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Par Lucie Soullier et Delphine Roucaute
En protestant contre la loi autorisant le mariage aux personnes de même sexe, les membres de la "Manif pour tous" ont également ravivé la polémique sur le genre. "Le vrai but du mariage homosexuel est d'imposer la théorie du genre", affirment certains détracteurs du mariage pour tous. Qui affirment, dans la foulée, que la société serait menacée par ce qu'ils assurent être une idéologie niant la réalité biologique.
Ces inquiétudes avaient déjà agité les milieux catholiques en 2011, lorsque le ministère de l'éducation avait annoncé l'introduction du concept de genre dans certains manuels scolaires. A l'époque, la polémique avait mobilisé militants conservateurs et députés. Parmi eux, 80 députés UMP avaient purement et simplement réclamé le retrait, dans les manuels de sciences de la vie et de la terre (SVT) des classes de première, de la référence à une identité sexuelle qui ne serait pas uniquement déterminée par la biologie mais également par des constructions socio-culturelles. De son côté, l'Eglise catholique avait réagi avec le texte Gender, la controverse, publié par le Conseil pontifical pour la famille.
Loin d'être une idéologie unifiée, le genre est avant tout un outil conceptuel utilisé par des chercheurs qui travaillent sur les rapports entre hommes et femmes.
- Le genre est-il est une théorie ?
Pour parler du genre, ses détracteurs utilisent l'expression "théorie du genre" plutôt qu'"étude", un changement de terme qui a pour objectif de semer le doute sur son aspect scientifique. Mgr Tony Anatrella, dans la préface de Gender, la controverse, explique ainsi que la théorie du genre est un "agencement conceptuel qui n'a rien à voir avec la science".
Les chercheurs refusent donc l'utilisation du terme "théorie du genre", préférant parler d'"études sur le genre", puisqu'il s'agit d'un vaste champ interdisciplinaire regroupant tous les pans des sciences humaines et sociales (histoire, sociologie, géographie, anthropologie, économie, sciences politiques...). Leurs travaux analysent donc des objets de recherche traditionnels tels que le travail ou les migrations, en partant d'un postulat nouveau : le sexe biologique ne suffit pas à faire un homme ou une femme, les normes sociales y participent grandement.
- Le genre est-il une idéologie ?
"Le genre est un concept. Ce n'est ni une théorie ni une idéologie, mais un outil qui aide à penser", insiste le sociologue Eric Fassin, spécialiste de ces questions. A l'intérieur même des études de genre, plusieurs écoles existent, comme dans tous les domaines des sciences sociales. Par exemple, les travaux de la sociologue du travail Margaret Maruani analysent l'histoire de l'accès des femmes au travail tandis que le psychiatre Richard Rechtman utilise la notion de genre pour interroger la manière dont un individu construit son d'identité.
- Les chercheurs sur le genre sont-ils militants ?
S'il est vrai que le développement des études de genre est lié au mouvement féministe des années 1970, le concept de gender ("genre") n'est pas créé par les féministes. Il apparaît dans les années 1950 aux Etats-Unis dans les milieux psychiatriques et médicaux. Le psychologue médical américain John Money parle ainsi pour la première fois des "gender roles" en 1955 afin d'appréhender le cas des personnes dont le sexe chromosomique ne correspond au sexe anatomique.
En 1968, le psychiatre et psychanalyste Robert Stoller utilise quant à lui la notion de "gender identity" pour étudier les transsexuels, qui ne se reconnaissent pas dans leur identité sexuelle de naissance.
C'est dans les années 1970 que le mouvement féministe se réapproprie les questions de genre pour interroger la domination masculine. Les "gender studies" ("études de genre") se développent alors dans les milieux féministes et universitaires américains, s'inspirant notamment de penseurs français comme Simone de Beauvoir – et son célèbre "On ne naît pas femme, on le devient" –, Michel Foucault ou Pierre Bourdieu.
En France, la sociologue Christine Delphy est l'une des premières introduire le concept en France, sous l'angle d'un "système de genre", où la femme serait la catégorie exploitée et l'homme la catégorie exploitante. Mais la greffe ne s'opère réellement que dans les années 1990, lorsque le débat sur la parité s'installe au niveau européen. La promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes devient l'une des tâches essentielles de la Communauté européenne avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam en 1999, notamment dans son article 2.
- Les études de genre nient-elles la différence entre les sexes ?
Le concept de genre s'est développé comme une réflexion autour de la notion de sexe et du rapport homme/femme. Loin de nier la différence entre le sexe féminin et le sexe masculin, le genre est utilisé par les chercheurs comme un outil permettant de penser le sexe biologique (homme ou femme) indépendamment de l'identité sexuelle (masculin ou féminin). Il ne s'agit donc pas de dire que l'homme et la femme sont identiques, mais d'interroger la manière dont chacun et chacune peut construire son identité sexuelle, aussi bien à travers son éducation que son orientation sexuelle (hétérosexuelle, homosexuelle, etc.).
En dissociant intellectuellement le culturel et le biologique, le concept de genre interroge les clichés liés au sexe. Par exemple, l'idée selon laquelle les femmes sont plus naturellement enclines à s'atteler aux tâches domestiques que les hommes est de l'ordre de la construction sociale et historique, et non pas liée au fait que la femme dispose d'un vagin et d'ovaires.
Pour les détracteurs du genre, la construction d'une personne en tant qu'individu se fait dans l'assujettissement à des normes dites "naturelles" et "immuables" : d'un côté les femmes, de l'autre les hommes. Mais certains travaux de biologiste, tels ceux de l'Américaine Anne Fausto-Sterling, montrent que l'opposition entre nature et culture est vaine, les deux étant inextricables et participant d'un même mouvement. Il ne suffit pas de dire que quelque chose est biologique pour dire que c'est immuable. C'est l'exemple du cerveau humain : il évolue avec le temps, et de génération en génération.
- Les études de genre confondent-elles le genre et l'identité sexuelle ?
Quand le ministère de l'éducation a annoncé sa volonté d'introduire le concept de genre dans les manuels scolaires des classes de première, la sphère catholique et conservatrice s'est insurgée contre une "théorie" quelle accusait de nier l'individu au profit de sa sexualité. Dans une lettre envoyée au ministre de l'éducation, Luc Chatel, en août 2011 et signée par 80 députés UMP, on peut lire que, "selon cette théorie [du genre], les personnes ne sont plus définies comme hommes et femmes mais comme pratiquants de certaines formes de sexualité".
Un mot d'ordre relayé par Gérard Leclerc dans un éditorial de France catholique datant de mai 2011, dans lequel il pointe la menace de ce qu'il qualifie d'"arme à déconstruire l'identité sexuelle". C'est d'ailleurs cet argument qui nourrit l'idée – répandue par la plupart des sites régionaux de La Manif pour tous – selon laquelle "le vrai but du mariage homosexuel est d'imposer la théorie du genre".
Mais les études sur le genre, et a fortiori le texte proposé pour les manuels de SVT par le ministère, insistent au contraire sur la différence entre identité sexuelle et orientation sexuelle. Il s'agit d'étudier comment s'articulent ces deux mouvements entre eux, et non de substituer l'un à l'autre. Par exemple, les personnes transsexuelles interrogent leur genre, et non pas leur sexualité. On peut changer de genre sans changer de préférence sexuelle.
Dans une réponse au député UMP Jean-Claude Mignon qui, dans une question à l'Assemblée, demandait que les nouveaux manuels de SVT soient retirés de la vente, le ministre de l'éducation Luc Chatel souligne bien que "la 'théorie du genre' n'apparaît pas dans le texte des programmes de SVT". "La thématique 'féminin/masculin', en particulier le chapitre 'devenir homme ou femme', permet à chaque élève d'aborder la différence entre identité sexuelle et orientation sexuelle, à partir d'études de phénomènes biologiques incontestables, comme les étapes de la différenciation des organes sexuels depuis la conception jusqu'à la puberté", ajoute le ministère.
Il y en a certains pour qui les études ça n'est également pas trop le genre. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils tendent à devenir de véritables professionnels de la politique ? Pas vrai RL ?
RépondreSupprimerTom Jericho.
des études portables? signé FOXBAT.
SupprimerTout à fait.
SupprimerVous êtes durs avec RL; c'est une vraie caution pour le PS62 qui peut s'en servir comme il l'entend. Et même s'il arrive à RL d'avoir une velléité de révolte, celle -ci est vite apaisée: "un Mars, et ça repart" ! un vrai dignitaire du système, une vraie richesse pour un parti 62 en manque d'imagination, mais qui a besoin d'un peu de poil à gratter, histoire de montrer qu'on est un parti démocratique ouvert sur la société pluriculturelle... une vraie caution, je disais.
SupprimerSoit ! Donc il s’agit d’un concept qui permet la réflexion, non d’une idéologie. Mais ce concept – la possibilité de séparer l’identité biologique et l’identité construite – est lui-même un postulat d’ordre idéologique.
RépondreSupprimerUne étude scientifique vous place devant des faits. Une idéologie doit pouvoir s’exprimer et aussi se discuter, être contestée - ce que M. Alpern permet sur son blog, et je l’en remercie -. Une idéologie doit laisser place au choix, à la conviction, à la liberté de conscience et de pratique, autrement elle tourne au totalitarisme.
Une idéologie peut se discuter au lycée, dans le cadre de cours de philosophie ou de civilisation. Elle ne doit pas être enseignée comme une vérité vraie aux enfants dès le plus jeune âge. L’introduction forcée et forcenée de l’idéologie du genre à tous les niveaux de l’enseignement a déjà commencé (sans même attendre la loi : « ils » sont pressés).
Contre cela, se lève une résistance qui vient des familles. Elle se poursuivra, sous des formes diverses. C’est une guerre civile « soft » face à un totalitarisme idéologique. Ne touchez pas à nos enfants !
Le post du 11 mais de M. Alpern avec les vaches m’a inspiré. Je vous propose quelques ajouts de mon cru.
Hollandisme : vous avez deux vaches.
Vous les mariez pour qu’elles fassent des petits veaux. Vous lancez le taureau sur la manifestation qui s’ensuit.
Hollandisme : vous avez deux vaches.
L’une d’elles s’enfuit à l’étranger parce que vous avez taxé son lait à 75%. Vous lancez un programme d’éducation des jeunes taureaux pour qu’ils produisent du lait.
Hollandisme : vous avez deux vaches.
Vous n’arrivez pas à comprendre d’où sortent les 200 vaches qui défilent dans la rue (20 selon la police de M. Vallche).
Hollandisme : vous avez deux vaches.
Vous épinglez leur portrait sur le mur des cons avec pour légende : mort aux vaches !
Hollandisme : vous avez deux vaches.
Vous supprimez le mot « vache » du dictionnaire pour lutter contre le vachisme… vous ne savez plus quoi dire… Ah oui : les vaches ne sont qu’une construction sociale, vous êtes libres d’être vaches ou pas.
Puisque , à chaque catholique , on enseigne que Marie a été enceinte par l'opération du Saint Esprit , pourquoi ne pas autoriser les couples d'homosexuelles à agir de la même Façon ! Elles en seraient mille fois heureuses , et pourquoi ceux qui ont la foi seraient à ce point cruels pour leur interdire cette espérance et joie ?
SupprimerIl ne me semble pas que M. Lapierre soit Catholique. Il y a un régime de discours d'ordre politique et il y a un régime de discours d'ordre religieux. Ce sont deux choses différentes. Cela ne veut pas dire que la politique peut se passer de la théologie, ou d'un fondement théologique, nous le savons bien. Mais ça veut dire , et Saint Thomas le précisait déjà, au moyen-âge ( vous avez des siècles de retard ) que confondre les deux, c'est être sot.
SupprimerCela dit, vous touchez juste sur un point , il s'agit d'agir "de la même façon". C'est à dire , nous allons faire comme si deux homosexuelles sont les nouvelles Marie, et surtout , comme si , nous pouvons, nous , humains, agir par notre simple volonté, comme Dieu... C'est le projet, se prendre pour Dieu, vous avez bien vu le problème : croire que nous sommes , nous, tout puissant, que nous avons le droit de tout faire, que nous pouvons tout faire. Quand tout est possible....
non , nous humains , justement parce que l'on est humain, que cette haine , cette stupidité nous est insupportable .La première des choses à prendre en compte est la réalité , ce qui est prouvé , irréfutable , ensuite chacun pense comme il le veut mais laissez nous vivre avec "Nos Principes basés sur du réel "
SupprimerCa fait quand même plaisir que ce blog puisse ainsi permettre des échanges entre ses lecteurs. C'est quand même un sacré progrès dans une région qui n'a pas pour habitude de permettre ainsi des opinions s'échanger en toute liberté.
SupprimerJ'ai la conviction que le rôle des gens d' Eglise -fut elle protestante- devrait s'affirmer davantage à travers des réflexions et des analyses qui permettent à chacun d'exciter les neurones. Ce travail -qui n'est plus fait par ceux qui devraient montrer le chemin de la République- pourrait être repris par ceux qui ont l'humilité de croire qu'ils ne sont pas Dieu et qui cherchent la vérité sans pour autant mépriser l'autre.
Cet article du monde n'est bien fait qu'en apparence. Toujours facile, de discuter d'une idée, quand il n'y a qu'une seule instance pour en parler ( et en l'occurence, deux cerveaux ! ).
RépondreSupprimerLe concept est fumeux, jamais défini et pas clair.
Les adversaires convoqués sont curieusement choisis et les références sont partagées de mauvaise foi ! Aux partisans des Gender Studies : les sociologues, les psychiatres, les psychologues , et les philosophes ( morts, bien sûr, comme ça , ils ne peuvent pas contester le fait qu'on les fait parler pour dire n'importe quoi) , de l'autre côté... un religieux... Le débat est vraiment présenté par les journalistes de façon impartiale et objective !
Les véritables problèmes que posent ce débat ne sont pas soulevés. Les journalistes posent des questions qui ne posent pas problème pour faire comme si, en fait, de problèmes , il n'y en avait pas.
Pour faire simple, quand certains disent que la loi taubira, impose les études de genre, c'est tout à fait différent de ce que les journalistes veulent bien le dire. Leur argumentation est : Puisque selon les études de genre, le masculin et le féminin sont des constructions sociales et historiques, la construction de l'individu peut s'autoriser une liberté quant à son identité sexuelle. Exemple caricatural : La virilité n'était masculine que par construction, représentation, une femme peut choisir la virilité, se construire une virilité, ou pratiquer une revandication de la virilité. Or, l'application du schème masculin/féminin à la génération donne Père/Mère ( et on connait le partage des assignations qui reviennent au père, d'une part, et à la mère, de l'autre). Or , ce sont des construction ; pourquoi l'homme devrait il accepter la construction sociale du père? Cela n'est plus. L'homme peut, et il a le droit d'être une mère comme les autres. Dans cette considération, où il n'y a plus de père, ni de mère, il n'y a que des parents. On en arrive à l'adoption de la loi Taubira , qui indique qu'un enfant peut avoir deux pères, ou deux mères ; ce qui n'est pas pensable en dehors des études de genres.