Ecotaxe : pourquoi le contrat Ecomouv' vire-t-il à la polémique ?
Le Monde.fr | 05.11.2013
Qui veut encore du contrat avec Ecomouv' pour la mise en place de l'écotaxe ?
La question peut se poser tant les politiques, à gauche comme à droite,
rivalisent de critiques envers ce partenariat public-privé.
Coût "aberrant" pour Jean-François Copé, société qui "ne s'est
pas acquitté de ses responsabilités" pour Pierre Moscovici, tandis que
Xavier Bertrand estime qu'un "impôt doit être collecté par l'Etat".
Seule l'ancienne ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet,
responsable en partie de la mise en place de contrat, le défend, en taclant les
membres de son parti, "pas très courageux".
Ce contrat est-il vraiment scandaleux ? Retour sur les faits.
1/ Qui a décidé de ce contrat ?
Le Grenelle de l'environnement, en 2008, avait acté la mise en place d'une
taxe spécifique sur les poids lourds, avec pour but de modifier les
comportements en poussant à l'usage de transports moins polluants, mais aussi de
faire participer ce secteur à l'entretien des moyens et infrastructures de
transport. Cette écotaxe, permise par l'Europe dans le cadre de la directive
"Eurovignette", faisait alors l'unanimité à gauche comme à droite.
Mais la mesure pose des défis techniques : il faut pouvoir taxer les camions
de plus de 3,5 tonnes, français et étrangers, sur certaines routes uniquement.
De plus, l'Europe exige des systèmes compatibles avec d'éventuels futurs
télépéages européens. Rapidement, l'Etat décide de mettre en place un
partenariat public-privé, et donc de confier la collecte de l'écotaxe à une
société privée. L'appel d'offres à la concurrence est lancé en
mars 2009 par Jean-Louis Borloo – qui assure depuis n'avoir "rien
signé" – et Dominique Bussereau, ministres de l'écologie et des
transports. En août, la loi Grenelle II confirme la mise en place de l'écotaxe,
prévue pour 2011.
Le 26 novembre 2011, le ministère remet sa réponse. Nathalie
Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani, alors à l'écologie et aux transports,
donnent leur classement des offres reçues. Mme Kosciusko-Morizet, qui
disait n'avoir "pas initié" ce contrat, qui aurait été "lancé avant
et signé après" son passage au ministère, exagère donc quelque peu : c'est
bien elle qui a signé la réponse attribuant le marché à la société italienne
Autostrade, classée première, suivie de Sanef, puis de France Telecom.
Les documents officiels ne précisent pas le montant que touchera la société
en charge de la gestion de l'écotaxe. Mais le communiqué du ministère, le 18
janvier 2011, encore consultable en ligne, précise bien que "le coût de
la collecte tel qu'il ressort de l'offre la mieux classée est de l'ordre de 20 %
des recettes". Difficile dès lors de croire les personnalités politiques
qui affirment ne pas avoir été au courant.
Il faudra cependant attendre la conclusion des nombreuses actions judiciaires
lancées par les concurrents d'Ecomouv' pour que la procédure se remette sur les
rails. Un décret est signé le 4 mai 2012, et aussitôt repris par le gouvernement
Ayrault, qui relance des négociations autour de l'écotaxe avec les transporteurs
autour d'une forfaitisation des montants acquittés. Par ailleurs, si la justice
administrative a rejeté les plaintes des concurrents d'Ecomouv', une enquête
pour "corruption" est toujours instruite au parquet de Nanterre.
2/ Le coût de collecte est-il "scandaleux" ?
Le contrat signé avec Ecomouv', groupement d'entreprises monté par l'italien Autostrade
(actionnaire à 70 %, le reste se répartissant entre Thales, SFR, SNCF et Steria)
et d'autres entreprises françaises, prévoit des recettes de l'ordre de 1,2
milliard d'euros par an. Durant treize ans, Ecomouv' doit toucher 230 millions
d'euros annuellement pour sa gestion de la taxe, soit 20 %, environ, du montant
de celle-ci.
Est-ce très élevé ? C'est ce qu'affirme dans un rapport la sénatrice (PCF) de
Moselle Evelyne Didier en février 2013. Selon elle, "habituellement, pour
des organismes de ce type, la norme se situe plutôt entre 2 % et 3 %". Mais
ce contrat est atypique par les moyens technologiques mis en place, et tout le
monde n'est pas d'accord. Ainsi, Marie-Hélène des Esgaulx, sénatrice UMP et auteure d'un
rapport sénatorial en février sur le même sujet, estimait que "le coût
global du contrat de partenariat, bien qu'élevé, ne semble pas surestimé",
et rappelait qu'Ecomouv' était le moins cher des trois concurrents. Un troisième rapport parlementaire, en mars, évoque un ratio
"coûts de gestion par poids lourd et par kilomètre [...] très modéré, de 0,22 à
0,23 en France, contre 0,26 à 0,27 en Suisse et en Allemagne".
On peut, en revanche, comparer avec les taxes instaurées à l'étranger. En
Allemagne, selon un rapport parlementaire d'Hervé Mariton en 2011, la société Toll
Collect, qui se charge de collecter l'écotaxe (baptisée LKW Maut), touchait, en
2009, 600 millions d'euros pour 4,4 milliards d'euros collectés. Le rapport est
donc de 13,6 %, bien moins que les 20 % obtenus par Ecomouv', mais ceci
s'explique en partie par l'importance des coûts fixes consentis. Ainsi, en
Slovaquie, la société prestataire (la française Sanef) a prélevé, en 2010, 110
millions d'euros sur les 141,4 millions d'euros collectés !
3/ Y a-t-il eu des politiques pour s'opposer à cette taxe lors de sa
création<?
Thierry Mariani, qui signa en tant que ministre des transports l'appel à la
concurrence, dénonçait mardi 5 novembre le "bal des faux culs" autour
de cette taxe. Sans doute à juste titre : elle obéissait dans son principe à un
consensus droite-gauche sur la fiscalité écologique. Et personne ne s'est
réellement élevé, avant les incidents en Bretagne, contre sa mise en œuvre par
Ecomouv' ni contre le contrat signé à l'époque.
Un signe parmi d'autres de ce consensus : le projet de départ ne prévoyait
pas de financer les collectivités locales. Celles-ci ont obtenu, en 2009, le
droit de toucher une partie de la manne (prévue initialement pour aller abonder
l'Agence de financement des infrastructures de France) : 160 millions d'euros au
total.
Comme le rappelait un
rapport parlementaire du 28 mars, rédigé par la députée UMP Catherine
Beaubatie :
"Le gouvernement avait proposé, en août 2009, un linéaire de réseau local taxable limité à 2 000 km, et c'est en réponse aux demandes de la majorité des conseils généraux qu'il a proposé en mai 2010 une version révisée de la consistance de ce réseau comprenant près de 5 000 km. Seuls 30 départements (parmi lesquels l'Ardèche, le Cantal, la Dordogne, le Finistère, le Nord, la Savoie…) ont souhaité qu'aucun tronçon de leur réseau routier local ne soit taxable."
4/ Est-il possible de revenir sur l'écotaxe ?
Les "bonnets rouges" bretons réclament le
retrait pur et simple de l'écotaxe. Mais un tel retrait serait aujourd'hui
complexe. Ecomouv' a en effet réalisé les investissements nécessaires au
lancement de la collecte (183 portiques, 800 000 boîtiers intégrés aux camions,
notamment), et dépensé environ 600 millions d'euros. Sans compter le recrutement
de 200 personnes pour le centre de gestion du dispositif, installé à Metz.
Selon le ministère des transports, le contrat de partenariat prévoit le
remboursement des sommes investies en cas d'annulation de la taxe. L'Etat aurait
donc à payer pour les investissements consentis. Il va d'ores et déjà devoir le
faire rapidement : dès lors qu'Ecomouv' estimera avoir rempli sa part du contrat
et "livré" le dispositif fonctionnel, la société pourra réclamer chaque mois
environ 18 millions d'euros de "loyer" à l'Etat, ce qui devrait intervenir avant
la fin 2013.
Il faut aussi compter le manque à gagner pour l'Etat. Le projet de loi de
finances pour 2014 prévoyait en effet 1,14 milliard d'euros de recettes, qu'il
faudra compenser si l'écotaxe est abandonnée. "S'il y a un manque à gagner
sur l'écotaxe, nous chercherons à trouver des compensations par des mesures
d'économies", a promis le rapporteur socialiste du budget, Christian
Eckert. On peut également ajouter à ce surcoût le remplacement des sept portails
détruits par les opposants à la taxe – qui valent autour d'un million d'euros
chacun. Au final, si on additionne le manque à gagner et les frais engendrés,
l'abandon pourrait revenir à près de 2 milliards d'euros à la France.
Reste un angle d'attaque possible : en Allemagne, le gouvernement avait
renégocié le contrat passé avec l'opérateur privé Toll Collect, arguant que ce
dernier n'avait pas respecté la totalité de ses obligations. Pierre Moscovici,
ministre de l'économie, a déjà promis une "négociation très serrée"
avec Ecomouv', qui ne s'est, selon lui, "pas acquitté de ses
responsabilités".
Renégociation ou non, force est de constater que l'écotaxe faisait l'objet,
sur son principe, d'un consensus droite-gauche qui a perduré jusqu'aux récentes
protestations. Et que jusqu'à ces derniers jours, personne ne s'était réellement
élevé pour dénoncer le partenariat mis en place avec Ecomouv'.
Samuel Laurent
Journaliste au Monde
le décret a été signé la veille du second tour de la présidentiel...le 04 mai 2012..
RépondreSupprimerencore une affaire plus que douteuse pour la droite...dailleurs si Dati, Coppé tire a boulet rouge c'est qu'il y a quelque chose de louche..."quand c'est flou c'est qui a un loup"dixit Martine Aubry
Bayrou et borloo s allient quelle surprise.... On croyait avec pp et cc que le modem était de gauche
RépondreSupprimerCe sont donc des girouettes CQFD
qui décide ? à mon avis les hauts fonctionnaires car nos hommes politiques sont débordés avec le cumul des fonctions et leur présence ( de plus en plus ) sur les plateaux de TV et à la radio .On les voit partout LCP ,BFMTV , I-télé.... et ils passent leur temps maintenant à papoter au lieu d'étudier les dossiers
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