L'homme de la synthèse

C'est vrai que François Hollande se révèle, pour la seconde fois cette année, l'homme de la synthèse nationale. Il a su prendre cette hauteur de vue que nécessite la fonction. 

Ce n'est pas le moment d'opposer le reste de sa politique, intérieure notamment : on retrouvera suffisamment tôt les critiques sur l'action menée par le gouvernement.

Mais je voudrais m'élever ici contre tous ceux qui portent atteinte à l'intelligence de cet homme. Oui, FH n'était probablement pas fait pour être Président de la République, mais de là à le traiter de tous les noms et adjectifs les plus vils, comme on le voit souvent, notamment sur les réseaux sociaux ou en commentaires d'articles publiés dans les médias, cela décrédibilise ceux qui s'adonnent à ce Hollandebashing.

Ayons, tous, cela en tête, au moment où l'on va aborder les dix-huit derniers mois avant les présidentielles. Le débat national, qui aura lieu, y gagnera...

L'image de la France également... 

Le Monde 

Editorial du 20/11/2015

L'union nationale, privilège présidentiel

Depuis les attentats qui ont endeuillé et traumatisé la France le 13 novembre, le président de la République en appelle à l'unité du pays dans l'épreuve. Plus encore qu'après les attentats de janvier, il a fait de l'union nationale l'arme la plus sûre pour résister et riposter au défi lancé par le terrorisme djihadiste.

Il l'a dit, lundi 16 novembre, devant les parlementaires réunis à Versailles. Il l'a répété, avec plus de force encore, devant le congrès des maires de France, mercredi : " Le dessein des terroristes est de plonger notre pays dans l'effroi et la division. Nous devons donc veiller à préserver l'unité qui fait notre force. Notre cohésion sociale est la meilleure réponse, et notre union nationale en est l'expression. " Et d'ajouter : " Face à la menace terroriste, il n'y a plus de clivages partisans qui tiennent. "

Cet appel est logique et légitime. Il relève en premier lieu, c'est l'évidence, de la responsabilité du chef de l'Etat. Dans des moments aussi graves, au-delà de l'émotion et de la colère, c'est à lui qu'il revient d'exprimer et d'incarner la cohésion et la détermination sans faille du pays. Il en est le garant et l'ordonnateur.

En janvier déjà – et à la surprise de beaucoup –, François Hollande avait assumé ce rôle sans hésitation. Il confirme, aujourd'hui, que sa personnalité même l'y prédisposait. Pendant plus de dix ans, à la tête du Parti socialiste, il s'était imposé comme le champion de la synthèse. A la tête de l'Etat désormais, il saisit l'occasion dramatique qui lui est donnée pour proposer une synthèse patriotique et nationale. Ainsi, qu'il s'agisse du renforcement sans précédent de l'arsenal des mesures de sécurité intérieure ou qu'il s'agisse de l'inflexion vigoureuse des options diplomatiques et militaires de la France contre l'organisation de l'Etat islamique, il n'a pas hésité à bousculer quelques credo de la gauche et à retenir bon nombre des propositions formulées par la droite ces derniers temps.

En outre, il ne fait pas de doute que cette attitude rencontre pleinement son intérêt. En brandissant ainsi l'intérêt supérieur du pays, en se plaçant au-dessus des querelles subalternes, en s'efforçant de se situer au centre de gravité du pays, il renvoie cruellement la droite à ses incertitudes et à ses divisions. Les divergences publiques de ses principaux leaders, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé notamment, et plus encore l'attitude affligeante des députés Les Républicains, mardi à l'Assemblée nationale, en ont fait la démonstration.

En politique chevronné, M. Hollande aurait tort de se priver de cet avantage. Et d'en tirer bénéfice maintenant, car il ne durera pas. En effet, l'idée même d'union nationale va à rebours de la logique même de nos institutions et de notre vie politique. Depuis un demi-siècle, l'élection présidentielle et les élections législatives et locales qui la complètent ont imposé un affrontement binaire entre deux camps antagonistes, gauche contre droite ou l'inverse. L'irruption de l'extrême droite dans cette mécanique en complique les modalités, mais n'en change pas la logique.

Ce que l'on a pu qualifier de guerre civile froide interdit, on le sait, les majorités d'idées et les coalitions politiques qui pourraient les soutenir. Le chef de l'Etat a tout intérêt à récuser, aujourd'hui, les " clivages partisans ". Car ils ne tarderont pas à s'imposer de nouveau. En attendant, il a la main et l'avantage.