La démocratie peut-elle s'implanter partout ?

Je me suis toujours posé la question de savoir ce que j'aurais fait durant la seconde guerre mondiale : aurais-je été résistant, collabo ou indifférent ? Cette question s'est transformée ces derniers temps en : que ferais-je si j'étais ukrainien  ou égyptien ou encore syrien ? Citoyen russe, m'opposerais-je à Poutine ? Ceux qui se sont opposés à ce despote se sont vite retrouvés dans une des nombreuses geôles du pays ou au Goulag...Ces dernières réflexions posent deux problèmes très liés :

1- Est-ce que la notion de démocratie est seulement un credo occidental ? 

Les Russes et les Chinois nous répondent que la démocratie ne saurait se concevoir dans des pays aussi grands que les leurs. Ou encore que le temps passant, leurs populations s'éduqueront au fur et à mesure et pourront jouir, dans un avenir plus ou moins lointain, de ce que nous appelons la démocratie. Les Ukrainiens, eux, se heurtent à un pouvoir despotique et corrompu. On notera que la corruption et les privilèges règnent en maître en Chine et en Russie également. Concluons provisoirement que dans ces pays ex-communistes ou toujours communistes, l'excuse de l'impréparation des peuples sert de caution aux privilèges d'un petit nombre. C'est bien la situation qui régnait en 1789 en France. Aujourd'hui, Internet, même censuré et expurgé partiellement, change la donne : en Chine et en Russie la résistance se fait jour et s'étend au cœur de la population : les Chinois viennent d'apprendre comment les proches des dirigeants "jouent" avec les paradis fiscaux; les Russes, plus difficilement, probablement du fait de l'importance de la religion, soutien du régime, sont un peu en retard dans leur lutte contre l'obscurantisme du régime.

Dans les régimes musulmans, qu'ils soient chiites ou sunnites, avec quelquefois domination d'une minorité, peu nombreux y sont les résistants laïques. La rébellion syrienne en est un "bon" exemple : les partisans d'un état laïque ne sont plus qu'une minorité face aux autres membres de la coalition résistante au régime d'Assad, et sont majoritairement partisans d'un pouvoir théocratique face aux alouites (des chiites). Dans ce drame syrien où interviennent toutes les composantes de l'islam et où le leadership de la région se joue entre l'Iran et l'Arabie saoudite, on peut se demander comment face à ces oppositions frontales, certes religieuses, mais surtout géo-stratégiques, on peut croire en un aggiornamento. La seule solution est, bien entendu, un équilibre dans chaque pays, mais également dans la région. Cette issue est pour le moment très problématique et la démocratie, même réduite à sa plus simple expression, n'est pas pour demain.

Pour mémoire, on rappellera que la situation est toute aussi désolante dans les pays africains : l’Égypte sombre dans une nouvelle dictature, le Soudan est à nouveau l'objet de guerres intestines à caractère religieux (Soudan du Sud), la Centrafrique est en équilibre précaire, les autres pays ne connaissent pas la démocratie (à quelques exceptions près).

Seule la Tunisie suscite un réel espoir. Elle, qui a servi d'exemple aux autres printemps arabes, aujourd'hui en voie d'échec, semble en voie de démocratisation et son projet de constitution a exclu la charia comme fondement du droit.

Même la Turquie, phare de la laïcité en pays musulman, semble faire marche arrière, Erdogan s'enfonçant de plus en plus dans un conservatisme favorable à la suprématie de la religion.

2- Que peuvent faire les pays occidentaux ?

On a vu que l'interventionnisme (Libye, Irak, Afghanistan...) n'a pas donné les résultats escomptés. L'ONU est impuissante du fait d'intérêts divergents. On a vu comment la Chine et la Russie ont bloqué toute solution en Syrie.

Les intérêts économiques occidentaux ne plaident pas en des solutions fermes basées sur les droits de l'homme. Ainsi les USA ne peuvent-elles heurter l'Arabie Saoudite et les autres pays du golfe Persique, monarchies pétrolières dont les États-uniens ont tant besoin économiquement et géo-stratégiquement (bases militaires sur place). Face à ces pays sunnites favorables aux Occidentaux, la Syrie, l'Iran et l'Irak, à majorité chiite et anti-US, ne laissent pas espérer une issue heureuse, à court et moyen terme, sur l'évolution de pays loin des idéaux de liberté.

L'exemple de la Tunisie, le développement d'Internet, l'émergence d'une classe politique laïque (même islamisée), la "pédagogie " occidentale, la mondialisation sont des thèmes qui peuvent provoquer l'éveil de populations asservies par la religion et des leaders tout aussi "profiteurs" que ceux qui ont été cités plus haut (Chine, Russie, Ukraine, etc).

Pas très optimiste, tout cela...