Je ne me suis pas exprimé, ces derniers mois, sur le recours du FN contre l'élection législative dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais. Une fois, sur ce blog, et à diverses reprises, oralement, quand on me demandait mon avis, je répondais que je n'avais pas les éléments pour juger. Il fut un temps, en septembre et octobre, où les bruits les plus divers faisaient que le moindre évènement local était interprété comme la confirmation de l'annulation de l'élection. Une visite de M. Le Pen ou de JL Mélenchon, un collage d'affiche, étaient interprétés comme la preuve que l'on allait voter à nouveau ("si on les voit aussi souvent, c'est qu'on va revoter"). Le FN menait la danse, bien sûr, et ses affidés affirmaient leur confiance en une nouvelle élection; sur son blog, le FN prenait soin de dire que si la décision leur était défavorable, c'est bien parce qu'elle serait politique.
En novembre, le ton changea et beaucoup d'observateurs, ainsi que des hommes politiques de tous horizons, modifièrent leur opinion, persuadés, on ne sait toujours pas pour quelles raisons, que, finalement, l'élection serait confirmée. J'avoue que c'est à la mi-novembre que je pris connaissance du contenu du mémoire en réponse du FN, suite à la défense de P. Kemel. Je m'en suis ouvert auprès de peu de monde, mais je trouvais l'argumentation assez faible, et je concluais toujours: je n'ai pas tous les éléments du dossier pour me faire une idée précise.
J'ai donc appris la nouvelle ce vendredi matin: à savoir que l'on ne revoterait pas. Et, en bon citoyen, avant d'avoir lu les considérants, j'ai pris acte de la décision.
Le fait de remettre en cause la légitimité d'une décision d'une instance républicaine, parce que cette décision ne va pas dans son sens, est un acte anti-républicain qui confirme bien le malheur qui pourrait s'abattre sur la France si ceux qui remettent en cause la Constitution arrivaient au pouvoir. Les critiques portent sur les membres du Conseil Constitutionnel. Je n'ai pas beaucoup d'estime pour certains d'entre eux, mais jamais je ne remettrai en cause leur honorabilité, parce qu'ils ont appartenu à tel ou tel parti ou que leur passé ne plaisait pas. Voici les personnes qui ont siègé à l'occasion de la décision et dont le FN remet en cause la partialité:
Madame Claire BAZY MALAURIE, nommée, en 2006, Présidente de chambre à la Cour des Comptes; Guy CANIVET, 1er Président de la Cour de cassation depuis 1999; Michel CHARASSE, juriste (et diplomé de Sciences Po), ancien sénateur et ministre; Renaud DENOIX de SAINT MARC, énarque, juriste renommé (Vice-Président du Conseil d'Etat); Jacqueline de GUILLENCHMIDT, juriste, conseiller d'Etat; Hubert HAENEL, magistrat, sénateur; Pierre STEINMETZ, (droit, Sciences Po, ENA), haut-fonctionnaire, directeur de cabinet du 1er Ministre Raffarin. Ces personnes ont siégé avec le Président Jean-Louis Debré et le Vice-Président Jacques Barrot. Le 1er, docteur en droit, fut juge d'instruction, député, ministre. Le second, avocat, ministre, Vice-Président de la Commission Européenne.
Je pense que ces personnes, quelles que soient leur convictions politiques, ont rendu une décision en leur âme et conscience. Ce sont tous des juristes avec des expériences juridiques, administratives et politiques prestigieuses. Remettre en cause le Conseil Constitutionnel, c'est remettre en cause la Constitution française et donc la République. S'il fallait une nouvelle preuve que non seulement le FN n'est pas démocrate, mais qu'il , de plus, anti-républicain, sauf quand cela l'arrange, on l'a aujourd'hui!
Alors quand j'entends ceux qui sont manipulés par le FN, déclarer que la justice est pourrie, que les tricheurs ont gagné, je dis halte-là! On ne peut pas instrumenter les gens en leur faisant croire qu'une institution judiciaire est "vendue". Ce qui se passe est grave et va bien au-delà du rejet de la requête.
Le Conseil Constitutionnel a jugé que non seulement il n'y avait pas tricherie (12 votes annulés), mais que les conditions dans lesquelles le vote a eu lieu ne sont pas susceptibles d'être remises en cause.
Faire croire le contraire est un acte grave. Je suppose que les membres du Conseil Constitutionnel ne resteront pas les bras croisés devant les mises en cause de leur probité. J'espère, d'autre part, que l'Etat réagira devant les attaques d'une institution de la République, qui plus est, judiciaire. J'invite, de plus, P. Kemel, à citer en diffamation tous ceux qui le traitent de tricheur, puisque les Sages l'ont lavé de tout soupçon. Quant à moi, j'ai censuré les nombreux commentaires qui ont, depuis hier, proliféré sur ce blog, car il me rendrait complice de cette diffamation et de ces injures.