrespirable qui règne dans l'administration communale.
Une procédure de recrutement est alors mise en place, dans le seul but d'embaucher une personne bien précise, mais non fonctionnaire, alors qu'au moins un cadre de l'intérieur remplissant toutes les conditions (grade, compétences, diplômes, expérience) avait posé sa candidature: or, il n'a même pas été reçu par le DGS et le DRH, et on ne lui a jamais fait part des raisons de la non-prise en compte de sa candidature.
Le maire, ayant accepté la candidature extérieure pour début novembre, fait une première marche arrière devant le tollé de cette décision, contraire aux règles de droit public. Pour le conseil municipal du 19 décembre, une délibération est inscrite à l'ordre du jour pour ce recrutement, mais est retirée à la dernière minute, devant la menace qu'elle soit refusée, suite à l'opposition d'une partie de la majorité (auquel le FN aurait pu se joindre).
Ce dimanche, le maire fait savoir, dans La Voix du Nord, qu'il "s'apprête à signer de manière imminente l'arrêté de nomination d'un nouveau directeur des sports intérimaire".
2- Sur le plan juridique
(Merci à ceux qui, par leurs commentaires, ont contribué à cette partie. D'autres commentaires, juridiques ou non, que je n'ai pu reprendre ici, malgré leur pertinence, peuvent être lus sous le post d'hier " carnets du dimanche")
- Aucune nomination ne peut être prononcée sans la vacance de poste déclarée au préalable au centre de gestion. De plus sur l'arrêté de nomination doit être indiqué le n° de vacance enregistré au centre de gestion, qui, lui, par un autre arrêté, le transmet au Préfet. La vacance de poste doit en outre faire l'objet d'une publicité suffisamment large pour que toute personne répondant aux conditions statutaires puisse en avoir connaissance via la bourse de l'emploi et dispose du temps nécessaire pour faire acte de candidature. La DRH reçoit alors les candidatures, les examine et propose au maire les candidats répondant aux critères strictement définis; le maire choisit alors parmi les candidats qui ont postulé figurant sur liste d'aptitude, par mutation de grade à grade depuis une autre collectivité territoriale ou par voie de détachement si le candidat est issu d'une autre fonction publique. Ce n'est qu'à l'issu de ce processus et en cas de carence que l'autorité peut faire appel à un contractuel.
Or on l'a vu tout cela n'a pas été respecté. Il faut ajouter que le recrutement doit être acté par une délibération.
Cette procédure n'ayant pas été respectée, toute nomination serait entachée d'illégalité et susceptible de recours.
- le maire est donc revenu, hier, par sa déclaration reproduite ci-dessus. Il a utilisé le mot d'intérimaire, mais je pense qu'il s'agit d'une erreur de vocabulaire et qu'il a voulu dire temporaire, car l’agence d’intérim ne peut intervenir que lorsque le centre de gestion ne peut répondre à la demande de remplacement. En outre, le surcoût serait conséquent...Il s'agirait donc d'un CDD, mais cela ne change rien au problème qui est évoqué depuis des mois, puisqu'il s'est toujours agi d'un CDD. Or la loi n'84-53 du 26 janvier 1984 modifiée énumère de façon limitative les motifs de recrutement d'agents non-titulaires de droit public à compter du 14 mars 2012, et notamment:
*article 3-3 2°), concernant les recrutements sur emplois permanents: pour les emplois de catégorie A "lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient ET sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la loi." L'embauche prévue du CDD est donc bien illégale.
* à noter qu'une délibération doit être prise, quoiqu'en pense le maire. Cette délibération doit indiquer le motif invoqué, la nature des fonctions, les niveaux de recrutement et de rémunération de l'emploi. Encore un motif d'illégalité de la décision prise par le maire...
* de plus, il est confirmé que "toute création ou vacance d'un emploi doit faire l'objet d'une déclaration auprès du Centre de Gestion. les vacances d'emploi doivent préciser le motif de la vacance et comporter une description du poste à pourvoir." Si cela n'a pas été fait, c'est une autre cause de nullité.
* enfin, la délibération prise (mais le maire annonce qu'il n'y en aura pas!) doit passer au contrôle de légalité (Préfecture).
3- Pourquoi le Maire s'obstine-t-il à vouloir passer en force?
On l'a vu, 2 fois il a dû faire marche arrière. Et maintenant, malgré l'illégalité de l'arrêté qu'il s'apprête à prendre (et qu'il aurait déjà pris, dès vendredi), il essaye une nouvelle fois envers et contre tout. Pour quelles raisons? Envisageons-en certaines, sachant que l'on se trouve dans l'irrationalité la plus complète et qu'il est donc difficile d'imaginer ce qui pousse le maire à faire n'importe quoi:
- je répète que le maire est complètement "marabouté" par le DGS et qu'il ne possède plus son libre-arbitre. La preuve quand il déclare qu'il faut nommer un Directeur des Sports pour établir le budget; alors qu'il ne reste que 3 mois pour finaliser...on espère que l'on n'a pas attendu K. Joriatti pour travailler sur le BP 2013! Autre preuve: quand il dit qu'on n'a pas besoin de délibération! Qui a bien pu lui fourrer cela dans la tête?
- ce qui signifierait que c'est le DGS qui pousse à la roue. Pourquoi? Serait-il tenu par des éléments que possède K. Joriatti à son encontre? Ou bien, a-t-il une telle haine envers celui qui, en interne, pourrait postuler au poste et qu'il emploie tous les moyens, en manipulant le maire totalement irresponsable? Ou joue-t-il son va-tout (après moi le déluge!), sachant que ses jours sont comptés, d'une façon ou d'une autre?
- pour le cas, qui me semble peu probable, où le maire serait conscient de ce qu'il fait, d'où provient cette certitude de ne pas avoir d'ennuis? A-t-il reçu des assurances? Mais, dans ce cas, quelle autorité peut se permettre de le fourvoyer de la sorte?
- K. Joriatti aurait des moyens de pression sur le maire? Directement ou par l'ancien Président de l'ODS? Cela paraît peu probable, mais on ne peut rien exclure...
4- Quelles peuvent les conséquences de ce jusqu'au boutisme du maire?
S'il prend son arrêté, beaucoup de personnes sont prêtes à exercer un recours, dont les moyens sont multiples (j'ai évoqué la plupart d'entre eux).
- Parmi ceux qui ne peuvent tolérer un tel mépris pour les agents communaux, figurent les syndicats: la rémunération promise à celui que le maire promeut parait extravagante, alors que les agents réclament, sans succès, depuis 3 ans, un régime indemnitaire que seule une minorité perçoit. Rappelons que l'ancien directeur de l'ODS avait soutiré une indemnité de départ (15 000 €) payée grace à la subvention de la ville. Autre raison du courroux des syndicats: le maire n'a pas passé sa décision en CTP, ce qui démontre, une nouvelle fois, la façon dont le maire les considère et, en règle générale, considère le personnel. L'ire est telle que les agents communaux semblent largement favorables à une grève qui pourrait prendre différentes formes, notamment celle d'un boycott de la cérémonie des voeux au personnel, le 23 janvier C'est dire la popularité du maire et de son inspirateur, le DGS!
- Quelle sera l'attitude des oppositions élues? Le FN, toujours à la remorque, n'a rien dit, ce qui démontre bien ce qu'il pense des questions de personnel. L'autre opposition, à l'intérieur de la majorité, risque d'être bafouée, puisqu'elle s'était opposée, précédemment, à la démarche du maire. Son dilemne: soit elle est offensive et son opposition, larvée, devient une opposition tout court, avec des conséquences graves; soit elle se taît et elle disparaît: cette hypothèse étant la plus crédible. A noter que certains proches du Maire commencent à se poser des questions sur l'emprise du DGS...
- sans délibération à l'appui, la trésorerie refusera de payer le salaire du CDD.
- 3 remarques:
* la multiplication des embauches de contractuels est inquiétante: au juridique (?), à la culture, à la politique de la ville, à la Direction technique, à la police municipale (?)...Avec des conditions de rémunération qui font tousser les collègues...
* les conditions dans lesquelles se sont effectués ces recrutements ne respectaient pas toujours les règles vues ci-dessus;
* il me semblait que la Chambre régionale des comptes avait demandé de limiter ce type d'embauches temporaires...
- quoiqu'il en soit, si le maire est, une nouvelle fois décrédibilisé, notamment par l'annulation de son arrêté, la déliquescence du pouvoir aura atteint son apogée...
.