Malheureusement, les résultats des élections en Finlande, dimanche 17 avril, auront consolidé un peu plus encore l'analyse de Dominique Reynié: la vague populiste menace chaque jour davantage une Europe vieillissante, frileuse et inquiète.
Avec 19 % des voix, le parti des Vrais Finlandais,  xénophobe et eurosceptique, y a réalisé une percée spectaculaire et fait  désormais jeu égal avec les conservateurs et les sociaux-démocrates. A  l'instar des mouvements enregistrés, depuis une dizaine d'années  surtout, dans des pays aussi divers que la Norvège et la Bulgarie,  l'Autriche et la Hollande, la Suisse, la Hongrie... ou la France. Au  total, 27 partis de droite extrême quand ils ne sont pas ouvertement  d'extrême droite, ont acquis une influence significative dans 18 pays  européens.
C'est ce phénomène d'ensemble que le directeur général  de la Fondation pour l'innovation politique s'emploie à explorer et à  comprendre, pour mieux mettre en garde contre le danger qu'il  représente. Sans s'encombrer de débats théologiques, il entend par  populistes ces mouvements qui ont fait de la protestation, de la xénophobie et de la dénonciation des élites leur fonds de commerce. Mais il s'agit, pour l'auteur, d'un populisme "  d'un type nouveau, un populisme patrimonial fondé sur la défense  conservatrice et virulente d'un patrimoine matériel (le niveau de vie)  et d'un patrimoine immatériel (le style de vie) ".
Tout  contribue à l'alimenter. La globalisation ne conduit pas seulement au  triomphe du marché contre l'Etat régulateur et protecteur sur lequel  était bâti le modèle européen, d'inspiration social-démocrate, depuis  des décennies; il fait naître, également, la crainte du déclassement,  individuel autant que collectif.
Dénégation
Le  vieillissement et l'affaissement démographique de l'Europe ne sont pas  moins déstabilisants. Ils ont fait de l'Union européenne le " premier pôle migratoire du monde " et y ont introduit, peu à peu, deux formes de contentieux : le premier, " économique et social, porte sur les questions d'emploi et de salaire " ; le second, culturel, voit les immigrés - en particulier musulmans - accusés de menacer les identités nationales.
Les mouvements populistes font leur miel de ce profond changement de décor démographique. " Le passage d'un contentieux économique à un contentieux culturel "  leur permet d'élargir fortement leur assise sociologique et politique.  En outre, la complexité de ces questions et la crainte d'alimenter  discours et considérations racistes ont conduit les élites politiques à  esquiver ces réalités. Cela n'a fait qu'attiser le soupçon d'une  dénégation et nourrir un peu plus les réflexes xénophobes. Une forte  dose de refus de toute augmentation des impôts complète le tableau.
Dominique  Reynié décrit fort bien, enfin, la menace qu'exerce ce populisme à la  fois sur la social-démocratie et sur la droite de gouvernement,  concurrencée sur le terrain " du conservatisme matériel et identitaire ". La droite, estime-t-il, n'est pas assurée de remporter cette compétition "  car les assises électorales du populisme patrimonial sont  potentiellement beaucoup plus larges que celles de l'extrême-droite  classique ". Rude leçon pour l'Europe; rude conclusion, également,  en France dès lors que la majorité entend concurrencer le Front national  sur son propre terrain. 
Le livre du jour
Gérard Courtois
Populismes : la pente fatale
Dominique Reynié
Plon, 288 p., 19,50 euros
© Le Monde 20 avril 2011
 
 
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