Hollande-Macron, récit d’un parricide
S’il doit beaucoup à François Hollande,
le candidat d’En marche ! a capitalisé sur l’impopularité et la fragilité du
chef de l’Etat. Une opération menée de main de maître.
Il ne peut pas ne pas y penser. A cette matinée de mai, dans la cour
d’honneur de l’Elysée, où il pourrait remettre à Emmanuel Macron, si c’est lui
que les Français ont choisi, les clés de ce palais qu’il aura occupé pendant
cinq ans. Lui, le président sortant, se faire raccompagner sur le perron par
son ancien conseiller âgé de 39 ans, jamais élu, inconnu des Français il y
a encore trois ans, auquel il aura donné, sans le vouloir, sa place et son
destin. Cruauté de la vie politique. Chez tout autre que lui, un tel scénario
provoquerait rage et sentiment d’humiliation. Mais François
Hollande semble prendre son parti de cette éventualité inédite. Comme à son
habitude, il s’en tire par une pirouette : « Je ne vais pas
m’accrocher aux rideaux, me cacher dans un coin, dire à Emmanuel : “Retourne
dans ton bureau, je garde le mien !” »
La trahison se paie souvent cash en politique. Mais l’élève aura réussi la
prouesse de ne pas abîmer son image en prenant peu à peu la place du maître. « Le
hold-up du siècle », résume la ministre de la santé, Marisol
Touraine. Ou le crime parfait. « Il y aura Clausewitz, Sun Tzu et
Emmanuel Macron », dit le patron des députés socialistes, Olivier
Faure. Reste une question qui hante le chef de l’Etat et les siens : tout
cela était-il prémédité ? Depuis quand le natif d’Amiens regarde-t-il le
bureau de François Hollande, au premier étage du palais, en se disant qu’il
pourrait être le sien ?
« Je te présenterai qui il faut »
La première fois qu’il a rencontré Emmanuel Macron, le président s’en
souvient encore. C’était en 2008. L’ancien conseiller spécial de François
Mitterrand, Jacques Attali, tient à lui présenter un nouveau talent. Sorti de
l’ENA en 2004, membre de la prestigieuse inspection des finances, soutien
de Jean-Pierre Chevènement en 2002, le jeune loup qui se pique de
philosophie et de littérature rêve surtout de politique.
Les trois hommes se retrouvent au Bristol, un palace de la rive droite,
pour un verre. Hollande termine alors son mandat de premier secrétaire du Parti
socialiste. Le jeune Macron, qui a déjà su s’attirer les bonnes grâces de bon
nombre de messieurs importants dans le monde politique ou dans celui des
affaires, fait des étincelles comme rapporteur de la « commission Attali
pour la libération de la croissance », nommée par Nicolas Sarkozy. Il
brigue une implantation dans le Nord-Pas-de-Calais. « Si tu veux
cette vie-là, je te présenterai qui il faut », lui promet
Hollande, séduit par l’intelligence du prodige. Aujourd’hui, il
relativise : « Je n’ai pas été particulièrement ébloui… C’était
un jeune haut fonctionnaire qui voulait faire de la politique. »
Les caciques du vieux parti d’Epinay s’opposent à l’arrivée d’un énarque
jamais passé par le syndicalisme étudiant ou par le Mouvement des jeunes
socialistes (MJS). Emmanuel Macron comprend qu’il devra patienter longtemps
avant de décrocher une investiture. Ce sera donc le privé et la banque
Rothschild. Mais les retrouvailles avec François Hollande se feront plus vite
que prévu, cette fois par l’intermédiaire de Jean-Pierre Jouyet, l’ami intime
de l’actuel chef de l’Etat, alors à la tête de l’Inspection générale des
finances. Il introduit le banquier dans le cercle des conseillers qui préparent
la primaire de la gauche de 2011, puis la présidentielle.
Rapide, travailleur, charmeur, toujours de bonne humeur, Macron réunit une
fois par semaine un groupe d’économistes à La Rotonde, une brasserie du
quartier Montparnasse. « Déjà, pendant la campagne, il n’y avait
pas un iota entre ce que pensaient Hollande et Macron, se souvient
l’ancien conseiller élyséen Aquilino Morelle. Ils étaient très
proches. »
« Le fils qu’on voudrait avoir »
Le président élu appelle naturellement son protégé, alors âgé de 34 ans, à
l’Elysée. Il est promis au poste de sherpa. Mais, pour le banquier, qui accepte
de baisser drastiquement son salaire, ce sera secrétaire général adjoint, sinon
rien. Il n’est encore personne, mais il s’impose déjà. Très vite, le conseiller
au physique de jeune premier prend la lumière. Le Tout-Paris cherche à le
rencontrer. Lui profite de ce prestigieux bureau élyséen pour étoffer son
carnet d’adresses.
De son côté, le chef de l’Etat développe une véritable affection pour ce
surdoué, dans lequel il voit une projection de lui-même. « Emmanuel,
c’est le fils qu’on voudrait avoir », confie-t-il à son conseiller
Gaspard Gantzer. « Emmanuel, c’est moi », déclare-t-il un
autre jour aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice
Lhomme (« Un président ne devrait pas dire ça… », Stock).
En plus de son intelligence, Hollande apprécie par-dessus tout l’humour de
Macron qui « apporte de la joie et de la fantaisie dans le
travail ».
Un jour, à l’Elysée, où doit se tenir un conseil sur l’attractivité, le
jeune homme arrive sans cravate. François Hollande s’en irrite, mais préfère en
rire. « Il lui passait tout », se souvient un membre
du gouvernement. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, se moque
de cet entichement pour celui qu’il surnomme « le petit marquis
poudré ». Les hollandistes, Stéphane Le Foll en tête, prennent en
grippe ce conseiller si peu discret dont les idées sociales-libérales font
tousser la gauche.
Mais, peu à peu, l’ancien banquier déchante. Comme d’autres, il découvre la
difficulté de travailler pour un président solitaire, qui cultive le flou et
l’ambiguïté, repousse les arbitrages. Dans les dîners en ville, il ne retient
plus ses flèches. Insolent, il lui reproche notamment de « baisser
son bénard ». Le conseiller, qui a préparé le tournant libéral de
2014, juge le rythme et l’intensité des réformes insuffisants. Il piaffe d’impatience
d’aller plus loin. Impudent et imprudent, il envoie de son portable à des poids
lourds du gouvernement une photo d’une fausse plaque de médecin où il est
écrit : « Institut international de la procrastination.
Revenez demain. »
Un ministre, alors simple député, se souvient d’un drôle d’entretien : « Il
a passé notre rendez-vous à se moquer d’un président passant ses soirées tout
seul, accroché à son portable, à guetter les dépêches de l’AFP. Depuis le
début, il est l’un de ceux qui ont fait passer Hollande pour un charlot dans
tout Paris. » « C’est un agent immobilier, cingle
un ex-ministre de premier plan. Il dit à chacun ce qu’il a envie
d’entendre. »
L’un des premiers, le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon,
prévient le président : « Méfie-toi, Macron dit du mal de toi
dans tout Paris. » Hollande hausse les épaules, sans y croire.
Comme il ne perçoit pas à quel point, avec sa légèreté habituelle, il blesse
son protégé lorsque celui-ci enterre Monette, sa grand-mère préférée,
en 2013. De retour des funérailles, le chef de l’Etat, pourtant
parfaitement au courant, fait remarquer son absence à « Emmanuel », qui
ne compte pas ses heures à l’Elysée : « Ah tu es là,
toi ? Je t’ai cherché ! » L’intéressé glisse à Aquilino
Morelle : « Ça, je ne lui pardonnerai jamais… »
« On se retrouvera… »
Au lendemain des municipales perdues par la gauche, François Hollande est
rattrapé par la somme de ses indécisions passées et doit tout changer d’un
coup. Il congédie Jean-Marc Ayrault, le remplace par Manuel Valls. A l’Elysée,
il exfiltre le secrétaire général, Pierre-René Lemas, et appelle son ami intime
Jean-Pierre Jouyet. Déception de Macron, qui visait le poste. Valls propose
alors de le faire entrer au gouvernement, au budget. Mais le président, qui se
méfie des technos n’ayant jamais été élus, s’y oppose. Doublement amer,
l’ancien banquier décide de quitter l’Elysée, pour enseigner et créer une
société de conseil. Alors que Lemas hérite de la prestigieuse Caisse des
dépôts, lui part sans rien. « Emmanuel considère qu’il a construit
son parcours de manière indépendante, insiste son porte-parole
Benjamin Griveaux. Il n’y a pas de lien de féodalité. »
Lors du pot de départ de son conseiller, le 15 juillet 2014, François
Hollande lui rend un affectueux hommage. Ce soir-là, son ironie a quelque chose
de prémonitoire : « Qui ne connaît pas Emmanuel ?
Souvent, on me dit : “C’est vous qui travaillez avec M.
Macron ?” » Ce dernier le remercie pour sa « confiance ». Et
conclut ainsi ses adieux : « Il reste trente-quatre mois. A la
fin, il y aura de nouveaux combats. Je serai là, à coup sûr ! » Le
chef de l’Etat en est persuadé : « Avec Emmanuel, on se
retrouvera… »
Les retrouvailles seront plus rapides qu’imaginé. Emmanuel Macron a quitté
le palais depuis deux mois à peine qu’Arnaud Montebourg défie François Hollande
à la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse. Il faut remanier. Hollande et Valls
évoquent plusieurs noms pour le remplacer à Bercy : Gérard Collomb,
Bertrand Delanoë ou Louis Gallois, qui déclinent. Le premier ministre revient
donc à la charge avec Macron, cette fois avec succès. « Valls
était aux anges, se souvient un ex-ministre. Il pense qu’il a
renforcé l’aile droite au gouvernement. Il ne sait pas encore qu’il a mis le
ver dans le fruit. »
Dans l’ivresse du succès, Emmanuel Macron multiplie les provocations,
notamment sur les 35 heures (qu’il attaque) ou la déchéance de la
nationalité (qu’il condamne). Manuel Valls comprend le danger : le jeune
ministre lui ravit le créneau de la transgression et de la modernité. A
l’Elysée, sûr de lui et de sa suprématie, Hollande croit tirer les ficelles,
utilisant Macron pour neutraliser Valls. Sans le savoir, le chef de l’Etat est
en train de mettre en place un triangle des Bermudes, dont lui et son premier
ministre ne réchapperont pas.
Pour l’heure, le chef du gouvernement croit avoir gagné un point en
brandissant le 49.3 sur la loi Macron, alors que le ministre de l’économie
avait passé des heures à convaincre les députés de voter chacun des articles.
Plus tard, il convainc le président de ne pas laisser à ce ministre iconoclaste
la possibilité de froisser une nouvelle fois la majorité, déjà excédée par la
déchéance de la nationalité : il n’y aura donc pas de « loi Macron
2 » sur le déverrouillage de l’économie. Au remaniement de
février 2016, Macron sera même rétrogradé dans l’ordre protocolaire. « Macron
était en souffrance au gouvernement, rappelle le ministre Thierry
Mandon. Valls serrait le nœud coulant. »
Depuis sa citadelle de Bercy, le ministre de l’économie observe l’état de
décomposition du quinquennat et de la gauche. Tout au long de l’hiver, il assure,
bravache, à ses interlocuteurs que le président ne sera pas en situation de se
représenter. Il rencontre des parlementaires socialistes à la chaîne, pour les
sonder. « Hollande ne sera pas candidat, dit-il ainsi au
député de l’Hérault Sébastien Denaja, fidèle soutien du chef de l’Etat. Tu
auras le choix entre Valls et moi. »
A suivre
A hénin, il y en a un qui a carrément liquidé tout un parti, pardon, toute aile! Un bien piètre gestionnaire, mauvais calculateur de surcroît. Avec quelques autres, certes, nous lui devons la victoire du fn. Quel talent!
RépondreSupprimerSi les gens ne votaient pas facho, il n'y aurait pas de fachos à diriger des municipalités. Responsabilité INDIVIDUELLE. Ce n'est pas parce que je suis déçu par mon jambon ou mon steak que je vais acheter puis manger de la merde.
RépondreSupprimerRas le bol de ce discours! Si vouys vous plaignez des fachos, ne votez pas facho! C'est pourtant simple!
Si les autres étaient honnêtes et compétents lorsqu'ils sont aux affaires, il n'y aurait pas de fn à 40, 50 voire jusqu'à 60% dans certaines élections locales. C'est pourtant simple!
RépondreSupprimerJe dirais : simpliste...
SupprimerVous dites ce qui vous arrange. Vous ne dites pas également ce qui vous arrange.
SupprimerJe confirme, au vu du commentaire de 19:26 : "simpliste"...
Supprimer18H14, ahhhhhh eul 18H14! Il pense encore que son FN est honnête et compétent. Ahhhhhh, eul 18H14§ MDR!
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